Bayonne : l’Atalante vise la rue des Graouillats

Le conseil municipal du 11 décembre – le dernier de la mandature – fut consensuel selon les journaux. Il fut surtout un pré-lancement de la campagne électorale du maire sortant et futur candidat à sa succession. Il y eu nombre de glorifications de la politique suivie, pleine de succès et d’adhésion populaire : la réouverture du musée Bonnat-Helleu, la sécurité, la médiathèque, la bonne santé financière, etc. Ce qui n’alla pas sans accrochages avec quelques élu.e.s critiques. Mais également, au fil des délibérations, on a vu apparaître de potentielles futures annonces électorales. Et notamment un agrandissement du cinéma L’Atalante.

l’entrée de la rue des Graouillats depuis le quai

Une délibération portait sur l’achat par l’Etablissement Public Foncier Local (EPFL), pour le compte de la Ville, d’un immeuble situé 3 rue des Graouillats, dans le quartier Saint Esprit. « Graouillats » vient sans doute du Gascon, pour grenouilles. C’était orthographié « Graouillet » au moyen-âge, et l’existence de cette rue est attestée depuis le XVIIe siècle. C’est un quartier anciennement marécageux, et toujours sujet à inondation. La photo ci-après a été prise au petit matin du 11 févier 2024, à l’angle de la rue des Graouillats et du Quai Amiral Sala où se situe l’Atalante.

Le conseil municipal du 11 décembre est ici :

La discussion se situe entre 2h25 et 2h29. Alain Lacassagne présente la délibération sur l’achat de l’immeuble 3 rue des Graouillats et pointe la proximité avec l’Atalante pour justifier l’opération.

3 rue des Graouillats : immeuble vendu… à l’EPFL

Le maire insiste en faisant l’apologie de l’Atalante actuelle, qui manquerait, selon lui, d’une ou deux salles compte tenu de son succès. Il souligne les bas tarifs de l’Atalante, tout en manifestant son ignorance de ces tarifs, hésitant entre 4€, 4,5€ ou 5€ pour les abonnements. Et de faire honte à l’opposition qui avait osé critiquer le dépassement du coût des travaux pour le nouvel immeuble quai Amiral Sala : le coût final étant quasiment le double des 2 à 2,5 millions prévus. Comme si la dérive des coûts était la source du succès, plutôt que la qualité de la programmation, ou l’attractivité la terrasse sur les bords de l’Adour.

En conclusion, Yves Ugalde est revenu sur la comparaison entre le GCR, avec 188 567 spectateurs dans ses 7 salles à Glain, et l’Atalante avec 171 000 spectateurs dans seulement 3 salles.

Yves Augalde adjoint à la culture et à la corrida, lors du conseil municipal du 11 décembre

La convention qui définit le portage financier par l’EPFL pour la Ville explicite les objectifs :

« – conforter l’offre en équipement culturel en lien direct avec la proximité du cinéma d’art et d’essai afin de développer l’attractivité du quartier Saint Esprit ;

produire des logements sociaux dans le cadre de la politique volontariste de la Ville ».

De l’ancienne à la nouvelle Atalante

L’ancienne Atalante était composée de deux salles : la salle historique, rue Denis Etcheverry, et une salle quai de l’Amiral Sala, de l’autre côté du Pont Saint Esprit. Devant le nombre croisant de spectateurs, la Ville, en accord avec l’association « Cinéma et culture » qui gérait ces salles, a décidé la construction d’un nouveau cinéma. La Ville a acquis l’immeuble à côté de la salle quai Sala. Le regroupement des deux immeubles permet l’existence de 3 salles à cet emplacement. La Ville est propriétaire, et l’association est locataire. Les nouvelles salles furent inaugurées fin août 2019

L’Atalante en deux immeubles quai Sala

.Depuis, c’est une belle réussite, un franc succès. Et l’Atalante craque de nouveau devant la fréquentation, tant des salles que du bistrot.

Pour se donner un peu d’air, pour l’administration de l’ensemble et la gestion du bistrot, l’association a acquis, en son nom propre, il y a deux ans, le rez-de chaussée du 1 rue des Graouillats, cet immeuble étant géré sous le registre d’une copropriété. Mais ce local est impropre à répondre au besoin d’une autre salle. L’acquisition par la Ville du 3 rue des Graouillats permettra-t-il d’y répondre ? La faisabilité technique ne semble pas évidente. Mais peut-être, n’est-ce qu’une promesse en vue des élections, dont il ne restera que du vent, comme tant d’autres ?

Entre temps, le bâtiment de la salle historique se dégrade, de manière accélérée depuis qu’elle a été totalement murée en septembre dernier.

l’état lépreux de l’ancienne Atalante le 18.12.25

Le bâtiment avait été occupé quelques jours pendant l’été, donnant espoir d’une réouverture provisoire. Si cette occupation a permis de remettre dans le débat public la question de l’ancienne Atalante, ce fut un coup pour rien, et le silence est retombé. Début octobre, j’avais publié un billet faisant le point de la situation :

En ayant tout muré, la mairie semble jouer la dégradation progressive, et laisser la démolition comme seule perspective.

Patrick Petitjean, 19 décembre 2025

Gratuité électorale pour la réouverture du musée Bonnat-Helleu.

Les habitant.es de Bayonne ont trouvé ces jours-ci dans leur boîte-aux-lettres l’Echo de la Cité n°2 565 un courrier, daté du 21 août, leur annonçant l’ouverture publique du musée Bonnat-Helleu le 27 novembre. Avec un cadeau électoral : la gratuité du musée pendant un mois pour les habitant.es. Super. Le cadeau a même été validé par le conseil municipal.

Offrir des places gratuites pour un musée comme cadeau électoral, la culture y gagne, et c’est tant mieux, mais l’éthique publique ?

Rectifions, ce n’est pas le maire et candidat qui distribue ces places gratuites. La signature, dont la photo figure en Une de ce billet, n’est pas celle qui figure au bas de l’Echo n° 2 565. C’est celle du n°2 563. Comme on peut le lire sur la photo intégrale du n°2 565 ci-dessous, cet Echo est signé « le maire et le conseil municipal », sans autographe du maire.

Une délibération fixant les tarifs de l’entrée du musée a été adoptée lors du conseil municipal du 17 juillet dernier. Une disposition comportant ce mois « exceptionnel » de gratuité avait été introduite. La délibération a été adoptée avec les seules voix de la majorité. Les groupes d’opposition n’ont pas été dupes de la manœuvre électorale. Ils se sont simplement abstenus de prendre part à ce vote, ils ne pouvaient faire autrement. Bien joué. Mais ce vote suffit à valider et à « neutraliser » ce cadeau.

Bien sûr, tout le monde ne peut que se réjouir de ce mois de gratuité, un encouragement à venir visiter ce musée après 14 ans de fermeture. Il est dommage que cela ait donné lieu à une manoeuvre politicienne de plus de la part du maire.

Il aurait été plus éthique que l’annonce de cette gratuité soit faite pour un prospectus ad hoc. La ville sait faire des supports de communication spécifiques pour des évènements importants, même pour les corridas, et non par un « Echo de la Cité » qui est rarement neutre. Un prospectus ad hoc qui aurait pu être fait en commun avec les oppositions. Mais la démocratie municipale n’est pas une pratique usuelle à Bayonne.

Prudence oblige quand même : cet Echo est diffusé avant le 1er septembre, date à partir de laquelle les dépenses électorales potentielles sont contrôlées. Dès fois que le vote du conseil, et la signature qui en découle, n’auraient pas suffi comme camouflage. On ne sait jamais.

Patrick Petitjean, 28 août 2025

Gentrification et peuplement à Bayonne

Bayonne n’est pas avare en envolées lyriques « nous sommes la seule ville basque à respecter la loi SRU ». Mais cela cache de moins en moins les priorités réelles pour les classes moyennes, au détriment du logement social locatif familial. Le bailleur social de la CAPB, HSA, se lance dans un nouveau (à Bayonne) « produit » : le logement locatif intermédiaire (LLI), à destination des classes moyennes aisées. Au regard de cette volonté de gentrification, le respect de la loi SRU apparaît comme un rideau de fumée.

Note : le dessin en Une, comme celui d’une barre d’immeubles plus loin dans le billet, sont repris d’un entretien avec Jean-Baptiste Eyraud, fondateur et toujours animateur du DAL, paru dans le journal Le Chiffon.

Il y avait peu de traces de l’existence des LLI dans les opérations immobilières de HSA à Bayonne. Mais des décisions récentes, le 17 juillet, du président de la CAPB, sont venues attirer l’attention : il s’agit d’accorder des garanties d’emprunt à HSA pour deux opérations immobilières, l’acquisition en VEFA de 16 LLI dans l’opération Zura (quartier Arrousets) et de 10 LLI dans l’opération Akoya, rue Maubec (photo ci-après, prise en décembre 2024).

Les LLI chez HSA

Dans les deux cas, Bouygues est le promoteur qui vend ses appartements en VEFA. Une aide à la commercialisation ? Pour Zura, 31 chemin du Trouillet, le PC prévoyait 18 appartements et 5 maisons ; 16 logements reviendront à HSA avec le statut LLI. Pour Akoya, 121 rue Maubec , 42 appartements sont programmés, livrables fin 2025, dont tous ne sont pas encore vendus. HSA en achètera 10 pour faire des LLI. Encore une fois, merci qui ?

Les premiers LLI étaient apparus à Bayonne dans le cadre d’une modification du programme de l’opération Prissé. Les 24 LLI actuellement présents dans le programme d’HSA n’existaient pas à l’origine. Ce programme comportait 70 logement familiaux, 88 BRS et 192 logements revendus à Alday, dont 53 étaient à prix « maîtrisés » (commercialisés par Alday avec le slogan « vous ne rêvez pas », vous pouvez devenir propriétaire avec un prix écrasé). Les 24 LLI ont été pris sur le contingent d’Alday., ce qui a réduit à 44 son nombre de « maîtrisés ».

HSA a ouvert un site pécifiquement consacré aux LLI : https://locationintermediaire.habitatsudatlantic.fr/residences

En plus des trois opérations déjà mentionnées, on en trouve une 4e : Zelena, 3 chemin d’Hargous (à côté de la MVC Saint Etienne). Selon le PC, le promoteur est AFC promotion, avec 3 maisons et 7 appartements. Son site confirme que l’ensemble, 10 LLI, est vendu en bloc à HSA. Merci HSA.

Enfin, dans son rapport d’activités pour 2024, HSA indique, sans plus de détail, que des LLI seront aussi programmés dans l’opération Citadelle.

Le dispositif national des LLI

Les LLI existaient depuis 2014, mais semblent n’avoir été que peu utilisés, sauf à Paris. Les gouvernements de 2024 ont relancé ce dispositif, et veulent en faire une pièce maîtresse pour loger les classes moyennes (y compris) aisées face à la crise du logement. Certains ministres ont même plaidé pour inclure les LLI au titre du logement social pris en compte dans la loi SRU. Pour l’instant, ce n’est pas le cas, mais vigilance…

Voir : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/logement-locatif-intermediaire-institutionnel

Ce dispositif comporte plusieurs avantages fiscaux, notamment quand les LLI sont dans des « quartiers politique de la ville », ce qui est le cas d’Akoya rue Maubec.

Le dispositif est accessible à toute « personne morale » depuis la loi de finances 2024, en plus des « institutionnels ». Par exemple une SCI (2 personnes) est éligible. Ce dispositif est conseillé pour investir après la fin du « Pinel ».

Faire accéder à la propriété.

Les LLI sont un dispositif de plus qui cible les classes moyennes. Bien sûr, la crise de l’immobilier les touche aussi, et il est souhaitable que les politiques publiques du logement s’y attachent, à Bayonne comme ailleurs. Mais ce qui pose de plus en plus problème, c’est le déséquilibre qui s’accroit entre la place occupée par ce segment de la population et celle réservée aux milieux populaires.

La ville de Bayonne avait déjà, lors de la discussion du dernier PLH en 2019/2020 mis l’accent sur les logements « abordables » ou « à prix maîtrisé », amendant le projet de PLU pour faire diminuer la proportion de logements locatifs sociaux prévue sur la ville.

Les BRS

C’est un dispositif où le bâti et le foncier sont dissociés. Un futur propriétaire achète seulement le bâti, à un prix qui est de – 30% à – 40% au regard du marché libre. Mais il signe un Bail Réel Solidaire (BRS) avec un Office Foncier Solidaire (OFS), propriétaire du foncier, avec une redevance mensuelle en fonction du nombre de m2.

Le dispositif est récent et reste très controversé, même si l’unanimité existe pour louer son aspect anti-spéculatif.

Il y a des problèmes plus techniques, qui commencent à apparaître : reventes, successions,…

Il y a la question de la maîtrise du coût réel, au delà du prix d’achat : le montant de la redevance foncière et de sa durée (quand l’OFS est rentré dans ses frais).

Il y a la question de l’opacité de la sélection des candidats à l’achat, une fois constaté qu’ils sont éligibles (sous le plafond de ressources). L’attribution des logements locatifs se fait selon des critères très précis. Mais pour les BRS, c’est du commerce, donc à la discrétion des vendeurs.

Enfin, qui réellement bénéficie du dispositif ? Vu son caractère récent, on ne possède pas encore d’étude d’ampleur sur le niveau de ressources des heureux bénéficiaires, s’ils étaient locataires dans le parc public ou dans le parc privé, s’ils étaient primo-accédants ou avaient un appartement à vendre (au prix du marché actuel…).

Sont-ils vraiment accessibles aux ménages à bas revenu, et ceux-ci les utilisent-ils effectivement ? Les discours officiels l’affirment haut et fort. Mais, en même temps, le gouvernement a fortement relevé les plafonds, pour les rendre, inversement, accessibles à des revenus plus élevés.

Foncier Solidaire France, qui regroupe la plupart des OFS à l’échelon national, a constitué il y a moins de deux ans un observatoire national qui recueille les données sur les BRS, quelques dizaines il y a 2 ans et quelques milliers aujourd’hui. On en saura plus dans les prochains mois. Lors de leurs journées nationales 2025 ce mois-ci à Strasbourg, il a été confirmé qu’il y avait une grande dispersion des ressources des bénéficiaires, avec une médiane « moyenne ».

De son côté, Alda, dans l’édito de son dernier journal, affirme que les mécanismes innovants anti-spéculatifs, BRS et SCIAPP, « permettent aux ménages très modestes d’accéder à la propriété ». Espérons que ce n’est pas seulement un acte de foi dans ce dispositif.

La politique de peuplement à Bayonne

L’exemple de la rue Maubec

En parcourant le haut de la rue Maubec et les alentours du carrefour Matras pour y relever les PC affichés il y a près de trois ans, il sautait aux yeux que le logement social était quasi-absent. Tout était en accession libre, rarement avec la possibilité de PTZ. On pouvait dire cependant que deux cités populaires, Bédat et Citadelle, étaient à proximité. Pour Citadelle, c’est d’ailleurs fini, voir plus loin dans ce billet.

L’écologie est le prétexte avancé pour construire à proximité des transports « structurants ». C’est indéniable. Mais c’est une écologie pour qui ? On le voit dans la plupart des villes : la spéculation immobilière fait rage aux environs de ces lignes. Bayonne n’y échappe pas, et on ne peut pas dire que la ville cherche à contrôler le phénomène, hormi la limitation des résidences secondaires (pendant 15 ans), au contraire : sa politique de peuplement vise à attirer les classes moyennes. Voir, par exemple, ce billet antérieur :

La nouvelle citadelle

Lors du dernier conseil municipal le 17 juillet, le maire a vanté la forte proportion de logements sociaux dans le nouveau quartier citadelle à construire. Même chose pour HSA dans son rapport d’activité, qui n’hésite pas à mentionner les PLI parmi les futurs logements sociaux. En plus des logements étudiants, saisonniers, EHPAD et autres spécifiques.

Dans un précédent billet (la mort d’une cité populaire), j’avais pointé les mensonges concernant la démolition des 241 logements familiaux de cette cité, une démolition totale comme n’en fait plus l’ANRU (pourtant créée pour cela). La nouvelle citadelle est de la spéculation immobilière à l’état brut.

Les chiffres de ce billet étaient ceux donnés lors d’une réunion publique en décembre 2024. De nouveaux chiffres, plus précis, sont avancés pour la programmation de logements, toujours susceptibles d’être révisés quand les PC seront déposés : 81 PLAI (locatifs très sociaux), 107 PLUS (locatifs standards), 23 PLS familiaux (locatifs de qualité supérieure), soit un total de 211 logements locatifs familiaux; 110 PLS étudiants ; 70 BRS (accession sociale) ; 184 en accession libre. Soit un total de 575 logements, dont 68% de sociaux « officiels », toutes catégories confondues. Pour les familles par contre, la réalité est toute autre : entre l’ancienne et la nouvelle cité, on passe de 241 à 211 logements. En baisse donc : c’est bien un choix de peuplement.

27% de logements sociaux à Bayonne : un récit mystificateur et méprisant.

Il n’est pas un débat sur le logement et sur le PLUi où le maire et son adjoint ne mettent en avant les 27% de logements sociaux sur la ville, au contraire des autres villes qui ne respectent pas, et de loin, les 25% de la loi SRU. Ce récit est méprisant et doublement mystificateur.

Méprisant, car il pointe négativement le logement social comme une charge à partager avec les villes voisines, et non comme une réponse positive aux besoins sociaux. A elles de prendre leur part dans le logement des « cas sociaux »…

Mystificateur, car les logements sociaux ont été construits en grand nombre dans les années 1960 et 1970, et la municipalité actuelle vit de cette rente léguée par Grenet père. Sa politique vise à construire le minimum de logements sociaux qui permette de ne pas descendre en dessous de la barre des 25%. Selon les années, on oscille entre 26% et 28%. Et on y arrive… grâce aux BRS.

Mystificateur encore, car la définition de « logement social » a évolué au cours du temps. A l’origine, il s’agissait uniquement de logements locatifs, avec marginalement quelques PSLA. Mais, grâce à Macron en 2017, l’accession sociale de type BRS est prise en compte dans le contingent des 25% SRU. Et, dans beaucoup de villes, dont Bayonne, c’est l’explosion du nombre de BRS construits, avec la bonne conscience du « sociale » de l’accession sociale à la propriété.

Les 27% de Bayonne résultent de cette inclusion de l’accession sociale. Mais où en est le pourcentage des PLAI + PLUS et son évolution ????

Cette ruée vers les BRS se combine avec l’explosion aussi des logements sociaux spécifiques, dont l’utilité n’est pas contestable : résidences seniors et étudiantes. Cela a d’ores et déjà déséquilibré le bilan du PLH : les objectifs pour 2023 ont été remplis à 56 % pour les PLUI + PLUS, à 318 % pour les PLS (surtout des spécifiques) et 127 % pour les BRS.

Et ce, alors que les demandes de logements atteignent 14 499 au 31/12/23 sur toute la CAPB, en hausse, avec des attributions, en baisse qui représententt 12,6 % des demandes. Et ce sont des demandes de locations, et non d’accession à la propriété.

Le droit au logement, un enjeu déterminant pour les prochaines élections municipales

Le pouvoir macroniste a entrepris une politique systématique de destruction du logement locatif social et ne cherche pas à dissimuler ses choix en faveur des plus privilégiés. Cela met en difficultés des politiques publiques locales plus équilibrées en matière de logement, et encore plus les bailleurs sociaux. Il ne faudrait pas que les contraintes financières poussent les municipalités à se mettre dans le sillage des orientations nationales davantage que dans la réponse aux besoins réels des habitants.

Patrick Petitjean, 26 juillet 2025

Etchegaray à Bayonne : une gouvernance opaque

Une réponse postale en mai pour une demande de documents faite en juillet dernier par courriel, et, surtout, un débat escamoté lors du conseil municipal du 5 juin sur le futur PLUi de l’ACBA, sans documents fournis aux élu.e.s : le maire de Bayonne ne partage pas la gouvernance de la ville avec les élu.e.s. Alors, avec les habitants… Il n’y a rien à attendre d’Etchegaray ou de son équipe pour une gouvernance démocratique.

Il ne faut jamais désespérer. Ma demande de documents, faite en juillet 2024 au maire, a reçu une réponse… en mai 2025.

La demande concernait une délibération du conseil municipal en juillet 2024. Pour justifier les éléments chiffrés contenus, elle renvoyait à un document, dont j’avais demandé communication. La loi prévoit que tout document administratif ayant servi à une décision (ce qu’est une délibération du conseil municipal) est communicable à toute personne.

J’avais retracé dans un billet de blog les péripéties de la non-réponse à cette demande. Voir le billet : https://lepimentbayonnais.fr/2025/01/20/urbanisme-a-bayonne-les-cachotteries-du-maire/

Lors de ce conseil les élu.e.s de l’opposition se sont interrogés, à juste titre, sur les chiffres avancés, notamment sur la carte scolaire, sans véritable réponse. Ils-elles sont supposés voter « en connaissance de cause ». Les documents référencés dans une délibération sont supposés alimenter cette connaissance.

Mais, comme le reconnaît la lettre, et c’est en cela qu’elle est intéressante, le document référencé n’existait pas, et c’est pour cela qu’il ne pouvait pas être communiqué.

La délibération majorait la taxe d’aménagement sur une partie importante du secteur Saint-Bernard / Laharie, et justifiait cette majoration en particulier par la (re) contruction d’une école dans le quartier de la citadelle.

Si l’on comprend bien le texte de la réponse, le document référencé n’existait pas de manière formelle :

« Les études relatives au développement du trambus, à la création de polarités de quartier, à la préservation du patrimoine, au maillage piéton et à l’épanouissement paysager sont pour l’instant des documents de travail qui ne sont pas transmissibles. Elles proposent des scenarii qui vont permettre de guider les choix d’écriture règlementaire au PLUi. Ceux-ci seront exposés lors de la phase d’enquête publique ».

On a donc affaire à des études préalables au PLUi, qui servent de base à une décision du conseil municipal dès maintenant, mais qui ne sont pas encore sous la forme d’un document formalisé. C’est un manque complet de considération envers les élu.e.s et au-delà envers les habitants

Le conseil municipal de Bayonne privé du droit de débattre de son PLUi

La réponse du maire fait référence au PLUi en cours de finalisation. La coincidence temporelle avec la présentation du PLUi lors du conseil municipal du 5 juin n’est donc pas fortuite. Et l’attitude du maire de Bayonne sur ce point est beaucoup plus grave

Le 5 juin, le conseil municipal était invité à « prendre connaissance » du future PLUi, lequel concerne l’ancienne Agglo Côte Basque Adour (ACBA), dont Bayonne et 4 autres villes. Prendre connaissance, mais sans vote, puisque l’urbanisme est de la compétence de la CAPB. Encore que, même si au final la décision appartient à la CAPB, rien n’empêche le conseil municipal de donner son avis consultatif par un vote. Cela se fait en général dans des dossiers de modifications de l’ancien PLU.

La question est : quelles informations ont été communiquées aux élu.e.s, de quoi a-t-il pu prendre connaissance ?

Et bien, seulement d’un diaporama d’une trentaine de pages, déjà projeté le 23 avril lors d’une réunion publique au siège de la CAPB, puis dans une commission préparatoire du conseil. Comment prétendre qu’avec ce simple diaporama le conseil pouvait prendre connaissance du PLUi ?

Lorsqu’une élue (Demain Bayonne) lui a fait remarquer que, pour la même « prise de connaissance », les élu.e.s d’Anglet avait eu droit au même diaporama, mais que la délibération avait décliné en plus quelques points importants spécifiques du PLUi pour Anglet, l’adjoint bayonnais à l’urbanisme a consenti à annoncer en séance quelques points d’application locaux du PLUi. Tout en admettant après la séance dans les couloirs la volonté de la municipalité d’en dire le moins possible si elle n’est pas poussée à le faire.

Le PLUi, est un ensemble de documents volumineux, politiques et techniques. On peut imaginer qu’au moins une synthèse non technique soit communiquée aux élu.e.s, avec les principales décisions concernant Bayonne et qui figurent au PLUi.

Eh bien non. Comme dans l’inexistence du document référencé par la délibération de juillet 2024, c’est un mépris total envers les élu.e.s.

Les PLUi au conseil communautaire

Le PLUi de l’ACBA est à l’ordre du jour du conseil communautaire du 21 juin, pour adoption avant une enquête publique à l’automne.

Il y a 81 points au sommaire de ce conseil dont 14 concernent des PLUi ou des modifications d’anciens PLU. Autant dire qu’il n’y a que peu de temps disponible pour débattre de chacun, même des plus « gros ». Surtout, vu la complexité de chaque PLUi, et la disparité dans un conseil composé en majorité d’élu.e.s de petites communes, des discussions approfondies sont difficiles et auraient besoin d’être bien préparées. Les méthodes de l’éducation populaire seraient bénéfiques dans un tel cas…

On verra quels documents seront communiqués aux élu.e.s, et quels débats seront possibles.

Même si chacun des conseils municipaux ne sont que consultatifs, ils devraient rester le principal lieu de débat sur ces dossiers d’urbanisme.

J’aurais l’occasion de revenir sur ce PLUi après le conseil communautaire, et surtout au moment de l’enquête publique à l’automne.

Patrick Petitjean, 10 juin 2025

Bayonne, vers des expropriations d’utilité publique ?

rue Sainte Catherine

Le 21 octobre, un 5e enquête publique vient s’ajouter à la liste donnée dans mon billet précédent. Elle est cette fois-ci pilotée par le Préfet. C’est une ORI, opération de restauration immobilière, et concerne 7 immeubles du centre ville, sur la rive gauche de la Nive, particulièrement en mauvais état. Elle comporte des aides pour les propriétaires, mais si les travaux ne sont pas faits, l’expropriation est au bout.

Elle résulte de l’adoption (unanime) par le conseil municipal du 17 juillet dernier de cette nouvelle procédure.

Vous avez aimé les sigles qui concernent la rénovation du centre ancien tels que l’ANAH, l’OPAH, l’OPAH-RU ; le PIG, le PNRQAD, vous aimerez maintenant l’ORI. Détailler ces sigles et les opérations qui s’y rattachent dépasse le cadre de ce billet et les compétences du rédacteur.

Tous ces dispositifs incitent les propriétaires privés du centre historique de Bayonne à rénover leurs immeubles et appartements, moyennant des aides financières, plus ou moins importantes, plus ou moins conditionnelles. Les dispositifs sont nationaux, communautaires, ou seulement municipaux, toujours multipartenariaux.

C’est peu dire qu’un nombre important d’immeubles du centre historique sont en mauvais état, certains au bord de l’écroulement. Certains ont été interdits d’occupation avant travaux lourds. Rue Sainte Catherine, en une centaine de mètres, ce sont 5 immeubles qui menacent de s’effondrer (voir la photo en une de ce billet). Même chose dans le Petit Bayonne et sur la rive gauche : on voit les arrêtés municipaux fleurir sur les portes de nombreux immeubles. Face à la Cathédrale, un immeuble a du être exproprié, les co-propriétaires étant dans l’incapacité de faire les travaux.

C’est pour faciliter de telles expropriations que l’ORI est mise en place, en leur assurant une assise juridique plus forte (l’utilité publique).

La nécessité d’une intervention forte, et financièrement coûteuse, est incontestable. Il est même difficile d’être à la hauteur de l’état actuel du bâti, pour ne pas parler des risques supplémentaires liés au réchauffement climatiques : inondations, rétraction de l’argile…

Cette opération complète les dispositifs existants. Selon le dossier, depuis 45 ans qu’existent ces aides à la rénovation, pas moins de 1750 logements ont pu l’être. L’OPAH-RU (Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat – Rénovation Urbaine), a été renouvelée pour 5 ans en 2023 et élargie aux co-propriétés dégradées.

Depuis 2011 le PNRQAD (Programme National de Rénovation des Quartiers Anciens Dégradés) permet d’intervenir au niveau d’îlots très dégradés. Il y en a 15, dans le Petit Bayonnne ou sur la rive gauche de la Nive. Les immeubles font progressivement l’objet d’un achat (au besoin appartement par appartement) par l’EPFL (Office Public Foncier Local). Actuellement, 17 immeubles ont pu être acquis complètement, puis revendus à des bailleurs sociaux, avec création de 85 appartments en locatif et 32 en BRS.

La délibération du 17 juillet.

Elle comporte en annexe le dossier qui sera soumis à enquête publique du 21 octobre au 8 novembre.

Elle souligne les limites des dispositifs déjà mis en œuvre :

« Ces dispositifs d’accompagnement et de soutien financier en faveur de la requalification du centre ancien peuvent toutefois s’avérer insuffisants pour traiter durablement des immeubles les plus dégradés, soit en raison de l’absence de volonté des propriétaires, soit du fait d’une incapacité financière ou décisionnelle d’agir ».

L’ORI est un dispositif plus contraignant permettant de prescrire des travaux obligatoires,sur des immeubles sélectionnés L’étude préalable au renouvellement de l’OPAH-RU avait permis de faire une liste de 18 immeubles avec un potentiel d’une centaine de logements.

En fonction de leur intérêt, au final, 7 immeubles seulement ont été retenus pour l’ORI.

Ce sont : 46 et 48 rue Victor Hugo ; 16 rue Orbe ; 12 rue Port de Castets ; 4, 6 et 10 rue de la Salie. Des travaux obligatoires sont définis, qui doivent être réalisés dans un délai contraint. Les aides financières et l’accompagement technique à la clé, qui existent déjà dans le cadre de l’OPAH-RU, seront renforcés. Il y a aussi la promesse d’une « phase d’animation » après la déclaration d’utilité publique.

46 rue Victor Hugo

Mais… Si refus ou incapacité de faire les travaux : un processus d’expropriation sera lancé. Le délai écoulé, une demande d’arrêtés de cessibilité suivra.

La valeur des immeubles avant restauration est estimée par les domaines à 6,5 millions d’euros. Leur restauration est évaluée à 7,571 millions HT

16 rue Orbe

Les immeubles de la rue Victor Hugo sont dans l’îlôt 12 du PNRQAD, la rue Orbe est distante des îlots, et les autres à proximité de l’îlôt 14 (et 15). Tous sont dans le secteur sauvegardé PSMV (Plan de Suvegarde et de Mise en Valeur), un autre dispositif

Pour les 7 immeubles, il y a 27 logements vacants, 3 en location, et aucun n’est occupé par un propriétaire. 6 des 7 commerces en bas d’immeubles sont en activité. Les propriétaires sont 6 SCI et 1 indivision. Les 3 locataires officiels devront relogés. Mais les logements vacants le sont-ils vraiment ? Squats, relogements temporaires dans des opérations tiroirs…

10 rue Salie

La plupart des immeubles semblent effectivement vides, ou presque. Mais la présence dans cette liste de celui du 12 rue Port de Castets interroge. Le commerce du rez-de-chaussée est une enseigne importante de la ville, au contraire des autres pieds d’immeubles. Ses bureaux occupent au moins le 1er étage. Il n’y a pas de locataires. Mais est-ce une erreur d’adressage ?

12 rue Port de Castets

Les permanences habituelles du commissaire enquêteur permettront d’en savoir plus

Patrick Petitjean, 14 octobre 2024

Fêtes de Bayonne 2024 : Fermez la porte

Fermez la porte : tel est l’ordre donné par le maire, Jean-René Etchegaray, au service de sécurité lors du conseil municipal du 17 juillet, pour empêcher un collectif féministe de s’exprimer au début de la séance sur les violences lors des Fêtes. La veille, le maire s’était livré à une séance d’autosatisfaction devant la presse. Avant que, le 17 au matin, ne soit confirmée la mort d’un festayre.

Avant même la fin des Fêtes, le dimanche soir, le maire de Bayonne s’est livré à un exercice d’autosatisfaction fascinant, si l’on en croit des propos rapportés par le journal Sud-Ouest (15/07) : il a « le sentiment d’avoir retrouvé l’esprit de nos Fêtes ». « Un apaisement, le mot n’est pas excessif ». « Un esprit de partage et non pas de rapport de forces ».

La manifestation lors du Conseil municipal

l’arrivée au conseil municipal

Ce n’est pas vraiment ce qu’a vécu le lieu d’accueil pour femmes mis en place par Itaia : il a décompté, entre mercredi et samedi, 11 agressions, parmi lesquelles des suspicions de viol, des agressions physiques ou verbales. Il a subi plusieurs intimidations mettant en danger les militantes présentes. Des inscriptions fascistes et néonazies ont été portées sur leurs affiches.

De même le lieu de refuge Txalaparta, de l’association LGTBI+ Les Bascos, a subi injures et saluts nazis. Ambiance…

Txalaparta. Photo Xan Ansalas

De nouveaux témoignages d’agression sont apparus depuis sur les réseaux sociaux. Et le 17 au matin, a été rendue publique la mort d’un festayre, qui était entre la vie et la mort à la suite d’une rixe le soir de l’ouverture des Fêtes le 10 juillet.

Un collectif d’associations féministes a voulu faire état des violences sexistes et sexuelles durant l’édition 2024 des Fêtes et dénoncer le gouffre entre l’autosatisfaction des autorités et la réalité vécue, en s’invitant au conseil municipal pour y lire une déclaration. Elles ont été contraintes de la lire à la presse seulement dans une salle attenante.

lecture de la déclaration dans une salle voisine de celle du conseil municipal

Le maire pouvait légalement suspendre la séance légale pour entendre le collectif. Il n’en a rien été. La bande son du conseil (entre 5’50 et 20’) est édifiante. Après une introduction convenue pour faire part de son émotion et présenter ses condoléances suite au décès du festayre, le maire laisse la parole à des élu.e.s en les appelant à la retenue. Un seul, Mixel Esteban, se risquera à une mise en cause de la sécurité lors des Fêtes.

La retransmission du conseil : https://www.bayonne.fr/ma-mairie/vie-municipale/conseils-municipaux/conseil-municipal-du-17-juillet-2024-34423

En arrière-fond, on entend du brouhaha, des slogans, des claquements de mains. On entend le maire expliquer à deux reprises au collectif qu’il n’a pas la parole. Pour « assurer l’ordre public », il fait injonction plusieurs fois à la sécurité de fermer les portes. Le « calme » ne revient qu’après une bonne dizaine de minutes.

Le Collectif reviendra le 17 octobre lors du prochain conseil municipal en espérant être écouté cette fois.

« Une édition exceptionnelle » selon le maire de Bayonne

Les photos qui suivent ont été faites par Xan Ansalas le jour de l’ouverture

Le Maire, le Procureur et le Sous-Préfet ont tenu une conférence de presse le mardi 16 au matin, amplement rapportée par les journaux Sud Ouest et Mediabask, pour dire tout le bien qu’ils pensaient de l’édition 2024 des Fêtes de Bayonne.

Ils ont dressé un bilan chiffré des infractions constatées. Pendant les Fêtes, il fallait recourir à la République des Pyrénées pour connaître les chiffres quotidiens. Ainsi, selon le Sous-Préfet, sur les « 219 vols et atteintes aux biens » recensées, 218 concerneraient des vols de téléphones portables. Gravissime ! 256 plaintes ont été enregistrées, contre 532 en 2023. Magnifique.

Mais, le nombre d’interpellations est passé de 36 à 54, et les gardes à vue de 29 à 45. Comme reconnu par le Sous-Préfet, cela traduit une « très forte activité des services ». Les festayres s’en étaient aperçu, étant donné l’omniprésence policière, y compris en journée ; le nombre de fouilles de sac pour pouvoir traverser le centre. Une photo de la fête avec des policiers au milieu de la foule est légendée dans Sud Ouest « les forces de l’ordre font partie du décor ».

Forces de l’ordre publiques et agents de sécurité privés, ce sont au total 1 400 personnes mobilisées. La fuite en avant dans le tout sécuritaire n’a pas empêché le climat de violence, voire l’a favorisé, devenu la marque des Fêtes de Bayonne.

Cerise sur le gâteau, le Procureur a fait état d’un « point de réelle satisfaction, les infractions à caractère sexuel et sexiste ». « Dès que j’ai pris mes fonctions ici, en 2020, nous avons eu des procédures de viol. A ce jour, nous n’avons aucune procédure pour viol ou agression sexiste ou sexuelle. Nous avons eu un certain nombre de signalements qui ont été traités. Il s’est avéré que ces faits n’étaient pas constitués. D’ailleurs, nous n’avons pas eu de plainte ».

Une telle méconnaissance de ce genre de dossier est stupéfiante de la part d’un procureur. On aurait pu espérer davantage de recul critique sur l’écart entre le traitement policier ou judiciaire des violences sexistes et sexuelles et leur réalité. Pas de plainte, il ne s’est rien passé lors des Fêtes.

C’est un déni de ce que les associations féministes ont pu constater, et qu’elle ont rappelé dans leur adresse au conseil municipal., reprochant à la municipalité de minimiser et d’invisibiliser les faits : violences sexuelles, harcèlement, exhibitionnisme… Les protocoles se sont avérés insuffisants et inadaptés pour lutter contre ces évènements inacceptables.

La gestion des violences s’est avérée insuffisante, et le collectif demande pour l’an prochain davantage d’actions concrètes et une prise en compte du niveau réel de violence au lieu de leur déni.

« Une ambiance calme » ont conclu les autorités : un diagnostic pas très partagé

Le collectif 2032, formé après le désastre de l’édition 2023 par des acteurs des Fêtes (cafetiers, restaurateurs, associations, penas, …), avait formulé plusieurs propositions, dont le maire s’est revendiqué pour certaines améliorations, indéniables : la relocalisation de la fête foraine, l’avancée horaire de l’ouverture des Fêtes, l’application sur la sécurité, etc.

Le maire voit aussi la baisse de la fréquentation, de 1,3 millions en 2023 à 1 million de participants (chiffre provisoire) cette année comme un succès de cette nouvelle organisation, « faite en lien étroit avec le collectif 2032 ». Il y a certainement une part de vérité, mais on peut remarquer que, dans le contexte agité de juin-juillet, d’autres fêtes ou festivals (Avignon) ont aussi eu des baisses significatives de participation.

Très diplomatique, le collectif 2032 n’a que moyennement apprécié cette instrumentalisation par le maire de leurs propositions. Il estime qu’il faudra sans doute plusieurs années pour les mettre réellement en œuvre. Il présente un bilan « plus nuancé » de l’édition 2024. Il rejoint le collectif féministe pour estimer que le protocole (de prévention des violences) était insuffisant, et pas toujours opérationnel. Il demande davantage de lieux refuges

Le plus positif, selon lui, est l’après-midi du jeudi, sans sonorisations, réservé aux musiques vivantes. Encore faudrait-il que la fréquentation baisse encore pour que les bandas puissent se déplacer normalement dans les rues.

Le chemin est encore long pour apaiser les rues de Bayonne conclut le collectif 2032

Esprit, es-tu là ?

Pas besoin de faire tourner les tables, le maire de Bayonne a retrouvé en 2024 « l’esprit des fêtes », perdu en 2023. Même si, comme d’habitude, il planait sur un océan de bière. Parler d’esprit des fêtes, d’identité retrouvée, est un langage creux qui évite de se poser la question du modèle mis en œuvre pour ces fêtes, de leur sens depuis quelques années.

Dans nos fêtes (pas seulement celles de l’été), la violence est récurrente, sans doute pus que dans d’autres. A force de propagande touristique, leur image est celle d’un lieu où l’on vient se défouler, où tout est(en réalité) toléré. L’autosatisfaction et le déni des maire, procureur et sous-préfet en témoignent.

La violence apparaît comme intrinsèquement liée à nos Fêtes. Paradoxalement, les précautions prises confortent l’idée qu’elle est inexorable : les barriérages multiples (notamment autour des espaces verts), le démontage des vitres des abris-bus, le contreplaqué mis devant les vitrines, etc. La ville apparaît comme en état de siège, dans l’attente de débordements.

Les corridas, mises au coeur des Fêtes, donnent lieu à un déferlement de propagande de la part de la ville et du journal local. Elles participent fortement à l’atmosphère de violence.

L’alcool est un tremplin vers la violence. Le journal Le Monde a publié le 16 juillet le compte rendu d’une étude qui identifie l’alcool comme une cause majeure des violences en France.

Même si elle a un peu baissé, la surfréquentation reste un problème majeur, avec l’engorgement des rues du centre ville, renforcé par la marée envahissante de comptoirs extérieurs proposant force boissons alcoolisées et nourriture de bas de gamme mais chère

Il est difficile de se voiler la face. Le bilan de 2023 n’a pas vraiment été tiré, malgré les ajustements de dates et d’horaires, de localisations, d’après-midi sans sonorisations. Le changement n’était pas au rendez-vous.

Une « année blanche » pour marquer une rupture

Après la catastrophe de l’édition 2023, EELV avait proposé une « année blanche » pour se donner le temps de refonder nos Fêtes, d’en appeler pour ce faire à l’intelligence collective des habitants sous forme par exemple d’une « convention citoyenne ». Voir https://wordpress.com/post/lepimentbayonnais.fr/827

Il est de plus en plus nécessaire de traiter les problèmes à la racine, de ne pas se contenter d’ajustements cosmétiques qui ne remettent pas en cause le modèle actuel.

Que faut-il développer, que faut-il supprimer, pour redonner toute leur place aux cultures populaires, et non aux attractions touristiques ? Quelles régulations pour l’occupation de l’espace public et la consommation d’alcool ? Pourquoi ne pas séparer les corridas des Fêtes ? Tant d’autres questions (notamment les relations avec les villes voisines et au Pays basque, l’entrée payante, etc) mériteraient d’être mises en débat pour redonner sens à nos Fêtes.

Beaucoup de choses sont bien sûr à conserver, et sont autant de contre-feux qui contribuent à une « vraie » fête : la journée des enfants, le corso, les bandas dans les rues, les fêtes dans les penas, etc…

Egalement, des lieux différents, des alternatives, existent déjà au coeur des Fêtes, et tracent, en filigrane, des perspectives possibles. Il y a urgence à modifier très profondément le modèle des Fêtes, pour retrouver le sens de la fête en commun.

Quand nos édiles bayonnais vont-ils écouter davantage les habitants que les lobbys touristiques ?

Patrick Petitjean, 23 juillet 2024

Bayonne : Java ou Fandango ?

Avertissement : ce blog va être au repos 2 mois, le temps de vacances en Amérique latine

« Nous souhaitons écarter le public qui pose problème après 20 heures, ceux de l’extérieur qui n’ont pas les codes et ne font pas la différence entre la java et le fandango. Pour la java, il y a les bords de Marne ». Ainsi s’est exprimé Yves Ugalde devant la presse ce 25 mars.

Cela se voulait de l’humour. Adjoint au maire de Bayonne pour l’évènementiel (et la culture), Yves Ugalde est chansonnier dans la vie civile. Mais son affirmation, relevée par la presse et les réseaux sociaux, était pour le moins maladroite, et a suscité des débats lors du conseil municipal, tant sur les moyens de contrer la surfréquentation des évènements bayonnais, que sur de possibles mésinterprétations chauvines de son propos : si des Parisiens veulent danser la java, qu’ils aillent sur les bords de Marne et pas à Bayonne.Ici, on danserait le fandango. Cependant, Yves Ugalde n’a pas accompagné sa déclaration d’une démonstration de fandango…

Cette maladresse a permis aux élu.e.s de se saisir d’un point annexe concernant les Fêtes de Bayonne (l’officialisation provisoire d’une seconde gare routière quai de Lesseps) pour soulever la question plus générale de ces Fêtes.

Cette déclaration a été faite lors d’une conférence de presse présentant les nouvelles conditions de la foire au jambon, autre évènement traditionnel bayonnais qui l’an passé avait connu des débordements préfigurant ceux de l’édition 2023 des Fêtes de Bayonne : surfréquentation, alcoolisation, mouvements de foule, musiques envahissantes…

Pour tenter d’éviter d’éventuels nouveaux débordements, la municipalité a déplacé la date, avancé les heures de fermeture des bars et penas, et mis en avant les ventes et dégustation de jambon. On verra le résultat à la fin de cette semaine

Toutes solutions qui donnent le cap de ce que la municipalité se prépare à faire pour les Fêtes de Bayonne.

On peut retrouver ce débat sur la vidéo du conseil, entre 1h12 et 1h45 : https://www.youtube.com/watch?v=ZehHW4K4Lwo

Mixel Esteban (EELV) (à 1h13, puis à 1h35) a ouvert le débat : pour lui la déclaration d’Ugalde semble demander « aux autres » de rester chez eux. C’est une curieuse réponse à l’insécurité lors des fêtes à Bayonne, dont la sur-fréquentation n’est pas la seule cause. On vient maintenant à ces fêtes avec un sentiment d’inquiétude.

Il faudrait s’interroger sur le sens de ces fêtes, sur les valeurs qu’elles portent. La surfréquentation, c’est aussi un produit de la sur-communication. Il a rappelé que plusieurs groupes de musiciens avaient renoncé à participer aux Fêtes, devant l’impossibilité de déambuler en musique dans les rues.

Pour l’édition 2024 des Fêtes, il aurait fallu davantage de réflexion avec la population dans son ensemble, et peut-être une pause d’un an, le temps de ce débat public.

Dans sa réponse (à 1h17), Ugalde argumente sur l’augmentation de la fréquentation, qui est, selon lui, constaté dans toutes les fêtes, de Bayonne à Lille (la braderie), de Dax à Lyon (la fête des lumières). Ce serait un phénomène social conséquence du confinement Covid, constaté par les psychosociologues.

Puis, Etchegaray (à 1h20), a opposé les « dizaines d’heures de réunion » qu’il avait conduit sur les Fêtes, sur l’augmentation de la fréquentation, l’insécurité. Des solutions et des propositions émergent progressivement. Il ne veut pas de Fêtes tristes (mais qui le veut), il ne veut pas la mort des Fêtes (mais qui la veut).

Pour lui aussi, l’augmentation de la fréquentation est un phénomène post-Covid général. La Ville n’a pas de budget de communication pour les Fêtes, et donc elle n’a pas de responsabilité dans cette augmentation.

Juliette Brocard (à 1h25), élue socialiste, a attiré l’attention sur les « petites musiques » qui montent pour rejeter la faute chez les autres, pour tracer une frontière entre nous et les autres. Elle invité à être vigilants sur les mots utilisés.

Martine Bisauta (à 1h33), quant à elle, s’inquiète des procès d’intention « limites » faits à la majorité, et insiste sur le phénomène général de surfréquentation en développant le cas de la fête des lumières à Lyon, où les protestations ont été nombreuses pour n’avoir pu accéder aux spectacles, tout en reconnaissant que cela n’avait provoqué de bavures (l’ambiance tendue est particulière à Bayonne ?).

Pour conclure, Etchagaray (à 1h43) a partagé ses connaissances philosophiques en citant Sartre et « l’enfer, c’est les autres », et l’existentialisme qui est un humanisme. Les Fêtes « permettent de connaître la part d’ombre qui est en nous et chez les autres ». C’est un fait culturel majeur, pas une orgie.

La manière dont la municipalité conduit depuis 6 mois le débat sur les Fêtes de Bayonne (incluant le bilan de celles de 2023) est caractéristique de ses conceptions peu démocratiques. Les discussions sont segmentées avec des groupes plus ou moins restreints. Les comptes rendus semblent relever du secret défense. La commission des Fêtes ne joue pas son rôle, il n’y a eu aucun débat d’ensemble au conseil municipal. Aucun débat sur la place publique, si ce n’est ceux impulsés par les journaux. Comme l’a souligné Jean-Marc Abadie, élu de la minorité Bihar Baiona, le maire égrène au fil du temps des mesurettes, qui finiront sans doute par faire les prochaines Fêtes, en contournant donc le débat public sur le sens et les valeurs des Fêtes.

Sur nombre d’autres dossier, en particulier l’urbanisme, ce sont les mêmes pratiques opaques et peu démocratiques qui sont mises en œuvre.

Patrick Petitjean, 31 mars 2024

Le Séqué au Conseil municipal de Bayonne

Le conseil municipal de Bayonne le 8 février avait à son ordre du jour une délibération pour la clôture de la ZAC du Séqué (les tranches I et II du quartier). La discussion a dérivé sur l’avis défavorable de la commissaire enquêtrice concernant la tranche IV. En réponse, le maire a décrié tant la commissaire, que les habitants intervenus dans l’enquête, et l’intérêt même de ces enquêtes publiques.

Ce n’était qu’un point secondaire de ce conseil (principaux sujets : la langue basque et le budget), qui a duré plus de 6h30, programmé de plus en fin de séance, donc vers minuit. Sur le site de la ville, on peut revoir l’enregistrement vidéo du conseil. La séquence « Séqué » débute par la présentation de la délibération, à 5h 56’ 28’’. Suivent les interventions de Juliette Brocard (gauche socialiste) à 5h 57’ 30’’ et de Mixel Esteban (EELV) à 6h 1’ 20’’. Les réponses du maire sont de 6h 4’ à 6h 6’ 12’’.

La ZAC

Un mot pour commencer sur la clôture de la ZAC. L’aménagement avait été concédé en août 2006 à une SEM (société d’économie mixte) départementale, la SEPA (société d’équipement des pays de l’Adour). La ZAC couvre les secteurs I et II, labellisés par la suite ecoquartier. Pour le secteur III, c’est HSA (Habitat Sud Atlantique), le bailleur social de la CAPB, qui est l’aménageur. HSA est pressenti aussi pour le secteur IV, actuellement en dans l’incertitude.

pub de la SEPA

Selon la SEPA, la ZAC a produit 609 logements, 98 lits en EHPAD, 800 m² de locaux d’activités et commerces. S’y ajoutent les aménagements paysagers, les voiries, les viabilisations et infrastructures, la construction d’une maison de quartier (à partir du bâtiment de la ferme Loustaouanou. La transformation en véritable rue du chemin de Loustaouanou le long du secteur II, en retard, doit se faire avant l’été prochain. Après des rétrocessions diverses d’assiettes foncières, la ZAC est clôturée avec un solde positif de 238 000 euros, répartis entre la ville (60%) et la SEPA (40%).

Le Séqué III fait l’objet d’une enquête publique en 2019 et le foncier a été vendu à HSA en octobre 2021, pour 179 logements, dont 35% de sociaux. Il n’est pas encore sorti de terre. Le Séqué IV, dont l’enquête publique a débouché début janvier sur un avis défavorable, devait comporter 260 logements, dont 30% de locatif et 15 % de BRS. Au total donc, plus de 1000 logements pour le Séqué.

Les interventions de Juliette Brocard et Mixel Esteban

Juliette Brocard a repris les critiques régulières, émises par des habitants, ou par elle-même lors d’autres conseils où le Séqué avait été discuté (notamment lors de la vente du Séqué III à HSA en 2021) : les espaces publics, la desserte en bus, l’absence de commerces, l’absence d’école, l’insuffisance de logements sociaux, la non prise en compte des demandes des habitants, etc. En élargissant au final sur la manière peu démocratique dont la ville répond en général aux habitants.

Lors du même conseil, bien plus tôt, une délibération avait validé les résultats de l’enquête publique pour l’extension du centre d’oncologie au Nord de Bayonne. Elle s’était déroulée aux mêmes dates que celle du Séqué IV, et s’était conclue par l’avis favorable du commissaire enquêteur. L’oncologie était au menu du conseil, mais pas le Séqué IV.

Mixel Esteban au Conseil municipal

Cette différence de traitement était une opportunité, dont Mixel Esteban s’est saisi, pour informer ses collègues de l’avis défavorable de la commissaire (certains comme Mme Brocard ne semblaient pas l’être), et d’interpeller le maire sur les suites qu’il entendait donner à cette situation.

Il a aussi rappelé l’importance de l’artificialisation à Bayonne : 50 ha consommés entre 2011 et 2021, selon le Cerema et le portail de l’artificialisation, ce qui situerait Bayonne en zone rouge des communes artificialisantes. Pour tout le Séqué, ce sont 22 ha au total, avec une partie engagée avant 2011.

Les réponses du maire à Juliette Brocard : faire quartier

Le maire a répondu à Juliette Brocard qu’il avait rencontré des habitants du Séqué à plusieurs reprises l’année dernière, et que la plupart n’avait pas le même ressenti négatif. Il a confirmé que la rue Loustaouanou serait terminée cet été le long de Séqué II. Il considère que la maison de quartier est un équipement public suffisant. Il a entendu la demande des habitants d’une moyenne surface alimentaire, type carrefour market. C’est dans les cartons de HSA, pour le Séqué III, mais il manque des habitants pour que cela soit viable économiquement.

Le maire au Conseil municipal

Son argumentation sur l’insuffisante déserte du quartier par les bus, sur l’absence de commerces, sur le manque d’équipements public comme une école, reflète une stratégie urbaine, une « pensée de l’aménagement», archaïques et que l’on sait vouées à l’échec : il faudrait d’abord des habitants en nombre suffisant pour que les bus viennent que les commerces s’installent et que les équipements publics soient davantage présents. C’est un peu le paradoxe de la poule et des œufs. Vous habitez depuis 5 ou 10 ans dans ce quartier. Les transports publiques sont déficients ? Vous prenez l’habitude de vous déplacer en voiture, et vous en avez deux par famille. Il n’y a pas de commerces ? Vous prenez l’habitude d’aller (en voiture) dans la grande surface voisine ou au centre ville. Il y a des équipements publics très insuffisants ? Vous conduisez vos enfants dans des établissements scolaire tous loin de votre logement, vous recherchez ailleurs des lieux culturels. Et ces habitudes prises pendant des années, vous n’en changerez pas facilement, et si tout ce qui « fait quartier » finit pas arriver, cela vivra mal.

Les réponses du maire à Mixel Esteban sur l’enquête publique : le déni

Le maire a récusé les chiffres d’artificialisation et demandé ses sources à l’élu écologiste, et contrairement à ses services qui les avaient confirmés, ainsi que leur source (le portail national d’artificialisation des sols) dans leur réponse à la commissaire, tout en indiquant que ce n’était pas contradictoire avec la trajectoire demandée par l’État. Cette réponse avait sans doute échappé au maire.

Brandissant dans sa main le rapport d’enquête, le maire a affirmé que l’avis n’était pas fondé, avant de rectifier : fondé mais pas motivé. Il a réduit l’avis défavorable à un seul motif : il n’y aurait pas une telle urgence pour construire de nouveaux logements. Alors que d’autres opérations sont aussi bloquées.

Ce qui est plus que caricatural. Les conclusions de la commissaire insistent sur le « ici et maintenant » : ici, en artificialisant 4,5 ha. Maintenant, alors que le PLUi est en élaboration et le Séqué III pas sorti de terre. Et résumer en une formule lapidaire les échanges d’arguments entre la commissaire et les services de la CAPB, qui occupent plusieurs pages du rapport n’est pas très honnête : il ne suffit pas de le brandir pour convaincre de l’avoir lu…

Après la commissaire, le maire s’est attaqué aux habitants qui avaient donné leur avis sur le registre d’enquête. Pour lui, il y a eu peu de contributions (ce qui est le cas le plus souvent : 3 pour le pôle d’oncologie), de plus la plupart anonymes (ce qui est largement faux : l’adresse mail est indispensable pour publier un commentaire sur le registre, et le nom est anonymisé sur ce qui apparaît publiquement). Beaucoup ont répété ce que d’autres avaient dit (ce qui est à la fois vrai sur la forme, mais cache le fait que les mêmes critiques sont récurrentes depuis des années sur le Séqué).

Selon le maire, les avis sont le fait de personnes qui ne connaissent pas le quartier, et qui n’ont qu’un discours idéologique fait de stéréotypes, qui donnent l’impression de penser à la place des élus qui sont seuls légitimes. Il récuse l’idée qu’il s’agit d’un espace naturel, puisque ce secteur est classé depuis 30 ans au PLU comme devant accueillir des activités. C’est une confusion constante des élus entre la réalité physique d’une parcelle végétalisée et son classement sur le papier des documents administratifs. Contre-vérité volontaire ou auto-intoxication ?

Pour conclure, fataliste, le maire regrette ce que les enquêtes publiques seraient devenues aujourd’hui. Il annonce « on reviendra là-dessus, et on s’expliquera ». Et les services de la CAPB ont réfléchi au moyen de poursuivre l’opération.

Caricaturer le rapport de la commissaire enquêtrice, s’en prendre aux habitants qui ont fait œuvre de citoyenneté en donnant leur avis, regretter même l’existence des enquêtes publiques, le maire semble loin d’accepter le débat démocratique sur ses projets.

Patrick Petitjean, 11 février 2024

Enquêtes : c’était non (Sequé IV), c’est oui (oncologie)

(photo vue globale)

Le conseil municipal du 8 février est saisi pour avis de l’extension du centre d’oncologie, situé au Nord de l’avenue du 14 avril 1814, entre la ZUP (au Sud de l’avenue) et une réserve de biodiversité (au Nord de la parcelle). L’enquête publique s’est achevée mi-décembre, le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable le 8 janvier. Un dossier express.

Deux enquêtes publiques pour « Mise En Conformité de Document d’Urbanisme » (MECDU) s’étaient déroulées aux mêmes dates : urbanisation du Sequé IV (voir billet précédent) et création d’un pôle d’oncologie par une extension limitée du Centre d’Oncologie et de Radiothérapie du Pays Basque (CORPB). La première a reçu un avis défavorable, au contraire de la seconde ; laquelle peut donc passer en accéléré pour avis du conseil municipal ce 8 février, avant adoption par le prochain conseil de la CAPB, le 17 février sans doute.

Les deux enquêtes ont reçu un accueil différent : 42 contributions sur le registre dans le 1er cas, seulement 3 dans le 2e avec même une contributrice qui est intervenue sur les deux registres. Lors des concertations préalables, au printemps 2023, il y avait déjà le même écart, avec 0 contribution pour l’oncologie.

Il faut dire que les conséquences directes de chacun des projets auprès des habitants étaient très différentes. Pour le Sequé IV, l’enjeu était celui de l’achèvement de tout un quartier, avec un nombre important de constructions et une artificialisation de près de 5 ha de bois et prairies. Pour le pôle oncologique, il n’y avait pas de voisinage immédiat et l’artificialisation ne touchait que 0,3 ha de taillis, arbustes et arbres sans intérêt écolo.

Mais, et là résidait un des deux grands enjeux de l’oncologie, la parcelle se situe, à son Nord, en bordure d’un milieu humide forestier avec le ruisseau de la Fontaine de Claverie, relié à l’ENS (Espace Naturel Sensible) « forêt de Habas », classé réservoir de biodiversité dans les documents d’urbanisme supra-communaux ScoT. Les enjeux environnementaux sont donc beaucoup plus importants, malgré la nature de la parcelle, ce qui a conduit la SEPANSO à intervenir dans l’enquête. Il s’agit de la Fédération régionale (Aquitaine) de France Nature Environnement, le principal, et plus ancien, regroupement des associations de protection de la nature.

février 2023 terrain du futur Pôle oncologique

La politique de santé, notamment pour les cancers, est l’autre enjeu important – et discuté – dans ce projet. Il apparaît une volonté de regroupement (mais pas seulement) d’installations médicales, au-delà de la cancérologie. Faire de la place au centre ville pour la spéculation immobilière, au bénéfice des médecins propriétaires, a déjà conduit à regrouper plusieurs cliniques, il y a une bonne dizaine d’années, sur le site Belharra à l’Est de Bayonne. Puis, ce fut le CORBP, dont il est question dans ce projet, récemment déplacé du 14 Allées Paulmy, et inauguré cet été 2023, alors que son extension avait été lancée dès février 2023. Pour mémoire encore, le site Paulmy est convoité par Alday, qui vient de construire une résidence standing à côté.

février 2023 CORPB en chantier

Les interventions lors de l’enquête

Comme lors de celle pour le Sequé IV, les remarques des Personnalités Publiques Associées ne manquent pas d’intérêt.

La DDTM demande un plan d’ensemble pour la zone 2AU, qui aura été grignotée en 2 fois, pour le CORPB puis le Pôle, et pourrait l’être davantage dans l’avenir. Elle ne semble pas tellement convaincue par la nécessité absolue du regroupement à cet endroit de deux équipements médicaux et par la notion fourre-tout de « rééquilibrage » des équipements de santé. DDTM : Direction Départementale des Territoires et de la Mer

La MRAe, dans la même optique, demande que soient recherchés des sites « alternatifs » pour le Pôle. Il demande aussi une évaluation environnementale de l’ensemble de la zone 1AUyk (dénomination au PLU du secteur du CORPB) et 2AU qui l’englobe au Nord (zone à urbaniser dans le futur). MRAe : Mission Régionale d’Autorité environnementale.

Enfin, le SCoT plaide pour que la CAPB conserve le foncier pour éviter de futures reventes spéculatives. SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale

En ce qui concerne les 3 interventions d’habitants, la première porte sur l’accès des piétons et cyclistes au nouveau pôle.

Les deux autres, sont beaucoup plus détaillées, convergentes, sur les deux enjeux du projet. Il y a regret d’une stratégie urbaine au coup par coup qui camoufle les projets d’ensemble. Il est remarqué que l’essentiel de l’oncologie au Pays basque n’est pas seulement à Bayonne, et se fait principalement dans le secteur public : l’extension et le regroupement d’un pôle privé pose question. Enfin le développement de la santé environnementale – et la sauvegarde des milieux naturels y contribue – est stratégique dans la lutte contre les cancers, plutôt que de considérer comme inévitable leur croissance sans fin accompagnée de celle des équipements afférents.

Les deux intervenantes dénoncent le processus d’artificialisation et estiment insuffisante la prise en compte de la démarche ERC (Eviter, Réduire, Compenser). La SEPANSO, plaide enfin pour le reclassement de la parcelle prévue pour le Pôle en zone N (naturelle), dans le prolongement de l’Espace Naturel Sensible limitrophe.

Les réponses de la CAPB

La demande de sites alternatifs faite par la MRAe est rejetée comme non pertinente : la centralisation présentée comme un progrès nécessaire et inévitable (et non comme une décision éminemment politique de stratégie médicale et urbaine).

Les demandes concernant l’avenir du secteur et l’environnement « sensible » sont renvoyées aux études en cours pour le PLUi (comme elles l’avaient été dans l’enquête sur le Sequé IV). Il est même fait état d’un «schéma global d’intentions », figurant déjà dans le dossier de mars 2023 pour la concertation préalable, visant à reclasser les terrains les plus au Nord en zones N (Naturelle) et A (Agricole), et à « dédier les terrains le long de l’avenue à un développement des activités de service et équipements structurants ». Faut-il comprendre ici que la voie sera ouverte pour de futures extensions du pôle oncologique ?

Des réponses très générales sont aussi faites sur le regroupement de l’oncologie, en référence au contrat local de santé (signé en 2022 entre la CAPB et l’ARS) qui préconise les regroupements d’équipements médicaux (sans que soit fait mention spécifiquement de l’oncologie). La santé environnementale ? Justement, le CORPB a une zone tampon au Nord de sa parcelle, au contact de la zone N, qui restera boisée pour le bien être des malades…

Ces réponses sont acceptées telles que par le commissaire, sans échanges entre lui et la CAPB (au contraire de la commissaire pour le Sequé IV). Et de reprendre la notion d’acceptabilité avancée par la CAPB : beaucoup de consultations du dossier sur internet, mais pas (concertation) ou peu (enquête) de contributions. Tout est donc pour le mieux.

Le commissaire se permet quand même un seul regret : le « coup par coup », c’est pas terrible.

Et cerise sur le gâteau : le commissaire n’est pas dérangé par la réponse de la CAPB : la parcelle, dont le SCoT avait plaidé pour que la CAPB en conserve le foncier a été vendue pendant que la MECDU était en cours.

Patrick Petitjean, 2 février 2024

Noël à Bayonne: le pataquès des lanternes

On invoquera sans doute la poisse (les intempéries). Mais le chaos qui a régné à Bayonne le samedi 9 décembre à l’occasion d’un lancer de lanternes avorté est devenu la règle des fêtes à Bayonne, du jambon à Pâques, l’été et maintenant à Noël. L’alcoolisation en moins il est vrai.

La folle journée des lanternes

Malgré la pluie et les rafales de vent, la vente des lanternes avait débuté en début d’après-midi. Des queues de plusieurs centaines de mètres s’étaient formées pour en acheter. Devant la détérioration des conditions atmosphériques, le lancer prévu en début de soirée sur la Nive a été annulé par la Ville. Ce qui n’a pas empêché nombre des acheteurs (au prix de 8 euros, avec 2 places pour la grand roue dans le pack) à les utiliser, et on a pu les voir s’élever dans le ciel de Bayonne.

La Ville a d’abord annoncé le report du lancer au lendemain, dimanche. Avant de l’annuler complètement. Le deuxième lancer, prévu pour le samedi 16 devrait avoir lieu normalement, le temps annoncé s’y prêtant.

Le chaos s’est prolongé, en raison du temps, le jour suivant avec l’annulation d’animations et l’arrêt de la grand roue.

Saturation

Avant de se manifester par la foule dans les rues totalement congestionnées du centre de Bayonne, la saturation s’était traduite le samedi tôt le matin par les kilomètres de bouchon à la frontière franco-espagnole à l’entrée en Iparalde, La veille déjà, les camping-cars étaient nombreux à différents endroits de la ville.

Les déplacements « doux » étaient les plus touchés, y compris aux abords du centre : bus embouteillés, vélos bloqués, piétons en pleine cohue,…

Les rues du centre étaient aussi saturées que pendant les Fêtes estivales. Il faut dire que la communication de la Ville avait particulièrement ciblé nos voisins du sud,et que ce lâcher coïncidait (une hasard ? Une volonté touristique délibérée ?) avec la semaine de l’Immaculée-Conception espagnole, qui donne aux voisins le temps de flâner en force entre Nive et Adour.

La pluie s’aggravant en fin d’après-midi, la foule s’est réfugiée à l’abri devant les commerces, voire à l’intérieur comme aux Halles, les paralysant complètement. Comme l’ont souligné des commerçants interrogés par Sud Ouest « On ne peut pas ignorer que la fréquentation des animations de Noël augmente de façon exponentielle d’année en année. Le problème, c’est que quand c’est bouché, rien ne se passe ».

Le responsable de la librairie Elkar, proche de la Cathédrale, souligne un paradoxe : même ceux qui en vivent en viennent à se plaindre du trop grand nombre de visiteurs. « Pour quelques-uns d’entre nous, c’est une journée perdue. Les rues saturées et les problèmes de circulation et de parking poussent nos clients habituels du week-end à reporter leur venue » (Sud Ouest).

Paroles d’habitants

Sud Ouest a recueilli quelques réactions :« Je ne pensais pas qu’ils avaient autant avancé les dates de la Foire au jambon », une allusion à la toute récente annonce municipale, qui consiste en réalité à les reculer du 4 au dimanche 7 avril, pour éviter le week-end de Pâques et en contenir la fréquentation.

Une dame s’éberlue en français : « Non mais c’est pour les lanternes tout ce monde ? Il faut être taré. » Un autre, au téléphone : « Ne venez pas, c’est n’importe quoi, je rentre. » À qui s’adresse-t-il ? « A ma femme et ma fille », lâche le Bayonnais. « Elles voulaient venir, mais ce n’est même plus plaisant ».

Place des Basques, une habitante de 83 ans peste contre « le grand bazar » : « Il y a du bruit, des gens qui urinent, des poubelles renversées. Les Bayonnais vont devoir partir à chaque fête ? »

Au Conseil municipal du 14 décembre

capture d’écran le 14.12.23

Le report, puis l’annulation du lancer du samedi 9, l’annulation d’animations, la non maîtrise de la foule, tout cela relève d’un manque d’anticipation des effets d’une com’ disproportionnée, et d’une déficience dans l’organisation. La municipalité a donné l’impression de naviguer à vue.

Cette question de la sur-fréquentation non-maîtrisée, pour cette journée du 9, comme à d’autres occasions, a été une fois de plus soulevée par les élu.e.s d’opposition, lors du conseil municipal du 14 septembre, en piratant une délibération modificative budgétaire concernant les Fêtes.

Jean-Mac Abadie, pour Demain Bayonne, a notamment regretté « L’autosatisfaction de certains responsables en matière de fréquentation record, qui est vécue comme un manque de respect par de nombreux Bayonnais et parties prenantes (associations, commerçants, personnels municipaux…) qui souhaiteraient simplement être écoutés et entendus au titre d’acteurs de leur ville ». Il a appelé la Ville à revoir sa communication pour maîtriser les flux touristiques.

L’absence de réelle concertation, le saucissonnage entre les différentes fêtes et entre les interlocuteurs a une nouvelle fois été soulignée

Ce à quoi le maire a répondu en affirmant « on travaille sur le sujet », on discute avec le Collectif 2032, « une génération spontanée de citoyens acteurs des Fêtes ». Et a osé disqualifier le Conseil municipal comme un cercle retreint » pour ces débats.

L’adjoint aux Fêtes récidive

capture d’écran

Le modèle des Fêtes estivales est reproduit à l’identique pour les autres. Un marketing territorial agressif, qu’on peut aussi appeler réclame, voire propagande, pour attirer les touristes. Avec, au programme, un empilement d’animations les plus diverses, certaines ciblant des publics spécifiques. Chacun.e peut y trouver son compte, et y trouverait davantage son plaisir si la cohue était moindre. Et la sécurité assurée.

Yves Ugalde, l’adjoint à la culture, aussi en charge des animations et grands événements, s’était fait remarqué par son déni de l’ampleur des problèmes rencontrés lors de l’édition 2023 des Fêtes de Bayonne (voir le billet « qui veut tuer les Fêtes (1) »).

Si l’on en croit Sud Ouest, il récidive en louant l’attractivité de Bayonne, et prend comme contre exemple les centres désertés dans d’autres villes moyennes. Tout au plus reconnaît-il : « En tout cas réfléchir à un étalement des animations, déconcentrer ». Même modèle que les Fêtes estivales, même fausse solution pour éviter de poser le problème de la sur-fréquentation.

Il y voit « une nouvelle preuve du magnétisme de Bayonne ». « C’est un phénomène que l’on peut constater à Jean-Dauger, à la Foire au jambon, en bien des moments qu’offre notre ville. Nous avons cette attractivité et une adéquation entre un patrimoine et ce que nous y proposons. » Il loue « une certaine authenticité ».

Fuite en avant

Yves Ugalde traduit fidèlement le modèle défini par le maire de Bayonne dans l’édito dans la plaquette de pub pour les fêtes de noël : « Grâce à un florilège d’animations, Noël reste un rendez-vous festif, culturel, commercial incontournable à destination tant des habitants que des visiteurs ». La politique commerciale et touristique qui s’appliquait aux Fêtes de Bayonne s’étend désormais à celles de Noël. On a pu le vérifier.

Quand la municipalité entendra-t-elle les habitant.e.s ? Quand s’arrêtera cette fuite en avant suicidaire pour la ville ?

Patrick Petitjean, le 15 décembre 2023

Les citations de Sud Ouest sont extraites d’un article de Pierre Penin, le 10/12, titré « la folie des lanternes »