Mediapart a publié il y a quelques jours, dans sa partie blog (qui n’engage pas la rédaction), en libre accès, un billet à propos du film « tardes de soledad ». Il est écrit par une « végétalienne antispéciste ». Au-delà des violences contre le toro et de sa mise à mort, elle s’est attachée à analyser les mythes dont se réclament le défenseurs de la corrida : le spectacle « artistique », le « courage » du torero qui « risque la mort », le respect de l’animal… Au bout de cette déconstruction, un mot : c’est bidon de chez bidon.
Le projet « Rive Droite de l’Adour » est en cours de réactivation. L’agence Güller, avait présenté deux versions d’un « plan guide » à finaliser. Il aurait du être discuté au conseil communautaire l’automne dernier. Depuis, c’est le silence. Il n’y a pas urgence, c’est un projet de long terme, nous dit-on. Mais cela bouge du côté du quai de Lesseps. Des travaux ont été lancés dans 3 immeubles il y a quelques semaines. L’« urbanisme transitoire » montre enfin son nez à l’horizon 20226. Faisons le point, même si la mairie reste silencieuse à ce propos.
Qui possède encore le foncier dans le périmètre du grand projet Rive Droite de l’Adour
Tout d’abord, l’agglo reprend la main sur le quai de Lesseps, dont l’EPFL était propriétaire.
Son Conseil d’Administration, le 24.10.24, a décidé de la rétrocession à la CAPB de l’ensemble des immeubles du quai de Lesseps, acquis au fil des années, depuis 2009 pour le compte de Bayonne ou de l’agglo. Ce portage foncier était en principe limité à 15 ans. Cette rétrocession était nécessaire, le délai étant écoulé. Elle permet aussi à l’agglo de prendre complètement la main.
Les services des domaines ont évalué la valeur des immeubles. Compte tenu des frais de portage déjà payés, et de tout ce qui se rapporte à la gestion par l’EPFL, il restera 242 000 euros à rembourser par la CAPB. Dans cette opération, la CAPB prendra à sa charge les diagnostics techniques et les audits énergétiques.
La CAPB récupère donc, entre autres, la pleine propriété des 9-10 quai de Lesseps (acquis en 2009), du 10 bis (acquis en 2010) et du 14 (acquis en 2011). Les opérations d’urbanisme transitoires vont se faire dans ces trois immeubles. S’ils sont identifiables avec les photos, leur numérotation administrative reste fluctuante. Le 14 est parfois indiqué comme le 11 bis. Le 10 bis est l’immeuble parfois appelé « flamand ». Le 9-10 est l’immeuble qui fut occupé par Maurizia, numéroté 9 bis, qui traverse jusqu’au 16 rue Sainte Ursule.
Le droit d’accès aux documents administratifs
Les marchés signés par le président de l’agglo font partie des documents communicables. A chaque conseil communautaire, il doit légalement communiquer la liste de ces marchés. Un travail de veille permet de repérer ceux qui concernent le projet « Rive Droite de l’Adour ». Les rapports produits sont aussi communicables s’ils ont donné lieu à des décisions.
Les services de l’agglo sont « nickel » pour appliquer la loi et communiquer les documents demandés, ce qui n’est pas, par ailleurs, le cas du service d’urbanisme de la ville de Bayonne (voir mon billet « petites cachotteries » du 28.1.25).
Les marchés pour ce projet concernent aussi l’urbanisme (agence Güller) ou différentes opérations de concertation / communication. Ce billet est basé sur les marchés sur l’urbanisme transitoire quai de Lesseps.
La CAPB a choisi l’agence Plateau urbain, spécialiste de l’urbanisme transitoire et connue pour l’opération « Grands Voisins » à Paris 14e, pour étudier la faisabilité d’une telle opération quai de Lesseps. J’avais publié un billet sur Plateau urbain le 25.6.23 ; on peut le retrouver sur le site du piment.fr
Le 1er marché, sur bon de commande, signé le 9.5.22 portait sur la « définition d’un projet d’occupation temporaire sur le site de Rive Droite de l’Adour », pour 26 580 euros TTC.
Le 2e marché, toujours sur bon de commande, signé le 16.5.23, s’intitulait « étude de faisabilité de l’occupation transitoire quai de Lesseps », pour 25 740 euros TTC. Il comportait deux volets : la faisabilité de 3 immeubles de logements et celle d’une occupation de l’ancienne biscuiterie, au 17 quai de Lesseps.
En même temps que le cahier des charges de ce 2e marché, j’avais demandé communication des résultats de la 1ère étude, achevée puisque la CAPB en commandait une 2e. Ce fut refusé, au prétexte que les décisions consécutives à ce premier travail n’étaient pas prises. Ce qui est effectivement un motif accepté par la CADA (commission nationale d’accès aux documents administratifs).
En octobre 2023, les choses se précisent. Une consultation est lancée sur l’état des lieux et les plans intérieurs pour 5 bâtiments : les 17, 14, 10b, 9b et 16 (Sainte Ursule) : « Afin d’amorcer la transformation du secteur et apporter de nouveaux services aux Bayonnais, la CAPB souhaite rouvrir certains bâtiments du quai de Lesseps pour y accueillir des occupants, de manière provisoire, le temps de la mise en oeuvre du projet. Afin d’étudier les conditions de faisabilités de ces occupations provisoires, la CAPB doit faire établir les plans d’intérieurs des 5 bâtimentsd’ores et déjà identifiés pour ce projet », pouvait-on y lire. L’entreprise ECR a été choisie après appel d’offres pour ce marché.
Cette consultation avait fait l’objet d’un billet de blog le 3.11.24 : « rendez-nous Maurizia ».
Enfin, trois marchés de maîtrise d’oeuvre sont conclus avec Soliha, le 25.10.24, un pour chacun des bâtiments (le 11b, le 14 et le 9b/16), pour un total de 85 639 euros TTC. Le 17, la biscuiterie, n’est pas retenue.
Arguant de ce nouveau marché, j’ai redemandé communication du 1er travail de Plateau urbain, puisque décision avait été prise : il m’a, cette fois, été communiqué. Le 2e rapport, dont Soliha est chargé de la mise en application, figure, en partie, dans le cahier des charges de ce marché. Manquent quelques pages de conclusion, et une éventuelle justification plus précise de la mise à l’écart de la biscuiterie.
Le premier rapport de Plateau urbain (29.11.22)
Il s’intitule « rapport d’interpellation stratégique », ce qui traduit bien son ambition. Il fait 104 pages. De fait, il embrasse plusieurs lieux qui seront inclus dans le futur aménagement : les bâtiments existants quai de Lesseps, les berges de l’Adour, la friche Duprat, la Pièce noyée. L’idée aussi d’un pôle culturel vers le pont Saint-Esprit.
Plateau urbain a travaillé pour un urbanisme transitoire à l’échelon d’un quartier de ville, même si, au final, on le verra, la ville a réduit cette ambition à peu de chose.
Plateau urbain présente ainsi sa démarche :
1. Des occupations/interventions de préfiguration et d’expérimentation
> S’éloigner de la logique “occuper pour occuper”
> Tester des programmes/projets/activités qui pourront nourrir le projet pérenne
> Préfigurer la vocation future du quartier et ses usages
2. Des occupations au service du projet pérenne
> Possibilité de penser des occupations/interventions qui n’ont pas vocation à tester une occupation pérenne mais qui servent directement le projet (type Maison du Projet)
Les proposisions sont présentées à partir de diagnostics d’acteurs, détaillés, avec une synthèse p.18. Plateau urbain dit avoir rencontré tous types d’acteurs, même si leurs noms ne sont pas donnés ; juste : comité de pilotage, occupants actuels, contributeurs et possibles futurs occupants, opérateurs, associations locales.
Plateau urbain rappelle les multiples raisons pour ce type d’urbanisme, et la nécessité d’avoir une stratégie transitoire.
4 axes sont proposés
Axe 1. Un quartier ouvert sur l’Adour par la reconquête de la rive Nord de l’Adour
Axe 2. Un quartier créatif impulsé par une centralité culturelle en tête du pont Saint-Esprit
Axe 3. Un quartier solidaire en élargissant le champs des actions proposées
Axe 4. Un centre ville élargi grâce à l’activation des lieux autour du Pont Grenet. une occupation temporaire de Duprat
L’axe 3 est un projet phare : amplifier la vocation solidaire du quartier en élargissant les publics cibles (étudiants, saisonniers, familles), avec comme exemple ce qui avait été fait aux Grands Voisins.
En conclusion du rapport, Plateau urbain présente un projet en 3 temps :
Ce 1er rapport débouchait donc sur un projet global, qui ne se limitait pas au quai de Lesseps, et se situait dans la perspective d’une transition longue, à la mesure des incertitudes persistantes sur le foncier et de son horizon à 15 ou 20 ans. Pour Plateau urbain, le provisoire et la transition sont deux perspectives distinctes, voire opposées. La ville ne semble pas saisir cette différence.
Autant dire que ce rapport n’avait pas de débouché opérationnel immédiat. Il a permis à la ville de faire ses choix, très restrictifs, et de commander, sur cette base, à Plateau urbain un 2e rapport, tourné vers l’opérationnel.
La commande faite à Soliha
Le 2e rapport de Plateau urbain a été remis le 20/12/23. Il comporte une première partie générale, commune aux 3 immeubles étudiés, puis une partie pour chacun d’entre eux.
La partie générale du 2e rapport de Plateau Urbain
17 quai Lesseps. La biscuiterie, dite aussi la Manutention, écartée d’une occupation provisoire
C’est dans cette partie, p.8, que l’on apprend que la biscuiterie (le 17) est écartée, s’agissant d’un « local non occupable dans la configuration actuelle », sans plus de raison.
On peut y lire aussi, sur cette même page (colonne de droite), une référence à Maurizia comme un potentiel gestionnaire d’un des trois espaces publics envisagés dans les espaces étudiés. Référence qui peut paraître surprenante, car il s’agit de l’association qui avait occupé durant quelques jours le bâtiment 9b/16, avant d’être expulsée par l’EPFL au nom de la ville. Cette occupation avait donné lieu à des billets sur ce blog le 30.5.23 et le 3.6.23.
Se référer à Maurizia est, de fait, cohérent avec l’esprit initial de Plateau urbain aux Grands voisins, et avec le projet de Maurizia pour une transition, mais n’a pas du être du goût de la ville.
occupation du 16 rue Sainte Ursule par le collectif Maurizia
5 ans maxi, après livraison début 2026
Pour les trois bâtiments, une même philosophie générale est affirmée dans les cahiers de charge pour Soliha :
« Dans le cas présent, on entend par « transitoire », l’occupation d’un espace vacant qui se fait, dans un temps limité, en amont de la mise en oeuvre d’un projet d’aménagement ou immobilier programmé, sans avoir d’impact durable sur le lieu et son nouvel usage.
Les travaux qui seront menés sont donc les travaux de réhabilitation minimaux permettant l’utilisation des locaux dans le respect des normes en vigueur et dans un niveau de confort minimum selon l’usage donné.
A l’échelle du projet, cette occupation transitoire est envisagée pour une durée de 5 ans environ ».
Puis, des études très techniques sur l’organisation interne pour chacun des bâtiments
Le 10 bis. proposition Plateau urbain et commande faite à Soliha
Le 10 bisLa plaque du 10 bis
« Il s’agit d’un projet d’aménagement transitoire d’un bâtiment situé au 10 bis, quai de Lesseps (aussi appelé « Briques et pierres ») à Bayonne (64).
Le but de cette opération est d’aménager le rez-de-chaussée et les étages de ce bâtiment afin de permettre l’accueil transitoire des entités suivantes :
= un lieu ouvert au public de 350 m2 environ (dont 250 m2 de cour) au rez-de-chaussée de ce bâtiment.
= des espaces de travail (individuels et collectifs) à destination de la Scène Nationale Sud-Aquitain dans les étages, pour une surface de plancher de 250 m2 environ ».
Le 14 (ou 11bis) proposition Plateau urbain et commande faite à Soliha
Le 11 bis ou 14
« Il s’agit d’un projet d’aménagement transitoire d’un bâtiment situé au 11 et 11 bis quai de Lesseps à Bayonne (64).
Le but de cette opération est d’aménager le rez-de-chaussée et les étages de ce bâtiment afin de permettre l’accueil transitoire des entités suivantes :
= un local destiné à l’accueil du public de 110 m2 de surface plancher environ se développant au rez-de-chaussée.
= 3 logements partagés à destination d’étudiants, comprenant pour chaque logement des chambres étudiantes privatives et des espaces communs (cuisine, WC et salle de bain) pour une surface de plancher de 281 m2 environ ».
Le 9b/16. proposition Plateau urbain et commande faite à Soliha
Le 9 bis
« Il s’agit d’un projet d’aménagement transitoire d’un lot de 2 bâtiments situés au 9 bis quai de Lesseps et 16 rue Sainte-Ursule à Bayonne (64).
Le but de cette opération est d’aménager le rez-de-chaussée et les étages de ces deux bâtiments afin de permettre l’accueil transitoire des entités suivantes :
= un local dédié à une activité de réemploi de matériaux ou d’équipements (en lien avec l’économie circulaire) de 420 m2 de surface plancher environ se développant au rez-de-chaussée des 2 bâtiments
= 6 logements partagés à destination d’étudiants, comprenant pour chaque logement des chambres étudiantes privatives et des espaces communs (cuisine, WC et salle de bain) pour une surface de plancher de 580 m2 environ ».
Au final, tout ça pour ça
L’utilisation des 3 bâtiments consistera donc principalement en des logements étudiants, en conformité avec une orientation générale du projet, mais avec confort minimum, donc vraiment dans le provisoire. On y trouvera aussi des locaux pour la Scène nationale du Sud Aquitain,. En rez-de-chaussée, il y aura un lieu pour une association de réemploi de matériaux (le genre de local promis à Patxa’Ma depuis longtemps), un grand espace ouvert au public et un local modeste destiné à l’accueil du public.
Faut-il espérer une bonne surprise dans l’animation de ce grand espace ? Avec un appel à projets ? Et pas seulement une attribution « de gré gré » comme trop souvent sur cette ville.
Ouvre l’ambition générale devenue très modeste, ce qui manque le plus dans ce projet d’occupation provisoire, c’est la vocation sociale, souvent revendquée par les habitants dans les ateliers de concertation, et proposée dans le rapport initial de Plateau urbain. La mixité des lieux, avec un accueil de publics spécifiques a disparu. Pas d’hébergements, sauf pour les étudiants. Cette mixité était pourtant portée fortement dans les Grands voisins, première réalisation de Plateau urbain.
Ici, la ville n’a pas suivi. Faute d’ambition, d’imagination, de créativité, ou de moyens financiers à y consacrer, elle a joué petit bras. Elle a choisi le provisoire plutôt que le transitoire.
Des bâtiments, restés vides depuis près de 15 ans en pleine crise du logement, vont enfin être occupés par des étudiants. Supr. Mais il n’y a pas de quoi se vanter.
Une enquête publique se déroule du 24 mars au 24 avril en vue de la création d’un « Institut du sport et du vieillissement et hébergements associés » à côté de la clinique Belharra. Trois bâtiments sont prévus dont une « résidence hôtelière ». Sa vocation touristique était soigneusement cachée. Au point que le Préfet a donné un avis négatif pour cet hôtel. Le dossier révèle d’autres aspects très problématiques de la politique municipale.
La photo de Une, représente le site choisi depuis la clinique Belharra. Extraite du dossier.
Ce billet est particulièrement long, mais le dossier en valait la peine. Il est divisé en 4 chapitres :
I- Volet légal et étapes du projet ; II- L’extension de Belharra et la longue histoire des cliniques bayonnaises ; III- La localisation du projet ; IV- L’hôtel bien cahé
Capture d’écran. Lettre du Préfet. Conclusion
Le dossier de l’enquête est accessible sur le site de la CAPB :
On y trouve les documents de base à télécharger, ainsi que l’accès au registre dématérialisé pour lire les contributions déjà faites, ou en mettre de nouvelles.
Le document administratif est le plus intéressant. Il comporte les remarques des « personnalités publiques associées » (PPA : SCoT, MRAe, ARS, Syndicat des mobilités), les réponses de la ville et le PV de leur réunion. Le Préfet est loin d’être le seul à avoir contesté plusieurs aspects du projet…
La déclaration de projet est le 2e dossier important. Il comporte l’argumentaire sur la localisation du projet, son « intérêt général » et les incidences environnementales.
Le projet a été engagé publiquement en juillet 2023, et a pris au moins 6 mois de retard en raison des désaccords avec des organismes d’Etat. Une réunion supplémentaire a été nécessiare en décembre 2024 pour rapprocher les points de vue.
1er juillet 2023, engagement de la procédure par le conseil communautaire. Les objectifs officiels y sont indiqués, et ne varieront pas
9 octobre au 9 novembre 2023, concertation préalable. Il n’y a eu aucune contribution sur le registre dématérialisé. Un unique mail a été reçu (le lendemain de la clôture), soulevant ce qui était problématique : la localisation du site, l’alibi « santé » avancé systématiquement pour défricher. Mais comme il y avait eu 319 visites du site, le rapport a conclu à l’acceptabilité du projet : un « argument » utilisé dans toutes les enquêtes publiques
15 mai 2024, validation du bilan de la concertation par le conseil communautaire
Etape suivante : le dossier est soumis aux « PPA » pour avis. L’examen conjoint a lieu le 3 juillet 2024. Les critiques sont nombreuses (voir le document administratif), et j’y reviendrai. Au point qu’une réunion supplémentaire doit avoir lieu le 19 décembre 2024, entre la ville de Bayonne, les services de l’Etat et les porteurs du projet, qui ne sont pas une « personnalité publique » mais un promoteur foncier, Aedifim, accompagné de médecins de Belharra… Cette réunion donne lieu à une note complémentaire (validée par les participants) où la ville justifie le refus de localisation du projet sur le parking de Belharra et la « multifonction » de la résidence hôtelière, avec un hôtel de tourisme. Cette note est supposée lever les réserves et avis négatif.
Le 24 février 2025, le Président de la CAPB peut alors prendre un arrêté prescrivant l’enquête publique. Il y reprend tel que les objectifs de la première délibération (l’engagement de la procédure), toujours sans mention du tourisme.
II- L’Extension de Belharra dans la longue histoire des cliniques bayonnaises
L’enquête publique commence le 24 mars. Vu l’absence de contribution à la concertation préalable, je m’attendais à la routine de la plupart des enquêtes publiques très ponctuelles. Je n’ai pas été consulter le dossier d’enquête, et le registre dématérialisé, que le 8 avril. Et là, surprise complète. Il y avait déjà 6 avis, tous pour soutenir le projet. D’ont l’un pour qualifier le site retenu de « terrain vague », ce qu’il ne semblait pas être quand j’avais été y jeter un œil quelques jours avant.
Que des contributions favorables : du jamais vu dans ce genre d’enquête, où ce sont en général les opposants qui se manifestent. Bref, il y avait un « loup » : un hôtel que le titre officiel du projet ne laissait pas deviner. Et qui a provoqué la réaction négative du Préfet.
Dans le dossier d’enquête, le titre mentionne « … et hébergements liés. », ce qui un peu un écran pour l’hôtel de tourisme.
Les objectifs officiels
Ils sont décrits à l’identique dans les délibérations.
Le contexte est défini par un hommage à la clinique Belharra, par ailleurs propriété du groupe Ramsay :
« La commune de Bayonne compte plusieurs établissements de santé dont notamment la clinique Belharra, équipement structurant du territoire. Ouverte depuis août 2015, elle compte près de 250 lits ainsi qu’une équipe de plus de 450 salariés et de 150 praticiens libéraux. L’ensemble du site représente environ 30 000 m² et regroupe des salles de soins en consultation, hospitalisation complète ou ambulatoire, un service d’urgence, une unité de soins continus, une maternité, un centre d’imagerie médicale et un laboratoire d’analyse médicale. Développé avec une approche globale et humaine, son projet médical s’inscrit dans une mission de service public alliant excellence des soins et proximité. Cette activité située aux portes de Bayonne est croissante ces dernières années et nécessite un développement urgent de service ambulatoire pour absorber la demande.
Cependant, compte tenu des infrastructures limitées et de l’impossibilité de s’étendre sur le site actuel, la clinique n’est aujourd’hui pas en mesure de se développer et de répondre aux sollicitations de plus en plus nombreuses. A cela s’ajoute l’absence d’hébergement à proximité immédiate pouvant répondre aux besoins des patients que ce soit en pré hospitalisation mais également en post opératoire ».
Etendre la clinique Belaharra
La suite s’enchaîne logiquement :
« Dans un contexte de croissance démographique sur le territoire de la CAPB, mais aussi de vieillissement généralisé de la population, la demande de soins est en constante augmentation et l’offre doit pouvoir s’adapter.
Dans cette perspective, il est nécessaire de pouvoir étendre la clinique Belharra pour :
compléter l’offre de soins et doter l’établissement d’un institut du sport, de l’appareil
locomoteur et du vieillissement, en développant notamment un service de consultation et
traitement du patient atteint de pathologies orthopédiques, en pré et post hospitalisation.
Ceci permettrait par ailleurs de libérer une partie du soin orthopédique de la clinique afin d’y
développer la chirurgie ambulatoire ;
améliorer et déployer la prise en charge existante des patients atteints de pathologies
gériatriques ;
apporter une solution d’hébergement temporaire non médicalisé (pour les patients en attente
d’hospitalisation et/ou en sortie post-opératoire, pour les accompagnants et personnels de la
clinique) ; solution sollicitée par ailleurs par l’Agence Régionale de la Santé (ARS) Nouvelle-
Aquitaine ;
augmenter les capacités de stationnement de la clinique, trop souvent saturées ».
Le projet est donc bien celui d’une simple extension de la clinique existante, baptisée Institut, mais pas d’une activité médicale entièrement nouvelle. La dynamique, et le projet, sont strictement médicaux, aucune mention du tourisme. L’existence d’un « hébergement temporaire non médicalisé » apparaît comme une demande de l’ARS. On verra plus loin ce que dit l’ARS de cet alibi. Un bâtiment y est consacré. Augmenter les capacités de stationnement est un objectif clairement affiché, et un bâtiment lui sera aussi consacré. A ce stade, on ne peut que pointer la volonté de Ramsay d’externaliser sur un nouveau site ses problèmes, plutôt que de chercher à les résoudre sur place. Une fuite en avant dans l’artificialisation.
La sainte alliance des promoteurs immobiliers, des propriétaires de cliniques et des maires de Bayonne.
Les cliniques sont une histoire bayonnaise qui passe toujours mal. La construction de la clinique Belharra s’est accompagnée d’opérations immobilières lucratives au début des années 2010. Selon un article de Sud Ouest du 08/06/2013, publié à l’occasion de la première pierre de Belharra, ce sont pas moins de 4 cliniques qui vont y être transférées : Lafourcade, Saint-Etienne, Paulmy et Lafarque. Le foncier de Saint-Etienne et Lafargue est revenu à Alday, celui de Lafourcade à Vinci, et celui de Paulmy à Pichet. On se souvient aussi que le bon docteur Grenet, maire de Bayonne à l’époque exerçait comme chirurgien à la clinique Paulmy, dont le cardiologue Bernard Grenet était un des propriétaires.
Les déplacements de cliniques vers la périphérie sont une tradition bayonnaise. Cela libère du foncier au centre ville, comme pour 3 de ces cliniques, ou plus récemment comme celui du centre d’oncologie, transféré du 14 Allée Paulmy vers le nord de Bayonne, avenue du 14 avril 1814. deuxième bâtiment s’est installé il y a peu à côté, au prix d’une double artificialisation, faisant de l’ensemble un « pôle oncologique ». Un collectif avait demandé la construction de HLM au 14 allée Paulmy. Le devenir de ce foncier est inconnu.
Dans les extensions médicales consommant du foncier, il faut signaler aussi le feu vert récent pour celle de la clinique Amade. Dans un déplacement libérant du foncier, i y a eu aussi, près de Belharra, la clinique psychiatrique Cantegrit déplacée au Château Caradoc, ouvrant le domaine à une urbanisation massive.
Tiens, voilà encore Thibaud et l’Aedifim
Pour le projet actuel, selon les documents, l’initiative en reviendrait à « des chirurgiens orthopédiques exerçant au sein de la clinique Belharra, que la Communauté d’Agglomération Pays Basque et la commune de Bayonne ont décidé d’accompagner ».
Les porteurs du projet ayant été invités à la réunion des PPA de juillet 2024, le PV révèle leur identité : il y a bien 3 médecins de Belharra, mais il y a surtout le promoteur immobilier Aedifim, avec sa branche santé, et son président Pascal Thibaut.
Ce promoteur est sur le devant de la scène depuis quelques années à Bayonne. Invité régulier des débts immobiliers de Sud Ouest, il a été un des principaux promoteurs de la « charte de mixité sociale » si chère à notre maire.
Son principal projet en cours, L’Argousier, 54 chemin de Hargous, s’est coulé dans le mouvelle de cette charte, en transformant son projet inititial pour y inclure des BRS confiés à HSA. Aedifim a un 2e projet en construction dans le quartier Marracq.
En juin 2024, le conseil municipal a accordé à Aedifim les autorisations de construire un Pôle de santé place des Gascons.
Le dernier conseil municipal, le 3 avril, a validé une promesse de vente au profit de Aedifim d’un morceau du « centre pédopsychiatrique pour adolescents », rue de l’Abbé Edouard Cestac, géré par le Centre Hospitalier de la Côte basque.
Ce projet d’extension de Belharra est donc d’une parfaite continuité avec l’histoire des cliniques bayonnaises : relations « amicales » entre promoteurs immobiliers, propriétaires de cliniques et responsables politiques, au prix d’une bétonnisation sans limites.
Et l’on ressort le PADD de 2007 pour justifier la métropolisation
Dans le dossier comme dans l’argumentaire développé par Sylvie Durutty, le PADD de 2007 reste la référence obligée.
« Ce projet s’inscrit dans les orientations définies dans le Projet d’Aménagement et de Développement Durables du Plan Local d’Urbanisme de la commune de Bayonne qui précise que la commune souhaite « affirmer les fonctions de centralité de Bayonne à l’échelle du bassin de vie élargi qu’elle polarise », et notamment « affirmer une politique active en matière de grands équipements » dont ceux liés à la santé.
Bien évidemment, « ce projet soutiendra l’économie locale en créant de nombreux emplois et renforcera l’attractivité du territoire », une affirmation répétée pour tout projet d’urbanisation.
Lors de la réunion des PPA, la 1ère adjointe, confirme que « pour développer un territoire de santé, il est important de renforcer sa centralité. Par effet de rayonnement, la constitution de pôles de santé majeurs sur le centralité permet de servir indirectement le territoire du Sud des Landes et du Pays basque intérieur » (PV de la réunion des PPA p.3).
Ou encore
PV de la réunion des PPADiapo extraite de la présentation du projet aux PPA
Comme régulièrement relevé depuis quelques temps par des PPA lors de telles enquêtes publiques concernant une nouvelle urbanisation, la ville fonctionne sur des conceptions archaïques, datant de près de 20 ans, qu’elle en a conscience, et qu’elle devra y renoncer. En attendant le futur PLUi (2026 ou 2027), elle fait comme si rien n’avait changé, pour la centralité comme pour l’artificialisation.
Pour ce projet, tout en reconnaissant l’intérêt général, le bureau du SCoT demande un travail sur « la planification, la localisation et l’économie générale de nouveaux proejts publics et/ou privés » en matière de santé, pour ne pas les réaliser « au gré des opportunités, mais s’incrire dans une stratégie planifie et géographiquement justifiée au regard de la réalité des besoins du territoire ».
Pour la MRAe (Mission Régionale d’Autorité environnementale) « au vu des nombreuses modification apportées au PLU, il conviendrait de présenter un bilan de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers afin de s’assurer du respect de la trajectoire de réduction inscrite » dans la loi et les schémas régionaux.
Le Préfet est beaucoup plus critique dans sa lettre du 11 juillet 2024,, sur 3 points : l’attractivté, la localisation et l’hôtel. Je reviendrai sur les deux derniers. Sur le premier point, il met en doute l’opportunité du projet
Extrait lettre du Préfet
et la volonté de renforcer l’attractivité de Bayonne
Extrait lettre du Préfet
III-La localisation
Le site retenu se situe à côté du giratoire de Jupiter, rue de Hiriarte, en limite de Saint-Pierre d’Irube. Depuis la clinique Belharra, il suffit de traverser l’avenue du Prissé. Il est également bordé par le chemin de Jupiter. L’institut se composera de deux bâtiments, médical et hôtelier, et d’un parking en silo.
Le site choisi, photo de 2020, extraite d dossierPhoto avril 2025. Prise depuis le rond-point de Jupiter
Quelle est la nature de ce terrain de 1 ha, entre terrain vague et espace boisé ? Sur la photo de 2020, il apparaît essentiellement végétalisé, boisé même. Deux maisons s’y trouvaient, détruites il y a quelques années, des gravats subsistent. On peut difficilement qualifier tout le site d’espace végétal, mais encore moins de terrain vague. Les autres photos ont été prises début avril.
Photo avril 2025. Prise depuis la rue de HiriartePhoto avril 2025. Prise depuis la rue d’HiriartePhoto rue de Hiriarte, côté Saint Pierre d’Irube. Prise en avril 2025
Le commentaire du MRAe reflète le caractère composite du lieu. Son avis est favorable au projet, pour peu qu’il y ait une protection réglementaire du boisement situé au sud du site.
Capture d’écran. Commentaire du MRAeTableau comparatif des localisations « étudiées ». Capture d’écran
C’est évidemment la première des localisations qui a été choisie, compte tenu des critères retenus.
Il faut lire dans la colonne de droite du tableau la justification avancée « Site optimal et maîtrisé, aménageable à court terme, de moindre impact connu ». Site maîtrisé = foncier public ? Ou déjà acheté par les porteurs de projet ?
Le deuxième site étudié a été l’actuel parking de Belharra. Tous les critères sont au vert, sauf le foncier : « Foncier privé, manque de facteurs favorables (financement, stratégie interne à la clinique) ». Il a donc été écarté, puisque Belharra n’en voulait pas.
Le Préfet n’a pas manqué de le noter. Lors de la concertation préalable, l’idée d’implanter l’institut sur un site artificialisé avait été déjà avancée.
La critique de la localisation proposée faite par le Préfet est exemplaire : tout y est : une contre-proposition où la partie touristique de l’hôtel est abandonnée, la faiblesse de l’argumentaire de la ville, le risque d’extension, la prise en compte de la sobriété foncière
Extrait de la lettre du PréfetExtrait de la lettre du Préfet
Les réponses de la ville figurent dans la note de la réunion du 19 décembre 2024. Belharra ne veut pas construire sur son parking. La ville se satisfait de ce refus : on ne contrarie pas ses amis. Elle écarte brutalement la position du Préfet : « cette suggestion n’est pas réalisable, du fait de l’indépendance du projet vis-à-vis de la clinique (projet d’initiative et de portage privés) et de l’absence de projet de développement de la clinique sur on foncier ». On verra que la ville veut conserver à tout prix la partie touristique de l’hôtel. En ce qui concerne l’indépendance du projet, cela prête à rire, quand on lit les justifications du développement des activités de la clinique Belharra de l’autre côté de l’avenue du Prissé.
Réponse de la ville sur la localisation
Là réside un autre danger : le développement « impétueux » de la demande de santé, la croissance continue de Belharra, vont nécessiter de nouvelles emprises. Le sujet est abordé plus ou moins ouvertement à différentes endroits du dossier. Dans un premier temps, il est seulement envisagé de rajouter des étages dans le silo à voitures à construire. Mais il est aussi indiqué que nous sommes dans une zone à urbanisation future. Parmi les localisations envisagées, certaines sont dans ce cas, dont à proximité directe, le site chemin de Chouhour.
Les autres localisations « étudiées » figurant dans le tableau des comparaisons. Capture d’écranLes zones à urbaniser à proximité du site choisi
Que de réserves foncières selon les cartes fournies dans le dossier ! L’acculturation des élus, des services ou du bureau d’études reste totalement à faire : quand on cherche des rSéserves foncières, ils se tournent en priorité vers des zones végétalisées. Mais des zones artificialisées, friches ou parkings de surface, sont aussi des réserves foncières.
IV- Un hôtel très particulier
Les « hébergements associés » du titre du projet cachait donc un loup que la réaction du préfet, via la DDTM (direction départementale du territoire et de la mer, urbanisme et riques) a permis de révéler. Il s’agissait d’un projet multiple, avec entre 80 et 94 chambres selon les chiffres officiels. La ville s’est mise sous le couvert d’une demande de l’ARS. Interrogée, celle-ci a confirmé sa demande de 3 (c’est 3, si j’ai bien lu p.60 du 1er document) chambres médicalisées, mais a soutenu l’existence d’une trentaine de chambres conventionnées, directement liées à l’activité médicale. Rien ne justifiait donc l’hôtel proposé.
Le préfet n’a pas été convaincu par le projet touristique, et a fait une contre-proposition, limitant l’hôtel au volet médical and la perspective de l’ARS :
Extrait de la lettre du Préfet concernant le projet de résidence hôtelière
En réponse, la ville a présenté sa politique de tourisme hôtelier : trop d’hôtels entrée de gamme, assez d’hôtels de luxe, mais manque d’hôtels 3 étoiles, pouvant répondre à la baisse de l’offre de meublés touristiques en raison de l’obligation de compensation. Il faut oser cet argument.
La réponse de la ville concernant l’activité touristique
D’où une proposition de répartition des chambres, plutôt compliquée, selon laquelle il ne resterait que 25 chambres sur 80 dédiées au tourisme.
La répartition des fonctions hôtelières selon la ville
Derrière ces calculs alambiqués, il y a une vérité économique énoncée par Thibaud (Aedifim) lors de la rencontre du 18 décembre 2024 (p.3) : « une mixité d’hébergement hôtelier classique et santé participe à l’équilibre économique du projet ». Avec cet aveu, tout est dit sur la recherche de rentabilité du projet et les cadeaux faits aux médecins de Belharra et au promoteur immobilier. La ville refuse de renoncer au site choisi pour l’intérêt d’Aedifim et de Ramsay (multinationale propriétaire de Belharra)
Ce projet donne toutes les raisons de s’y opposer, en ce qu’il traduit toutes les errances et les mauvais choix de la municipalité bayonnaise : la sainte alliance des élus avec les cliniques et les promoteurs, la métropolisation en s’appuyant sur un PADD archaïque, le prétexte de la santé pour artificialiser les espaces verts.
N’hésitez pas à contribuer.jusqu’au 25 avril à 17h
Le film d’Albert Serra, « Tardes de Soledad », est un documentaire sur Andrès Roca Rey, un torero idole des promoteurs de corridas. Il est régulièrement fait appel à lui à Bayonne et Mont-de-Marsan. Le film a fait l’objet d’une forte promotion, avec invitation du réalisateur, au Pays basque et dans les Landes, régions supposées acquises à la tauromachie. A sa sortie le 26 mars, les critiques cinématographiques ont été partagé.es.
Un appel au boycot avait circulé à Bayonne, mais j’ai voulu voir le film de mes yeux malgré mes préventions, peut-être par masochisme. J’en ai davantage appris sur l’idéologie du réalisateur que sur les corridas. Le film a permis aussi de donner à voir et à entendre le caractère peu reluisant du milieu tauromachique.
Si dans Le Monde ou Libération, iels ont souligné les ambigüités du film. D’autres ont été laudatifs : « Une beauté et crudité stupéfiantes » (Télérama) ; « Film brillant et émouvant » (La Règle du jeu) ; « Le Torero star au visage d’ange » (Paris Match). Sauf dans un billet de blog sur Mediapart (« L’ouvrier dans un abattoir »), les taureaux sont quasi-invisibilisés. Les seules photos du film diffusées par le distributeur (Dulac) sont des photos de Roca Rey, pas des taureaux, documentaire oblige sans doute.
Pourtant, ce qui frappe en premier dans le film, ce sont les scènes de cruauté, voir de boucherie. De ce point de vue, il n’y a pas de silence du réalisateur : le film ne cache rien des sévices subis par les taureaux, même s’il ne s’agit que de rares plans au regard de la longueur du film. Taureaux ensanglantés par les banderilles, achevés par l’estocade, longue séquence sur le corps du taureau en train de mourir, et traîné sans attendre en dehors de l’arène. Dans des entretiens, Albert Serra explique même que Roca Rey lui avait demandé de couper au montage des séquences trop violentes, par peur de provoquer des réactions hostiles à la corrida… La barbarie des corridas n’est pas son sujet.
Albert Serra en artiste complaisant
Le film figure en page de couverture des Cahiers du Cinéma, illustrant la prévalence du focus « esthétique » chez les critiques professionnels sur le focus « sens »du film. Rendez-nous Jean-Luc Godard (« un travelling, c’est une affaire de morale »)…
L’entretien du réalisateur avec le journal Libération (le 26 mars 2025) est de ce point de vue plus terrifiant pour ce qu’il révèle de lui, que le sujet même de son film.
Selon Albert Serra, il a du faire preuve d’équilibre pour traiter d’un « rituel violent, sacrificiel, atavique ». L’entretien témoigne de l’inverse.
L’esthétisation de ces rites barbares est assumée par Serra : « La corrida est un rituel qui est par définition formel. Même s’il y a de la cruauté réelle, la répétition millénaire de la chose en fait une allégorie. Il n’y a pas vraiment de contenu à ce spectacle, seulement une forme par laquelle on pénètre dans un autre temps ». Il y a là une curieuse reprise du récit pro-corrida sur une tradition millénaire, et surtout l’évacuation de la cruauté sous forme d’une courte incise, vite évacuée.
La suite mérite aussi d’être citée : « Les gens s’ennuient dans l’arène à attendre la ‘magie’ que que produisent l’harmonie entre les gestes du torero et la force du taureau. Alors se joue la rencontre, profondément inégale, faite de domination, mais quand même tendue, incertaine sur le moment, entre la condition animale et la condition humaine. C’est un espace de déchaînement de la fatalité, un accès à quelque chose comme le destin ».
Et pour conclure : « les questions que je m’y pose sont d’ordre formel. Moi, je ne cherche rien, je n’ai rien à dire ». Il n’y a pas seulement banalisation et complaisance, cela va plus loin. Il y a la revendication d’un formalisme qui ne doit de comptes à personne, ni à la société humaine ni aux animaux. En quoi le statut d’artiste permettrait-il de s’affranchir de toute question morale. En quoi l’image permettrait par elle-même de transcender la morale ? Le vernis de l’art comme dernier recours de la justification des corridas.
Les moues bestiales d’un visage d’ange
Roca Rey selon Serra dans Libération : « Il y avait en lui cette poésie de l’écoute et de l’introspection. Et il est moderne, il est sur Instagram, c’est une star au cœur d’une activité archaïque. Il a un visage d’ange ».
Dans le film, ce visage d’ange multiplie davantage les grimaces, les insultes (au toro, au public), les gesticulations, les moues bestiales, les postures outrées, les vulgarités machistes, le concours phallique, voire même des rites religieux (embrasser sa médaille de la vierge).
Son entourage, filmé notamment dans le bus qui les transportent, patauge dans la vulgarité et la violence. Serra y voit de la « poésie populaire », « un langage allégorique », du « pittoresque » dans son entretien avec Libération.
E. Mathieux dans Mediapart y voit plus justement « une petite cour de chiots glapissants immatures bien qu’adultes ». Il voit dans les simagrées de Roca Rey des « torsions de dos au ralenti, insultes infamantes criées contre un taureau royal, petits pas de paon en piètre parade » qui « ne forment pas un art ».
Autant l’auteur de l’entretien dans Libération (Luc Chessel) est complaisant avec Serra, autant le 2e journaliste, Clément Colliaux, qui a réalisé la critique proprement dite, n’est pas dupe de la volonté du réalisateur d’esquiver toute position sur la corrida, en traçant le portrait d’un « mâle au virilisme douteux », qui a semblé le fasciner.
Au final, on peut regretter que l’Atalante n’ait pas saisi l’opportunité de la programmation du film pour organiser un débat sur une pratique pour le moins controversée, à Bayonne comme ailleurs, indépendamment de la tournée promotionnelle du réalisateur.
Le 1er juin, des restrictions de circulation vont être mises en place sur la bande littorale basque, suite à l’instauration d’uns Zone à Faibles Emissions (ZFE) par la CAPB. L’objectif affiché est de diminuer la pollution atmosphérique générée par la circulation automobile. Son efficacité est controversée. Mais son injustice sociale reconnue. Ses supposées vertus « écologiques » sont plus que largement effacées par le rejet de l’écologie qu’elle provoque. Pour des écologistes, c’est donc non.
Ces ZFE viennent d’une politique commune des différents états européens. Un double effet bénéfique est escompté, pour les habitants avec une meilleure qualité de l’air, et pour le climat avec une incitation à l’électrification du parc automobile. Il en existe déjà dans plusieurs agglomérations en France, ainsi que chez nos voisins basques du sud.
Une concertation publique – obligatoire – avait eu lieu à l’automne dernier. La plupart des avis avaient été négatifs, que ce soit lors de réunions d’informations ou sur le registre dématérialisé. J’en avais rendu compte dans un premier billet, qui concluait sur la nécessité d’un moratoire : https://lepimentbayonnais.fr/2024/12/01/bayonne-pour-un-moratoire-sur-la-zfe/
Le bilan de la concertation et la décision effective de la créer sont venus à l’ordre du jour du conseil communautaire du 15 février. La décision a été prise de reculer la mise en œuvre de la ZFE du 1er avril au 1er juin, une concession a-t-il été dit. Sa durée sera de 5 ans.
Salle du Conseil le 15 février
De belles envolées ont été entendues, souvent hypocrites, où, parfois, le discours pro-voitures se cachait mal derrière une dénonciation de l’injustice sociale. Mais, globalement, les critiques ont été les mêmes que celles recueillies lors de la consultation. La ZFE est passée de justesse : 96 votes favorables, 47 opposés avec 64 abstentions. Les différentes appartenances politiques se sont éclatées lors des votes.
Philippe Aramendy, maire EH Bai d’Urrugne : très critique, mais vote pour
La discussion se trouve sur la chaîne youtube de la CAPB. Il dure une heure, entre la 46′ et 1h53′ :
Un nouveau conseil communautaire est à venir le 29 mars pour définir les modalités spécifiques de la ZFE dans la CAPB : aides financières pour l’achat d’un véhicule, exemptions possibles, aide « personnalisée » pour en bénéficier…
C’est quoi la ZFE
En fonction de leur ancienneté et du carburant utilisé, les véhicules se voient attribuer une vignette nommée Crit’Air, avec un numéro de 1 à 5, du moins au plus polluant. Certaines agglos excluent dès le n°4 voire 3.
L’interdiction de circulation dans notre ZEF touchera les véhicules Crit’Air 5 et non classés. Elle s’étend sur pas moins de 11 communes littorales : Tarnos, Boucau, Bayonne, Biarritz , Anglet, Bidart, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Ciboure, Urrugne, Hendaye.
Premier bug, relevé par tout le monde : l’exclusion de l’autoroute A63 de la ZFE, ce qui favorise le transit de 12 000 camions en moyenne par jour. Il paraît que c’est l’Etat qui le veut.
Quels objectifs anti pollution ?
Les ZFE visent à améliorer la qualité de l’air en réduisant les émissions de microparticules et des oxydes d’azote (NOX) afin de préserver la santé des habitants. Pour ce faire, elles interdisent la circulation des véhicules jugés les plus polluants.
Deuxième bug : Ces critères sont peu efficaces pour diminuer les émissions de particules car ils ne prennent pas en compte le poids du véhicule, les particules dues au frôtement des pneus.
Troisième bug : Les mêmes polluants atmosphériques, mais provenant d’autres sources locales, ne sont pas pris en compte : l’aéroport de Biarritz, le Port de Bayonne (avec ses accès en trains au diesel),… De plus les émissions C02 ne sont pas prises en compte comme pollution atmosphérique !
Quels véhicules sont concernés, et combien sont-ils ?
Cette mesure touche officiellement 13 234 véhicules recensés sur le territoire de l’Agglomération Pays basque, soit 5 % du parc automobile global. Pour les 2/3, ce sont des voitures, le reste étant constitué de véhicules utilitaires légers et de camions, des 2 roues motorisés. 5 505 véhicules seulement se trouvent sur le périmètre de la ZFE (Tarnos inclus donc).
Cela concerne les voitures et camionnettes essences immatriculées avant le 1er janvier 1997, les voitures et véhicules utilitaires diesel immatriculés avant le 1er janvier 2001, les poids lourds immatriculés avant le 1er octobre 2006 et les deux roues motorisés immatriculés avant le 1er juin 2000. Le nombre de véhicules concernés semble faible, ce qui est utilisé par la CAPB pour « vendre » sa ZFE.
L’arrêté voté par le conseil communautaire pour mettre en place la ZFE comporte de nombreuses exemptions. Il rappelle les exemptions obligatoires nationales et les complète pour tenir compte des spécificités locales.
Nationalement, cela concerne les véhicules « régaliens » (armée, police, etc.), les véhicules de secours, et, sous certaines conditions, les personnes en situation de handicap ou les transports en commun.
Comme pour toutes les ZFE, la CAPB était autorisée à permettre des exceptions supplémentaires, pour l’adapter localement.
Exemptions locales
La ZFE est supposée ne pas dresser d’obstacles à certaines activités économiques, et de facilité l’accès au travail. Une des avancées les plus significatives depuis la consultation est d’avoir limiter la plage horaire des interdictions entre 6h et 20h, et non pas 24h sur 24h. Et cela favorise aussi les sorties en soirée…De même, les véhicules et engins agricoles sont exemptés.
Mais la liste locale concerne aussi notamment les services d’aide à domicile ou d’accompagnement aux personnes handicapées, les commerçants non sédentaires, les livreurs de denrées périssables, etc. La liste complète est publiée sur le site de la CAPB.
Ensuite, a été introduite la notion de « petits rouleurs », effectuant moins de 8 000 km par an. Comme demandé lors de la consultation, ils et elles seront exempté.es. Par contre, la demande d’exemption les week-ends n’a pas été retenue.
Enfin, un pass ZFE de 24h, pouvant être délivré jusqu’à 24 jours dans l’année a été instauré, la concertation ayant permis d’allonger un peu le nombre de jours.
Une injustice sociale reconnue, mais une mobilisation en demi-teinte
En 2019, au niveau de l’hexagone, 38% des ménages les plus pauvres avaient un véhicule classé Crit’Air 4 ou 5, contre 10% des ménages les plus riches.
Dans la CAPB, ce sont des milliers de travailleurs qui effectuent la navette entre la côte et les communes du Pays Basque périurbain et rural ou des Landes pour se rendre sur leur lieu de travail. Pour la grande majorité des habitants, prendre la voiture est une nécessité. En l’absence d’alternative adaptée par les transports collectifs, la voiture représente bien souvent le dernier moyen pour se rendre au travail et accéder à des services essentiels.
Si le rejet des ZFE semble important dans plusieurs agglos, la mobilisation semble rester modeste au Pays basque. Lors de la concertation préalable, on avait surtout remarqué le lobby des collectionneurs de voitures (dont une partie relève des « non classés ».
Lors du conseil communautaire du 15 février, deux ou trois dizaines de manifestants sont venus interpeller les élu.es, en majorité des « motards en colère », dont on connaît la détestation d’être assimilés aux voitures pour les contrôles.
Il faut signaler aussi des (tout) petits rassemblement hebdomadaires devant la mairie de Bayonne le samedi.
Les aides financières
Au niveau national, il s’agit de doper le marché de la voiture électrique, avec des aides à l’achat : une prime à la conversion, une surprime pour les habitants dans une ZFE, un bonus écologique, une aide à l’installation de bornes électriques de recharge, et une possibilité de prêt à taux zéron dans les ZFE. Et ce, même si le bilan écologique des véhicules électriques est plus que discutable. Quelques mauvaises langues, un peu complotistes, disent que les ZFE sont faites pour les constructeurs de voitures électriques, pas pour des questions de santé publique.
Ces aides sont cumulables avec celles que la CAPB a décidé d’ajouter au niveau local, sans doute pour tenir compte de l’injustice sociale. Elles seront précisées, ainsi que leurs modalités d’attribution, lors du prochain conseil communautaire le 29 mars.
Cette aide concernera les ménages aux revenus les plus modestes (il y aura des conditions de revenu) et les plus petites entreprises. Elle sera conditionnée à la vente ou à la mise au rebut (au contraire des aides nationales qui ne concernent que l’achat) d’un véhicule concerné par les restrictions de circulation sur la ZFE.
Pour les particuliers, l’aide de la CAPB portera sur l’acquisition ou le rétrofit (on garde la carcasse de la voiture et on remplace le moteur « old style » par un moteur électrique) d’une voiture, d’un utilitaire ou d’un deux-roues motorisé, Crit’Air 0, 1, 2 ou 3, neuf ou d’occasion (pas uniquement électrique). L’acquisition d’un vélo à assistance électrique ouvre aussi le droit à une aide spécifique.
Il y aura aussi des conditions de résidence, et une seule aide possible par foyer fiscal.
Martine Bisauta lors du Conseil du 15 février
Martine Bisauta, Vice-Présidente en charge de la transition écologiques à la CAPB, s’y était engagée lors de la concertation : il y aura bien un accompagnement personnalisé pour toutes les demandes d’aide, les exemptions, le pass, et, plus largement pour des conseils au changement de modes de déplacement pour les automobilistes soumis aux restructions, avec un entretien « mobilité » en présentiel. La participation à un tel entretien conditionnerait d’ailleurs l’octroi des aides.
Les transports collectifs comme alternative aux voitures les plus polluantes.
C’est le refrain martelé par la CAPB depuis la concertation. Chaque fois qu’un habitant concerné par les restrictions expliquait ses difficultés, il lui était opposé l’amélioration du service de TxikTxak à venir et advenue en janvier. Les pistes cyclables et le vélo électrique sont également appelés à la rescousse. Même si des efforts de rattrapage ont été fait, la CAPB est encore très à la traîne pour les transports collectifs, les T1 et T2 étant très utiles, mais servant beaucoup des vitrines.
Les solutions alternatives sont aujourd’hui insuffisamment développées pour assurer les déplacements du quotidien. Le multimodal reste difficile, peu commode. Les temps de trajets parfois rédhibitoires. De ce point de vue, la conception élargie à la mobilité de l’entretien mis en place par la CAPB sera utile.
Tout cela pour ça ?
Le dossier ZFE est sans conteste un dossier délicat pour des écologistes. Peut-on s’opposer à un mesure de diminution, même minime de la pollution, dont les effets sur la santé de chacun sont connus ? Comment s’y opposer sans conforter les populistes et les inconditionnels de la voiture ?
Mixel Esteban, conseiller EELV, lors de la séance du 15 février. A voté pour
La CAPB a fait des efforts pour des compensations sociales, on ne peut le nier. Compenser, c’est bien, mais les milieux populaires restent les principales cibles d’une ZFE dans le monde réel, pas dans celui de l’administration. Un gros SUV électrique pollue-t-il vraiment moins qu’une voiture à essence, âgée de plus de 20 ans, qui a passé tous ses contrôles techniques ?
Mais pourquoi s’obstiner à la mettre en place et se plier aux injonctions de l’Etat ? Une ville comme Montpellier a repoussé sine die sa ZFE.
Cette ZFE est non seulement injuste, elle est aussi absurde, pour toutes les sources de pollution, automobile ou autre, qui ne sont pas prises en compte. Elle l’est encore par le fait d’édicter des règles, et de multiplier les cas d’exemptions qui les contredisent.
Avec un paradoxe final : avec toutes ces exemptions, qui doivent faciliter l’acceptabilité de la ZFE, quel sera l’effet résiduel en matière de réduction de la pollution atmosphérique, et l’effet sur la santé ? Déjà que les niveaux de pollution avaient tendance à baisser spontanément, même si (en sens contraire), l’OMS va demander des normes plus contraignantes. Tout cela pour ça ?
Sans doute, les aides sociales et la multiplication des exemptions ont pu contribuer à limiter les mobilisations locales. Mais cette ZFE ne se justifie pas, même si la CAPB la fait de manière douce.
Le conseil municipal municipal de Vieux Boucau vient de décider d’arrêter les corridas, qui avaient été relancées en 20233 et 2024. Succédant au renoncement d’Eauze (Gers), cette décision a provoqué une certaine fébrilité dans les milieux tauromachiques, craignant une extension des vents contraires. En guise de contre-offensive, la propagande pro-corrida a battu son plein, notamment dans le journal Sud-Ouest ces dernières semaines
Vieux Boucau
La municipalité avait autorisé la pena locale (La Mariposa) à organiser, de manière exceptionnelle, des corridas deux années de suite. Pour 2025, ce sont des raisons éthiques qui l’ont poussée à arrêter la série, le refus de la mise à mort comme spectacle.
« La majorité des élus jugent que cela n’est plus digne d’un spectacle du monde de maintenant. Cette mise à mort n’est pas justifiée par une tradition, puisqu’il y a eu de longues années d’interruption depuis la création des arènes », a expliqué le maire Pierre Froustey à France3Régions
Il a précisé : « Cela ne remet pas en cause les courses landaises ni les spectacles de recorte. Nous souhaitons seulement qu’il n’y ait plus de spectacles avec mise à mort dans les arènes de Vieux-Boucau, comme cela a déjà été le cas durant vingt ans » (Sud Ouest, 3.2.25).
Il insiste sur ce point : « Je suis toujours un fervent défenseur des traditions locales, et notamment landaises. Mais peut-être que la corrida n’est pas forcément une tradition landaise ? ».
Les défenseurs de la corrida sont rendus furieux par la mise à l’écart de la corrida d’avec les traditions taurines landaises. Dans une pétition, les organisations taurines soulignent ainsi le danger de l’argumentaire de Pierre Froustey, opposé aux corridas et novilladas, mais farouche partisan de la course landaise : « Effacer la corrida dans des arènes comme celles de Vieux-Boucau revient à différencier les tauromachies, alors même qu’elles sont intimement liées entre elles et complémentaires ; chacune s’étant implantée grâce à l’autre sur les différents territoires français ».
La Fédération française des courses landaises a pris le même angle d’attaque contre la décision de Vieux-Boucau : la tauromachie est unique. Après avoir tenté une « médiation » pour faire revenir Pierre Froustey sur sa décision, l’UVTF a menacé d’expulser Vieux-Boucau.
A l’inverse, certaines associations favorables à l’abrogation des corridas ont félicité Pierre Froustey… bien que la plupart (mais pas toutes) partagent avec les pro-corridas cette idée qu’on ne peut séparer les corridas des autres formes de tauromachie, course landaise comprise.
Magescq
devant l’église de Magescq, non loin de Vieux Boucau dans les Landes, le 9 mars
Dimanche justement, 3 associations anti-corridas organisaient un rassemblement à Magescq, dans les Landes, contre la reprise de la saison des corridas. Une trentaine de personnes ont participé à ce rassemblement, parmi lesquelles, les avis étaient partagés sur la position de Pierre Froustey. Il y avait là des adhérent.es du CRAC (comité radicalement anti-corrida), de REV (Révolution écologiste pour le vivant), de One Voice et d’EELV. Voir aussi la photo en une de ce billet.
On reste loin des mobilisations d’avant le Covid, malgré un timide frémissement dans l’optique des élections municipales de 2026
Eauze
17/06/17 TYROSSE corrida des fetes de Tyrosse toros de Valdellan Alain Lartigue – Louvier Isabelle ( arènes )
Ce sont des raisons économiques, et non éthiques, qui ont poussé le maire d’Eauze (Gers) à renoncer à l’organisation d’une corrida en 2025. Mais deux chevaliers blancs sont arrivés pour organiser la corrida à sa place.
L’un d’entre eux est la société Tomefra avec son directeur, Alain Lartigue., bien connu sur Bayonne, où il est mandataire des corridas, comme pour plusieur villes landaises. J’aurai l’occasion de reparler de ce personnage.
François Zumbiehl : Vive la mort
Depuis quelque temps, la propagande tauromachique s’étend, et s’appuie sur une page régulière dans l’édition dominicale de Sud Ouest.
Le 8 mars dernier, cette page reproduisait un entretien avec François Zumbiehl en réponse à l’arrêt des corridas à Vieux-Boucau. La page était titrée : « Sans mise à mort, la corrida se réduirait à une exhibition insignifiante ». C’est bien l’esprit de l’entretien, comme le montrent les quelques citations ci-après.
François Zumbiehl est présenté comme anthropologue et écrivain. Il a effectivement soutenu en 2006, à l’Université Bordeaux 2, une thèse en anthropologie culturelle intiulée « Les mots qui torréent : la représentation de la tauromachie dans la parole des professionnels et des aficionados espagnols ». Les membres du jury sont, pour la plupart, taurophiles et âgés. Mais ce sont des scientifiques reconnus avec une fiche wikipedia et des publications (ce n’est pas le cas de François Zumbiehl), en dehors du journaliste Francis Marmande. Le président du Jury, Pierre Bidart, était un anthropologue particulièrement connu.
Dans un précédent entretien avec Sud Ouest (29.8.24), Zumbiehl parlait de son enfance à Anglet et de sa « coup de foudre » lorsque qu’il avait assisté à sa première corrida à Bayonne à l’âge de 11 ans. Depuis, il est aficionado. Dans cet entretien, il partait en guerre contre l’animalisme, cet anti-humanisme, au nom des traditions judéo-chrétiennes et gréco-latines.
Selon son dernier entretien, il vit entre le Pays basque et Madrid, a été conseiller culturel à l’ambassade de France en Espagne et est actuellement membre du Cicult (Conseil international des cultures taurines).
François Zumbiehl est un anthropolgue au service des corridas. Et cela ne peut qu’accentuer l’abîme de son discours, hymne à la mort et au sang, glorification de l’estocade finale, présentée comme le choix de sa mort par le toro, de préférence à une mise à mort dans les coulisses.
Extraits de l’entretien avec Sud Ouest
La tauromachie s’enracine dans le mythe millénaire de Thésée et du Minotaure, rien que ça.
Sans mise à mort, la corrida se réduirait alors à une exhibition insignifiante, où il ne resterait plus qu’à apprécier l’habileté, l’élégance et les qualités physiques du torero. Cela deviendrait un pur simulacre (…) On éliminerait toute la dimension symbolique liée au rituel de la tauromachie, fixé dans sa version moderne vers la fin du XVIIIe siècle, qui rétablit le lien avec le mythe millénaire du combat de Thésée et du Minotaure, pour réaffirmer la victoire, certes temporaire, de l’esprit et du courage sur la nature indomptable et sur la mort.
La magie de l’estocade
C’est pour cela que le taureau doit mourir dans l’arène, que nous-mêmes, qui nous trouvons sur les gradins, nous devons nous confronter à cette mort qui annonce et représente la nôtre, et que le matador doit risquer sa vie, sans métaphore, dans cette phase suprême qui est « le moment de la vérité ».
La mort du taureau doit être digne jusqu’à la fin. Mais celle-ci est essentielle encore une fois. Elle répond surtout à une exigence éthique : elle est le moment où le risque assumé par l’homme est à son plus haut degré. (…) (un ancien torero) : « L’estocade est la dernière retouche d’une œuvre d’art qui vient d’être achevée. C’est une fusion où l’un engage sa vie au prix de la vie de l’autre, un agrégat d’émotions qui se conjuguent, durant une seconde, dans l’espace ».
Et comme final de l’entretien, le toro qui demande lui-même l’estocade pour faire de sa vie une œuvre d’art. Zumbiehl ne nous épargne rien.
Zumbiehl cite le maestro Andrés Vazquez : « Je me suis trouvé là, quand on a tué un taureau brave dans un abattoir. Il mugissait, comme s’il voulait dire : ‘‘Non ! Je veux mourir dans une arène ; je ne veux pas mourir ici, dans cet endroit qui pue le sang !’’ C’était un animal humilié, maltraité, qui pensait qu’il n’était pas né pour ça. Il était né pour la lutte, et pour faire de sa vie une œuvre d’art. »
Il y a 3 ans, le 9 mars 2022 ; Mohamed K trouvait la mort dans la chute de la grue du chantier Bergeret à Bayonne Saint-Esprit. Les syndicats et le collectif de riverains ont tenu à lui rendre hommage en ce 3e anniversaire de l’accident, en même qu’aux nombreux morts au travail. Plusieurs dizaines de personnes ont participé à un rassemblement sur les lieux de l’accident. Une plaque provisoire a été posée sur le bâtiment en cours de finition.
Le gros œuvre est terminé, tant pour l’immeuble du COL (quai Bergeret) que celui de Domofrance (boulevard Alsace Lorraine). Les travaux se déroulent à l’intérieur. Les deux immeubles comprendront des logements vendus en « Bail Réel Solidaire ». Ce « solidaire » serait-il vide de sens ? Serait-il juste un rideau de fumée pour devenir plus facilement propriétaire ?
Invités par les organisateurs, la mairie, le COL et Domofrance ont gardé le silence. Ils n’ont pas jugé bon de répondre à la proposition d’une plaque provisoire. Mais les syndicats et le collectif de riverains ne lâcheront rien. Il n’est pas question de laisser s’effacer la mémoire de l’accident. Leur volonté est d’obtenir une plaque d’hommage à Mohamed sur la façade de l’immeuble avant son inauguration (en principe à la fin de l’année). C’est une pâque provisoire qui a été installée en attendant, visible de la rue.
Enfin, la justice prend son temps. Au bout de quelques mois, les expertises avaient nettement pointé la responsabilité de la société Lapix. L’enquête est ouverte, mais elle semble bien silencieuse. Là encore, avec la famille de Mohamed, on ne lâchera rien.
Plaque vue depuis l’autre côté du boulevard
Patrick Petitjean, 7 mars 2025
Ci-après, l’intervention faite au nom du collectif de riverains et des syndicats lors du rassemblement du vendredi 7 mars
Après demain dimanche 9 mars 2025, nous nous souviendrons de la mort de Mohamed Kichouhi dans la chute de la grue du chantier Lapix, il y a 3 ans le 9 mars 2022.
Nous avons décidé de lui rendre hommage aujourd’hui 7 mars et de réaffirmer notre soutien et notre solidarité avec sa compagne, ses 2 enfants et l’ensemble de sa famille.
Comme les années précédentes, cette commémoration a été organisée, en accord avec la famille, grâce à l’action concertée du Collectif d’habitants-es 22 Bergeret et des organisations syndicales, CGT Construction, FSU, LAB, Solidaires Pays Basque, tous et toutes mobilisé-s-es face au drame de la mort d’un ouvrier au travail.
Drame dont nous dénonçons la fréquence mais aussi la minimisation quand ce n’est pas l’effacement et l’impunité des responsables.
Chaque jour deux personnes meurent au travail en France. D’après le service européen de statistiques Eurostat, c’est l’Etat d’Europe qui a le plus mauvais bilan.
En 2024 au Pays Basque, 64 personnes ne sont pas rentrées vivantes du travail et depuis le début de l’année 2025, 9 ou 13 dans l’attente d’une réponse. personnes sont mortes au travail.
Les accidents et morts au travail sont nombreux mais souvent invisibles !
Nous devons nous rassembler et nous organiser pour faire entendre notre voix et celle de celles et ceux qui ont perdu leur vie au travail.
Le 9 mars 2022, la mort de Mohamed Kichouhi. a été un élément déclencheur pour nombre d’entre nous. Depuis le 9 mars 2022, nos 4 organisations syndicales (CGT construction 64, FSU, LAB et Solidaires) se réunissent régulièrement et ont construit un premier protocole d’action en cas d’accident du travail grave ou mortel.
Ce protocole a pour but de faire de la prévention en amont dans les entreprises mais aussi et surtout de réagir rapidement en cas d’accident du travail grave ou mortel.
Ce travail intersyndical a fait éco au-delà du Pays Basque. Nous sommes invité·es à participer aux assises de la santé et la sécurité des travailleur·euses à Paris les 25 et 26 mars prochain pour présenter notre protocole.
Au-delà de ces immeubles, at au-delà de l’hommage à Mohamed Kichouhi, c’est la mémoire de l’ensemble des victimes des accidents du travail mortels que nous voulons commémorer aujourd’hui.
Au-delà de la famille et des proches, la mort de Mohamed Kichouhi a heurté les consciences des professionnels et des habitants de ce quartier qui ont décidé de s’unir pour réagir.
Le 28 avril prochain, pour la Journée internationale de la santé et sécurité au travail, l’intersyndicale souhaite aussi organiser en Pays Basque un moment de présentation de notre protocole à l’ensemble des délégué·es qui le peuvent. Dès aujourd’hui, nous vous donnons rendez-vous le 28 avril prochain.
Vous le voyez, les travaux sont bien avancés. La nouvelle grue, installée le 8 janvier 2024, a été démontée la semaine dernière.
Et aujourd’hui nous sommes réuni-e-s devant la façade en béton d’un immeuble qui cache un autre immeuble côté Adour. Entre les deux, est prévu un petit « espace vert privatif hors sol » invisible du quai et du boulevard.
« Il faut bien avancer, loger les personnes, passer à autre chose » pouvons-nous entendre.
Une telle remarque fait fi de la douleur d’une famille qui a perdu un de ses membres et qui n’a toujours pas de réponse à la question : « pourquoi la grue est-elle tombée dès que Mohamed Kichouhi est arrivé sur la flèche pour vérifications ? ».
Car, si des éléments des enquêtes menées ont pu « fuiter », la justice ne s’est toujours pas prononcée sur les causes et les responsabilités.
Nous avons informé les autorités municipales et les maîtres d’ouvrage de l’organisation de cet hommage et de notre volonté que la mort de Mohamed Kichouhi ne soit pas effacée.
Ainsi, en accord avec la famille, nous allons accrocher, sur cette façade, une plaque en mémoire de Mohamed et déposer des fleurs.
Le Conseil municipal du 23 janvier a validé – sans aucun débat – la 18e modification du PLU de Bayonne. Le conseil communautaire a fait de même le 15 février. La M18 est consacrée pour l’essentiel au projet d’une démolition – reconstruction – extension d’une des plus anciennes cités populaires (inaugurée en 1960) de la ville. La substitution d’une cité populaire par un quartier tourné vers les classes moyennes nécessitait mieux que cette validation à la sauvette, sans débat public préalable.
L’opération se fait sous l’égide de HSA, bailleur social de la CAPB. La cité comportait 241 logements, tous locatifs, une douzaine de barres en R+4, 17 entrées au total, dont un serpentin avec les entrées 9 à 16.
Le serpentin : conservé en 2019 mais démoli quand même en 2023
Le projet Citadelle présenté en 2019
Des premières informations sur cette opération immobilière sont publiées fin 2019 dans la presse. La restructuration de la cité aurait été lancée dès 2015. Sur les 241 appartements locatifs existants, 153 devraient être reconstruits, et 88 rénovés (le serpentin).
Fresque au début du serpentin
Elle devait être financée (de l’ordre de 30% à 40%.) dans le cadre du contrat de ville par l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine), qui pilote usuellement ce genre d’opération : démolition, reconstruction, rénovation, chaque volet étant dans des proportions diverses. Avec deux caractéristiques : la restitution sur place des logements locatifs démolis, et des constructions supplémentaires pour une plus grande « mixité sociale ».
Le projet 2019 répondait globalement à ces critères, puisque le même nombre de logements locatifs était maintenu, et que s’y ajoutaient 79 autres en accession sociale. Le regroupement des écoles maternelle et élémentaire en un seul bloc scolaire libérait de la place pour les nouveaux logements.
Cependant, un critère de l’ANRU était absent : la consultationdes habitants sur l’opportunité de la démolition, y compris par un vote. Dans de nombreuses villes, les démolitions ont été contestées.
De même, l’ampleur de ce projet, et sa place dans la politique du logement, auraient mérité un débat au conseil municipal. Il n’a pas eu lieu.
La présence d’amiante et de plomb était avancée pour justifier les démolitions, le fait aussi que les appartements n’étaient plus aux normes : mais alors pourquoi seulement les 2/3 des bâtiments démolis et non la totalité ?
premières démolitions
Les premières démolitions ont lieu dès 2023, pour 5 barres. HSA organise depuis des « cafés rencontre» sur l’évolution du chantier et pour présenter l’opération aux locataires, notamment ceux devant être relogés (89) dans l’immédiat. Cette première phase de relogement débute en 2021, avec un suivi social des locataires.
(inter) En 2023, le projet change de nature
Cette fois-ci on démolit tout, et on double le nombre de logements. Enfin, non : il n’y a plus de « démolitions », mais des « déconstructions », communication oblige. On est écolo, on recycle.
La cité populaire, c’est fini. Place à un quartier qui fait entrer la citadelle dans « une nouvelle ère» (Lausséni Sangaré, directeur général de HSA dans Sud Ouest du 16.1.24). Ce nouveau « projet hors norme » a-t-il fait l’objet d’une présentation publique par la ville et d’un débat au conseil municipal ? Toujours pas.
Le financement ANRU a disparu : l’opération ne rentre plus dans ce cadre. Il n’y a plus de rénovation.
C’est à travers une page de publicité de HSA dans le journal Sud-Ouest le 7.12.23 que la nouvelle dimension de cette opération est annoncée : le nombre de logements monte à « environ » 500, dont des logements seniors et étudiants. Avec 2/3 de logements sociaux (accession sociale comprise). Si HSA affirme qu’à peu près 300 logements seront rendus en locatif, rien n’est dit sur la répartition entre locatifs familiaux et locatifs spécifiques (étudiant et seniors).
L’entretien de Lausséni Sangaré dans Sud Ouest met en avant la nécessité de repenser globalement le quartier et affirme emphatiquement tout le bien qu’il faut en attendre en ce qui concerne la qualité de vie. Le regroupement des écoles est confirmé. La densification aussi, avec des immeubles en R+5.
La cité, avant démolition
L’article oppose l’état présent, catastrophique, du quartier et l’avenir radieux dessiné par le projet.
Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage
Les justifications pour la démolition n’ont pas varié au long des évolutions du projet : amiante, plomb, manque de confort, absence d’ascenseur.
Comme le dit Lausséni Sangaré dans Sud Ouest du 16.1.24 : « Les 241 logements que compte « La Citadelle » ne répondent plus aux attentes d’accessibilité et de confort de vie dans notre parc de logements ». Il pointe le manque d’isolation phonique des appartements, un agencement « à l’ancienne » avec des couloirs desservant des pièces de petite taille, ainsi qu’un autre défaut majeur : l’accessibilité aux étages. « Il était impossible d’apporter une réponse à tout cela dans le cadre d’une réhabilitation classique ».
De plus, des fragilités structurelles auraient été descellées sur les bâtiments, particulièrement dégradés, en butte à des risques d’infiltrations.
A priori, comment ne pas être convaincu. Mais…
Pendant longtemps il a été question de ne pas démolir le serpentin. Quelle différence avec les autres bâtiments ?
Comment expliquer le cas de la cité du Polo-Beyris va être rénovée par HSA dans deux ou trois ans. Cette cité, inaugurée deux ans après la Citadelle, comporte aussi 241 logements, en R+4, sans ascenseur. 2 ans d’écart seulement entre les deux cités, cela laisse supposer les mêmes matériaux (avec plomb, amiante) et des conforts voisins.
Une expertise a certainement été conduite pour faire ce diagnostic : la Citadelle est impossible rénover. Elle n’a pas été rendue publique, et ne figure pas au dossier d’enquête.
L’avenir radieux de la Citadelle
Le projet est qualifié d’ambitieux et de vertueux pour l’environnement et les habitants. Au fil du dossier de l’enquête publique et de la communication d’HSA, on relève :
= densification de façon mesurée et qualitative,
= nouveau front urbain au niveau du carrefour entre l’avenue Grenet et de la rue Maubec, accroche architecturale et paysagère,
= diversité des publics par la mixité sociale (60% de logements sociaux minimum),
= qualité de vie dans les logements (bioclimatiques),
= préservation des arbres sains, replantations,
= libres circulations piétonnes dans les parcs autour des bâtiments
= percées visuelles entre les constructions,
= mise en valeur des lisières boisées de grande qualité,
= services et commerces de proximité,
= espaces publics apaisés et végétalisés.
On peut cependant remarquer aussi que le « vert » viendra principalement des espaces boisés de la citadelle militaire voisine… qui vont eux-mêmes subir un déboisement conséquent.
Décembre 2024, des chiffres enfin précis lors d’une réunion publique
Lors de l’enquête publique, en octobre 2024, j’avais demandé qu’une réunion publique soit organisée par la CAPB (en responsabilité du projet) pour une présentation à tous les habitants, au-delà des locataires de HSA. S’étant tourné vers HSA, le commissaire enquêteur en reçut un document ancien, supposé avoir été distribué aux locataires en 2022 : avec donc un projet qui avait été depuis complètement chamboulé. Bonjour le respect d’une enquête publique…
La tenue d’une réunion publique au cours de l’enquête fut donc refusée, au motif que HSA avait déjà fait toutes les communications nécessaires, notamment avec déjà 4 cafés « rencontre » entre septembre 2023 et septembre 2024.
Refusée, elle fut néanmoins organisée le 4 décembre 2024, après la fin de l’enquête, dans une salle de la MVC Saint-Etienne. L’annonce de cette réunion fit l’objet d’une publicité dans Sud Ouest et sur le site de la CAPB, une différence d’avec les annonces précédentes limitées aux locataires. Elle est présentée comme le 5e café rencontre. Etchegaray et Hirigoyen (président de HSA) y participent. La première partie est une présentation globale du projet, et une deuxième consacrée aux relogements.
De nouveaux chiffres, plus précis sont avancés pour la programmation : 81 PLAI (locatifs très sociaux), 107 PLUS (locatifs standards), 23 PLS familiaux (locatifs de qualité supérieure), soit un total de 211 logements locatifs sociaux ; 110 PLS étudiants ; 70 BRS (accession sociale) ; 184 en accession libre. Soit un total de 575 logements, dont 68% de sociaux, toutes catégories confondues. Pour les familles, entre l’ancienne et la nouvelle cité, on passe de 241 à 211 logements.
Les premières reconstructions auront lieu entre 2025 et 2028, mais le permis de construire n’a pas encore été déposé.
Le bilan social des premiers relogements a été présenté : peu d’anciens locataires reviendront. Il est reconnu que le niveau de loyer des futurs logements va fortement augmenter, leur interdisant d’y accéder. Un certain nombre a du émigrer vers le sud des Landes. Le meilleur accompagnement social ne peut effacer le traumatisme d’un déménagement forcé, pafois après des dizaines d’années dans un logement. Ces démolitions provoquent des ruptures de lien social.
Enquête publique et politique de peuplement
Certaines enquêtes publiques permettent de discuter du contenu d’un projet. Ce fut le cas de l’ouverture à l’urbanisation du Sequé 4, avec un avis négatif pour l’ouverture à l’urbanisation, injustement justifiée. Avis négatif sur lequel Etchegaray est passé outre.
Dans le cas de l’enquête publique en cause pour la Citadelle (la modification 18 du PLU), c’était d’emblée plus administratif : corriger le règlement du PLU (les hauteurs et les orientations d’aménagement notamment) sans nouvelle urbanisation. L’enquête publique ne portait donc pas sur un projet urbain, le remplacement d’une cité populaire par un ensemble immobilier majoritairement pour classes moyennes et supérieures. Le sujet « politique » aurait pu quand même être mis en débat lors de l’enquête. Mais le choix a été fait de se limiter à l’administratif.
Difficile alors d’être surpris de l’indifférence du public lors de l’enquête, ni de celle des conseillers municipaux ou communautaires lors du passsage en séance.
Derrière la communication officielle, la nouvelle Citadelle est une banale opération immobilière « à la Etchegaray » : un ensemble de logements où la prétendue mixité sociale est à sens unique, au profit des classes moyennes et supérieures. Où les services et commerces, l’existence d’une centralité, tout ce qui crée du lien social, est marginalisé, en dehors (pas toujours hélas) des écoles.
Cette banalisation se fait dans le cadre de la dite « charte de mixité sociale », un deal (engagement moral sans valeur juridique) conclu il y a deux ans entre Etchegaray et les promoteurs. Contre un accès facilité à du foncier public, les,promoteurs peuvent développer l’accès libre à la propriété sur (environ) 40% des logements, sous réserve qu’une petite partie soit « abordable » et de l’engagement des acheteurs d’en faire leur logement principal pendant 10 ans.
Le maire met en avant que la cohérence d’un tel ensemble immobilier vient du fait que le bailleur social, ici HSA, en est l’aménageur, et peut donc dicter ses conditions aux promoteurs. C’est aussi une source d’opacité : la vente des droits fonciers d’un bailleur vers un promoteur ne passe pas devant le conseil municipal, et n’est pas soumis aux mêmes règles que la cession du foncier de la ville vers un bailleur.
Cette photo (googlemap) date sans doute de plus de 10 ans. Les immeubles spéculatifs n’ont pas encore remplacés les maisons de la rue Maubec
Le fait de se tourner vers les classes moyennes et supérieures est une constante de la politique municipale depuis plusieurs années. C’est une politique de peuplement déjà à l’oeuvre dans le haut de la rue Maubec, à côté de la Citadelle, où sévissent Bouygues, Nexity, Fichet et Cogedim notamment. Comme pour la nouvelle Citadelle, un alibi écologique est avancé : ce sont des opérations le long d’une ligne structurante de transports, le T2. Dans ces opérations, le logement social n’existe pas. Le prix des terrains, donc des logements, est fortement en hausse, grâce au T2. La spéculation immobilière bat son plein. Alors, le logement social…
Pour la nouvelle Citadelle, les logements sociaux locatifs familiaux ont été en grande partie sauvegardés, mais la densification se fait au bénéfice exclusif de l’accession à la propriété. On reste dans une logique spéculative, même pour financer une reconstruction publique. Et on fait disparaître une cité populaire.
Entre la Citadelle et la rue Maubes Bouygues a remplacé 4 maisons. Immeuble achevé.A l’angle Maubec / Grenet, ce chalet sera démoli pour la nouvelle Citadelle
Le 11 février prochain 3 défenseurs de la terre nourricière seront jugés à Bayonne suite à une action collective de protestation lors du Conseil municipal de Cambo le 10 avril 2024, protestation face au refus du maire de Cambo de tout dialogue sur le dossier Marienia, ces terres agricoles qu’il veut urbaniser avec Bouygues. Un rassemblement de soutien est organisé à 13h devant le tribunal.
« Nous sommes tou.tes des défenseur.es de la terre nourricière»
Sur la lutte pour préserver les terres agricoles de Marienia, plusieurs billets ont déjà été publiés sur ce blog. Notamment à la suite d’une grande manifestation le 25 mai dernier.
Le CADE (collectif des associations de défense de l’environnement) et le syndicat agricole ELB notamment ont lancé un appel à se mobiliser pour le procès, reproduit ci dessous :
(…) Brutalement interpellés le 2 octobre 2024, pour deux d’entre eux, Felipe et Benjamin, chez eux à 6 heures à leur domicile, le troisième, Patxi, lors du rassemblement de protestation contre les arrestations du matin, ils ont été emmenés menottés à la gendarmerie et gardés à vue jusqu’au soir après comparution devant le procureur.
On les accuse d’avoir participé à cette action de protestation. On essaie également de leur faire porter le chapeau de prétendues violences à la fin de ladite action ainsi que de la dégradation du parquet de la salle municipale…
Cette action se situait dans le cadre d’une dynamique collective large, entamée depuis 2014, réunissant les agriculteur-trices et des personnes concerné.es par le sujet fondamental de la préservation des terres. Depuis dix ans, des associations, partis, syndicats, paysan-ne-s et habitant-e-s ont organisé de nombreuses initiatives pour protéger les terres de Marienia.
Rappelons ainsi que le 7 décembre dernier un rassemblement était organisé par les signataires de ce communiqué pour soutenir la démarche de dizaines d’élu.es de la Communauté Pays Basque pour l’obtention d’un débat public au sein du Conseil communautaire qui devra déboucher sur des solutions, pour Marienia mais aussi plus largement pour la préservation des terres agricoles.
Dans le contexte actuel de catastrophes écologiques – catastrophes dues au changement climatique, à la disparition de la biodiversité, etc – la lutte de Marienia est emblématique et fondamentale. Il est vital de stopper l’artificialisation des espaces naturels et de préserver les terres nourricières, outil de travail des paysan.nes, aussi bien pour l’alimentation de tou.tes que la préservation du vivant en général.
Le procès du 11 février prochain sera une étape importante dans ce combat. Plutôt que s’attaquer au problème de fond, les autorités choisissent de criminaliser les défenseur.es de la terre. Nous rappellerons que ce combat est collectif et au nom de l’intérêt général.
Le 11 février, c’est une mobilisation importante que nous devons réaliser. Nous faisons appel aux personnes, associations, partis à se mobiliser ce jour-là, pour signifier ensemble : « Nous sommes tou.tes des défenseur.es de la terre nourricière»
Cade, ELB, Lurzaindia, Nahi Dugun Herria, OSTIA
Criminalisation des mouvements écolos
Dans un contexte politique où, en Europe comme ailleurs, la droite et l’extrême-droite ont le vent en poupe, plus les effets du réchauffement climatique se font sentir, plus les mouvements écolos servent de boucs-émissaires. L’offensive est politique et juridique, contre les normes et le plan vert européen. Mais aussi policière, avec les procès à répétition contre les militant-es de « Bassines non merci ». Il n’est pas de région qui ne connaisse son procès contre des « écoterroristes ».
Mais cette répression n’a nulle part en Europe atteint un niveau aussi élevé qu’au Royaume Uni : 5 activistes de « Just Stop Oil » ont été condamnés à 4 ou 5 ans de prison ferme simplement pour avoir participer à une réunion zoom de préparation du blocage d’une autoroute en juillet 2024. Avec une dizaine d’autres activistes emprisonné.es, leurs appels contre ces jugements sont passés devant un tribunal les 29 et 30 janvier derniers. Résultat en attente.
Juste à côté de chez nous, en Navarre, dans la vallée du Baztan, les habitants luttent contre un projet spéculatif touristique avec golf, hôtel de luxe et plus de 200 villas. Une vallée de petits villages, d’un bourg et de terres agricoles, dont 40 ha seraient artificialisées. Lors d’un rférendum, les habitants ont massivement refusé le projet. En 2021, un campement avait bloque durant 13 jours l’ouverture des travaux. 7 activistes sont convoqué.es devant le tribunal de Pampelune en mai prochain.
Au total, 20 ans de prison et 56 000 euros d’amende sont requis pour “délits graves de violence et de coercition” et “d’appartenance à une organisation criminelle”.
Pour protester contre cette convocation une manifestation le 1er février a réuni 18 000 personnes, dont des délégations venant de ce côté du Pays basque.
Le 14 janvier 2024, la Korrika, course pour la promotion de la langue basque, traversait la Bidassoa apr le pont Santiago, entre Irun et Hendaye. 36 migrants s’y joignirent, entrant ainsi en territoire basque français, protégés par la foule. 7 personnes ont été accusées de les avoir aider et passeront en procès au tribunal de Bayonne le 28 janvier. Pour les soutenir, une manifestation est organisée le dimanche 26 janvier à 11h30 d’Irun à Hendaye, et un rassemblement le 28 à 13h devant le tribunal.
photo Mediabask – Guy Chauveau
Ce fut un événement joyeux, gai, fraternel, comme il se doit dans une Korrika
Les migrants qui ont traversé le pont Santiago le 14 mars 2024 n’avaient besoin de personnes pour passer la frontière. Ils auraient fait comme les autres, comme tous les jours, à pied. La police en aurait arrêté bon nombre, sur leur couleur, les aurait ramenés directement de l’autre côté de la frontière, sans se soucier des mineurs à protéger, de leurs droits, d’eux. Elle sait bien qu’ils ne rentreront pas chez eux et qu’ils finiront par passer ! Mais plusieurs arrestations d’un même migrant sont comptabilisées comme plusieurs migrants empêchés d’entrer, et il faut gonfler les chiffres.
7 personnes, sans doute repérées arbitrairement sur différentes vidéos, ont été placées en garde à vue le 2 octobre 2024, puis convoquées devant le tribunal le 28 janvier pour avoir aidé des migrants à passer la frontière.
Une campagne de solidarité « J’accuse » a été lancée le 20 novembre par des représentants d’organisations syndicales et politiques ainsi que des citoyens.
Il s’agit d’une campagne d’auto-accusation, pour avoir aider au passage de la frontière, en même temps que d’accusation des pouvoirs publics pour leur politique migratoire. Cette déclaration a été signée par plus d’un millier de personnes au 16 janvier.
20 novembre. Lancement de la campagne
« Il est bien connu qu’autour d’Irun et d’Hendaye, des centaines de bénévoles engagés organisent la solidarité et s’opposent aux politiques migratoires inhumaines. Ce sont des militants et des personnes engagées qui défendent et concentrent leurs efforts à sécuriser les parcours migratoires face au harcèlement des autorités politiques, de leurs lois et de la police », s’indignent les initiateurs de la campagne.
En parallèle, une pétition de solidarité est en cours de signature :
« J’accuse l’Europe forteresse et les pouvoirs politiques qui imposent une politique d’immigration répressive et meurtrière.
Les guerres, les famines, la surexploitation des ressources et de la force de travail, les dérèglements climatiques, tous ces maux causés par le système capitaliste, impérialiste et raciste poussent des milliers de personnes à fuir leur pays à la recherche d’une vie meilleure.
Au Pays Basque, les migrant.es sont confronté.es à des obstacles et des dangers des deux côtés de la Bidassoa : accès contrôlés par la police, arrestations, refoulements illégaux.
J’accuse les autorités et les lois responsables de cette politique raciste et injuste d’être la cause d’au moins 9 morts au Pays basque.
Euskal Herria veut continuer à être une terre d’accueil et pouvoir mener à bien des processus migratoires libres et sûrs .
Leur délit ? La SOLIDARITE.
Le 14 mars, jour où Korrika passait d’Irun à Hendaye, ils.elles ont couru aux côtés de 36 migrant.es qui ont pu franchir la frontière en toute sécurité ».
De même, 30 associations, syndicats, partis politiques ont en réponse lancé une campagne J’accuse les politiques migratoires. Elles ont déclaré avoir accompagné le passage de 36 migrant·es pour leur garantir une arrivée sécurisée jusqu’au centre d’accueil Pausa de Bayonne lors du passage de la frontière par la Korrika.