
Le succès des journées Auzolan le 11 octobre, et en particulier de la table ronde sur le logement social, reflète l’ampleur prise par la crise du logement dans les préoccupations de la population. Elles placent le droit au logement au cœur des enjeux des prochaines élections municipales. La plate forme Herrian Bizi a présenté aux futur.es candidat.es 17 engagements à prendre, en toute priorité, pour le logement social. Quelques jours plus tard, en nommant Vincent Jeanbrun comme ministre du logement, Lecornu déclarait la guerre au logement social.

Exemplaire ?
En avant-propos, il faut pointer du doigt ce qui restera comme l’exemple le plus dévastateur de la politique du logement à Bayonne depuis 2020, la fin de la cité populaire de la Citadelle. Mais la communication d’Etchegaray sur le logement est particulièrement efficace, et fait apparaître son action comme exemplaire.
Au point par exemple que la représentante du DAL lors d’Auzolan (1ère table ronde de l’après-midi) a affirmé que la démolition de logements sociaux dans le cadre de la rénovation urbaine, cela ne se faisait pas à Bayonne, contrairement à bon nombre d’autres villes. Et bien, c’est raté. A la Citadelle, il y a destruction totale des 242 logements locatifs, et tous ne sont pas reconstruits. Voir mon billet : https://lepimentbayonnais.fr/2025/02/28/bayonne-citadelle-la-mort-dune-cite-populaire/
La Citadelle : et l’humain ?
Le projet Citadelle est venu en débat lors du Conseil municipal ce 16 octobre au sujet de la vente par la ville du terrain de l’école primaire à HSA, cette école ayant vocation à être regroupée, dans le cadre de cette opération immobilière, avec l’école maternelle, à l’endroit actuel de cette dernière. Les oppositions ont critiqué le prix de vente élevé, accusant la ville de rançonner HSA pour améliorer ses finances. C’est sans doute vrai. Mais c’est le petit bout de la lorgnette, sans distanciation d’avec le discours officiel sur l’exemplarité et la pertinence de cette opération de rénovation-reconstruction
Mettre en avant le mauvais état des logements, pour justifier leur démolition, comme le fait Etchegaray, est le discours standard dans toutes les opérations de ce genre. Il n’y a eu aucune justification de l’impossibilité de la rénovation, ni étude publique des coûts comparés entre rénovation et démolition / reconstruction ; aucune explication de la différence de traitement entre les immeubles semblables du Polo et de la Citadelle ; aucune explication de pourquoi, dans le 1er projet, la moitié des immeubles de la Citadelle était rénovée, et seule une moitié détruite, ce qui est peu cohérent avec le discours sur l’impérieuse nécessité de tout démolir lors du 2e projet.. Il reste maintenant 211 logements locatifs familiaux (au lieu de 241 dans l’ancienne cité). Ajouter des logements étudiants et des BRS permet de dépasser les 2/3 de logements dits sociaux. Le reste (184) sont des logements privés : loger les classes moyennes et supérieures à proximité du Trambus 2, transport rapide, cela limiterait leur usage de la voiture. C’est l’écologie d’Etchegaray.
Les grosses opérations de démolition / reconstruction de tours et de barres HLM ont fini par être abandonnées par l’ANRU, à de rares exceptions. Elles faisaient l’objet de beaucoup de luttes des habitant.es pour s’y opposer. Démolir des logements, ce n’est pas seulement détruire du bâti, c’est détruire ce qui fait l’histoire d’une vie, c’est mépriser les classes populaires, c’est faire primer l’immobilier sur l’humain.
Et tous les efforts d’HSA pour reloger, dans de bonnes conditions d’écoute, les locataires n’effacent pas qu’il s’agit de relogement forcé.
Se méfier du vocabulaire utilisé
Parler de « logement social » n’a pas le même sens dans toutes les bouches. Dans la loi SRU à l’origine, il s’agissait presque exclusivement des HLM. Vinrent Sarkozy puis Macron. Et dans la loi, l’accession sociale à la propriété, PSLA puis BRS, est devenue aussi du logement social. Les élusont suivi, les bailleurs aussi. Les associations ont du suivre, même si elles différencient le locatif. La distinction entre la location et l’accession aurait gagner à être plus explicite d’ailleurs dans les propositions d’Herrian Bizi
Quand on parle de demandeurs de logement social, de files d’attente, c’est seulement du locatif dont il s’agit. Pas de BRS.
Lors d’Auzolan, les intervenant.es du premier débat de l’après-midi ont à peine évoqué les BRS, leurs interventions concernaient clairement le locatif.
Il paraît que parler de « HLM » serait dévalorisant. Parlons donc de logement public pour distinguer le locatif de l’accession sociale (semi-publique) et du logement abordable (privé).
Un autre mythe est celui du caractère exemplaire de la ville de Bayonne, la seule au Pays basque à respecter le quota de 25% de logement social figurant dans la loi SRU. La construction des cités HLM date des années 1960-1990. Après, la proportion de HLM a régulièrement décru. Lors de la promulgation de la loi SRU en 2000, Bayonne était largement au-dessus des quotas. Ensuite, ce fut le service minimum en HLM pour se maintenir à 25%. Une légère remontée a pu être observée sous Etchegaray par l’inclusion de l’accession sociale : une politique en faveur des classes moyennes, pas des classes populaires.
Dans le billet ci-après, je donne quelques éléments historiques sur le développement des cités populaires à Bayonne.
Aider les plus modestes plutôt que les classes moyennes
Auzolan

La table ronde la plus intéressante fut celle en début d’après-lidi. On y refusa du monde. Elle était présidée par Jean Luc Berho, président de Soliha et fondateur des entretiens d’Inxauseta. Sont intervenu.es : Emma Cosse, présidente de l’USH, Union sociale pour l’Habitat ; Gaëlle Vincens, plate-forme Herrian Bizi ; Marie Huiban, du DAL Paris ; Christophe Robert, de la Fondation pour le Logement des défavorisés (FPL) ; Peio Dufau, EH Bai, député.
Le point fort fut la présentation des 17 mesures sur lesquelles il est demandé aux futur.es candidat.es aux élections municipales de s’engager. Il a été aussi beaucoup discuté de l’encadrement des loyers, dont la phase expérimentale se termine bientôt, et pour lequel une nouvelle loi est nécessaire.
Christophe Robert a particulièrement insisté sur la nécessité à assurer une continuité en matière de logement entre les services à apporter aux personnes en grandes difficultés (à travers les CCAS notamment : accueil de jour, bagagerie, adresses, etc.), l’hébergement (de la compétence de l’Etat, mais une ville peut s’en emparer, quitte à demander un remboursement à l’Etat, comme le CAPB le fait pour Pausa), le recours à l’intermédiation d’association, comme sas avant les PLAI, etc. Le 13e engagement proposé par Herrian Bizi (voir ci-dessous) porte en partie sur ce sujet.
On pourrait y ajouter de l’habitat pour voyageurs, des HLM avec possibilité d’installer une caravane à l’année (une alternative partielle aux aires de grand passage). Egalement les Tiny Houses, l’habitat léger, etc.
Les villes font souvent une sorte de service minimum en matière de logement social. La FPL demande une autre logique que le simple respect de la loi SRU et du quota officiel de PLAI.

Christophe Robert a enfin rappelé l’importance de l’accès aux droits en matière de logement et la nécessité de faire appliquer la loi qui réserve 25% des attributions aux ménages les plus modestes.
Les HLM au Pays basque
Dans un entretien le 16 octobre avec Sud Ouest, la présidente de l’Union Sociale de l’Habitat pour la Nouvelle Aquitaine avance le chiffre de 90% des candidats pour un HLM ayant un revenu inférieur au revenu médian de la région. C’est un effet du ciseau entre le renchérissement du logement d’un côté et la précarisation de l’emploi, la cherté de la vie, etc.
Selon l’enquête de l’USH, la moitié des demandeurs sont des personnes seules, retraité.es, étudiant.es, adultes sans enfants. Un quart sont des familles monoparentales. Pour combien de ces demandeurs les BRS constitueraient une option possible ou souhaitée ?
Au Pays basque, le délai pour obtenir un HLM est de 25 mois, davantage qu’à Bordeaux (19 mois), et que la moyenne régionale (15 mois). Il y a eu 15 384 demandes d’attribution et 3 636 demandes de mutation, avec en face 1 182 attributions seulement.
La situation de la CAPB est donc catastrophique pour les HLM, conséquence des priorités de ses responsables politiques, Etchegaray en tête.
L’appel que lance la présidente de l’USH régionale est le même que celui lancé le 11 octobre par les participant.es à la table ronde d’Auzolan : l’impérieuse nécessité d’une mobilisation collective et durable pour le logement HLM.
Présentation des 17 propositions
Alors que le logement est une préoccupation majeure pour les habitant·es du territoire, la plateforme unitaire « Se loger au Pays – Herrian Bizi » propose en amont des élections municipales et communautaires du printemps 2026 une série d’engagements ambitieux et courageux, nécessaires à mettre en oeuvre pour enrayer la crise du logement. Les réponses des listes candidates seront rendues publiques afin de permettre au public d’évaluer leur niveau d’engagement.
Les 17 mesures sont répartis en 6 blocs, qui chacun concerne Bayonne à des degrés différents.

1- Développer le logement social
1-1 « Investir plus de moyens financiers dans le logement social ». Les « revenus modestes » sont explicitement désignés pour en bénéficier, catégorie qui ne trouve pas de logement locatif accessible dans le privé. Investir davantage de moyens financiers que le mandat précédent. Un vrai défi compte tenu des finances locales, Bayonne compris
1-2 « Mettre du foncier gratuit à disposition des bailleurs sociaux » : il s’agirait de faire l’inverse de ce que fait la municipalité actuelle, à savoir taxer un maximum HSA comme dans l’opération Citadelle.
1-3 « Créer dans les PLUi des secteurs de mixité sociale » avec des règles plus contraignantes pour favoriser la construction de logements sociaux, sur des secteurs plus vastes. Les chiffres proposés sont de 70% de logements sociaux, dont 45% de locatifs, et ce dès le seuil de 3 ou 4 logements.
La « charte de mixité sociale, en vigueur à Bayonne en est très loin (voir la partie « charte » dans le 2e article à suivre). Cet objectif de 70% est parfois jugé peu crédible par des acteurs de la construction, compte tenu des modèles économiques actuels du secteur. La discussion promet d’être chaude pour ces municipales.
2- Réguler les résidences secondaires
2- 4 Introduire dans les PLUi des zones interdisant les résidences secondaires selon la loi Echaniz. Le pourcentage de résidences secondaires pour appliquer cette disposition de la loi n’est officiellement pas atteint à Bayonne.
2-5 Majorer la TH à 60% sur les résidences secondaires : déjà fait à Bayonne.
2-6 Lutter contre les fausses déclarations de résidence principale. C’est un problème récurrent dans tout le Pays basque. Mais cela reste compliqué (croisement de données de plusieurs sources) et demande des moyens financiers, du personnel municipal et de la volonté politique.
3- Enrayer la transformation des logements en meublés permanents
3-7 Abaisser à 90 jours par le nombre maximal de jours autorisés pour la location touristique, au lieu de 120 actuellement. C’est déjà fait à Bayonne.
3-8 Informer les habitants sur les restrictions réglementaires pour les locations touristiques dans les copropriétés. Au-delà, le transformation de logements loués vides, avec un bail de 3 ans, en logements meublés avec des baux moins protecteur (et encadrés) de 1 an est un phénomène dangereux qui se développe.Et qui encourage les faux baux « mobilité » (9 mois maxi, réservés à des catégories précises) pour permettre la location touristique pendant l’été. Alda a très bien décrit le phénomène. Le problème est le même que pour les fausses résidences principales pour lutter contre ce phénomène.
3-9 Etendre les règles de compensation à d’autres communes. Elles existent déjà à Bayonne
4- Protéger le foncier agricole
4-10 Protéger les terres agricoles pour accroitre l’autonomie alimentaire du territoire. Ce paragraphe comporte aussi l’engagemnt à respecter les objectifs du SCoT concernant le ZAN (Zéro Artificialisation Net).
Cela concerne doublement Bayonne : il y a encore des terres agricoles, et Etchegaray souhaite en artificialiser certaines dans le projet de PLUi. Il y a aussi des zones naturelles ou forestières où existent des projets d’urbanisation. Dans le PADD (qui comporte les orientations du PLUi), les 5 communes de l’agglomération bayonnaise ne souhaitent pas respecter la réduction différenciée (c’est-à-dire réduction plus forte sur la côte basque, plus faible à l’intérieur du Pays basque) de l’artificialisation préconisée par le SCoT pour rééquilibrer le développement.
4-11 et 4-12 Bayonne n’est pas concerné
5- Utiliser les logements vacants
5-13 Recenser les logements privés vacants, pour les rénover et les remettre en location à l’année, en privilégiant une offre sociale, via les bailleurs sociaux et l’intermédiation locative. A Bayonne, ville centre, donc plus riche et plus attractive pour les personnes en grandes difficultés, c’est une forme de logement essentielle à développer avant l’entrée en location sociale classique.
Mais avant l’intermédiation, il y a la question de l’hébergement, qui manque dans les engagements. La réquisition de logements vacants en ce sens pourrait aider : ce point a été soulevé dans les débats à Auzolan.
5-14 Lancer systématiquement des procédures pour récupérer les biens sans maître
5-15 Exonérer pendant 5 ans de taxe foncière les propriétaires qui rénovent leur logement et le mettent en location conventionnée.
6- Pour le droit de vivre et se loger au Pays
6-16 Mise en place d’un observatoire du foncier
6-17 Mise en place d’un permis de louer avec autorisation préalable. L’objectif est de lutter contre les logements insalubres et les passoires thermiques, mais le moyen ne fait pas l’unanimité parmi les acteurs du droit au logement. Il y a la crainte que cela serve à certains élus pour écarter un certain type de population. Sa faisabilité juridique semble aussi incertaine.
Il y a des villes, comme Paris et Lyon où existent des « polices de l’habitat » qui agissent dans plusieurs domaines : insalubrité, plafonnement, compensation, fausses résidences principales, etc).
Une autre alternative serait de créer une sorte de « carte grise » pour tous les logements, comprenant des informations de base, et permettant le suivi de la fonction du logement (principal ou non, meublé ou vide, etc).
A suivre : Droit au logement à Bayonne (2) : L’abordable à l’abordage du logement public
Patrick Petitjean, 21 octobre 2025








































































