
Le conseil municipal de Bayonne le 8 février avait à son ordre du jour une délibération pour la clôture de la ZAC du Séqué (les tranches I et II du quartier). La discussion a dérivé sur l’avis défavorable de la commissaire enquêtrice concernant la tranche IV. En réponse, le maire a décrié tant la commissaire, que les habitants intervenus dans l’enquête, et l’intérêt même de ces enquêtes publiques.
Ce n’était qu’un point secondaire de ce conseil (principaux sujets : la langue basque et le budget), qui a duré plus de 6h30, programmé de plus en fin de séance, donc vers minuit. Sur le site de la ville, on peut revoir l’enregistrement vidéo du conseil. La séquence « Séqué » débute par la présentation de la délibération, à 5h 56’ 28’’. Suivent les interventions de Juliette Brocard (gauche socialiste) à 5h 57’ 30’’ et de Mixel Esteban (EELV) à 6h 1’ 20’’. Les réponses du maire sont de 6h 4’ à 6h 6’ 12’’.
La ZAC
Un mot pour commencer sur la clôture de la ZAC. L’aménagement avait été concédé en août 2006 à une SEM (société d’économie mixte) départementale, la SEPA (société d’équipement des pays de l’Adour). La ZAC couvre les secteurs I et II, labellisés par la suite ecoquartier. Pour le secteur III, c’est HSA (Habitat Sud Atlantique), le bailleur social de la CAPB, qui est l’aménageur. HSA est pressenti aussi pour le secteur IV, actuellement en dans l’incertitude.

Selon la SEPA, la ZAC a produit 609 logements, 98 lits en EHPAD, 800 m² de locaux d’activités et commerces. S’y ajoutent les aménagements paysagers, les voiries, les viabilisations et infrastructures, la construction d’une maison de quartier (à partir du bâtiment de la ferme Loustaouanou. La transformation en véritable rue du chemin de Loustaouanou le long du secteur II, en retard, doit se faire avant l’été prochain. Après des rétrocessions diverses d’assiettes foncières, la ZAC est clôturée avec un solde positif de 238 000 euros, répartis entre la ville (60%) et la SEPA (40%).
Le Séqué III fait l’objet d’une enquête publique en 2019 et le foncier a été vendu à HSA en octobre 2021, pour 179 logements, dont 35% de sociaux. Il n’est pas encore sorti de terre. Le Séqué IV, dont l’enquête publique a débouché début janvier sur un avis défavorable, devait comporter 260 logements, dont 30% de locatif et 15 % de BRS. Au total donc, plus de 1000 logements pour le Séqué.
Les interventions de Juliette Brocard et Mixel Esteban
Juliette Brocard a repris les critiques régulières, émises par des habitants, ou par elle-même lors d’autres conseils où le Séqué avait été discuté (notamment lors de la vente du Séqué III à HSA en 2021) : les espaces publics, la desserte en bus, l’absence de commerces, l’absence d’école, l’insuffisance de logements sociaux, la non prise en compte des demandes des habitants, etc. En élargissant au final sur la manière peu démocratique dont la ville répond en général aux habitants.
Lors du même conseil, bien plus tôt, une délibération avait validé les résultats de l’enquête publique pour l’extension du centre d’oncologie au Nord de Bayonne. Elle s’était déroulée aux mêmes dates que celle du Séqué IV, et s’était conclue par l’avis favorable du commissaire enquêteur. L’oncologie était au menu du conseil, mais pas le Séqué IV.

Cette différence de traitement était une opportunité, dont Mixel Esteban s’est saisi, pour informer ses collègues de l’avis défavorable de la commissaire (certains comme Mme Brocard ne semblaient pas l’être), et d’interpeller le maire sur les suites qu’il entendait donner à cette situation.
Il a aussi rappelé l’importance de l’artificialisation à Bayonne : 50 ha consommés entre 2011 et 2021, selon le Cerema et le portail de l’artificialisation, ce qui situerait Bayonne en zone rouge des communes artificialisantes. Pour tout le Séqué, ce sont 22 ha au total, avec une partie engagée avant 2011.
Les réponses du maire à Juliette Brocard : faire quartier
Le maire a répondu à Juliette Brocard qu’il avait rencontré des habitants du Séqué à plusieurs reprises l’année dernière, et que la plupart n’avait pas le même ressenti négatif. Il a confirmé que la rue Loustaouanou serait terminée cet été le long de Séqué II. Il considère que la maison de quartier est un équipement public suffisant. Il a entendu la demande des habitants d’une moyenne surface alimentaire, type carrefour market. C’est dans les cartons de HSA, pour le Séqué III, mais il manque des habitants pour que cela soit viable économiquement.

Son argumentation sur l’insuffisante déserte du quartier par les bus, sur l’absence de commerces, sur le manque d’équipements public comme une école, reflète une stratégie urbaine, une « pensée de l’aménagement», archaïques et que l’on sait vouées à l’échec : il faudrait d’abord des habitants en nombre suffisant pour que les bus viennent que les commerces s’installent et que les équipements publics soient davantage présents. C’est un peu le paradoxe de la poule et des œufs. Vous habitez depuis 5 ou 10 ans dans ce quartier. Les transports publiques sont déficients ? Vous prenez l’habitude de vous déplacer en voiture, et vous en avez deux par famille. Il n’y a pas de commerces ? Vous prenez l’habitude d’aller (en voiture) dans la grande surface voisine ou au centre ville. Il y a des équipements publics très insuffisants ? Vous conduisez vos enfants dans des établissements scolaire tous loin de votre logement, vous recherchez ailleurs des lieux culturels. Et ces habitudes prises pendant des années, vous n’en changerez pas facilement, et si tout ce qui « fait quartier » finit pas arriver, cela vivra mal.
Les réponses du maire à Mixel Esteban sur l’enquête publique : le déni
Le maire a récusé les chiffres d’artificialisation et demandé ses sources à l’élu écologiste, et contrairement à ses services qui les avaient confirmés, ainsi que leur source (le portail national d’artificialisation des sols) dans leur réponse à la commissaire, tout en indiquant que ce n’était pas contradictoire avec la trajectoire demandée par l’État. Cette réponse avait sans doute échappé au maire.
Brandissant dans sa main le rapport d’enquête, le maire a affirmé que l’avis n’était pas fondé, avant de rectifier : fondé mais pas motivé. Il a réduit l’avis défavorable à un seul motif : il n’y aurait pas une telle urgence pour construire de nouveaux logements. Alors que d’autres opérations sont aussi bloquées.
Ce qui est plus que caricatural. Les conclusions de la commissaire insistent sur le « ici et maintenant » : ici, en artificialisant 4,5 ha. Maintenant, alors que le PLUi est en élaboration et le Séqué III pas sorti de terre. Et résumer en une formule lapidaire les échanges d’arguments entre la commissaire et les services de la CAPB, qui occupent plusieurs pages du rapport n’est pas très honnête : il ne suffit pas de le brandir pour convaincre de l’avoir lu…
Après la commissaire, le maire s’est attaqué aux habitants qui avaient donné leur avis sur le registre d’enquête. Pour lui, il y a eu peu de contributions (ce qui est le cas le plus souvent : 3 pour le pôle d’oncologie), de plus la plupart anonymes (ce qui est largement faux : l’adresse mail est indispensable pour publier un commentaire sur le registre, et le nom est anonymisé sur ce qui apparaît publiquement). Beaucoup ont répété ce que d’autres avaient dit (ce qui est à la fois vrai sur la forme, mais cache le fait que les mêmes critiques sont récurrentes depuis des années sur le Séqué).
Selon le maire, les avis sont le fait de personnes qui ne connaissent pas le quartier, et qui n’ont qu’un discours idéologique fait de stéréotypes, qui donnent l’impression de penser à la place des élus qui sont seuls légitimes. Il récuse l’idée qu’il s’agit d’un espace naturel, puisque ce secteur est classé depuis 30 ans au PLU comme devant accueillir des activités. C’est une confusion constante des élus entre la réalité physique d’une parcelle végétalisée et son classement sur le papier des documents administratifs. Contre-vérité volontaire ou auto-intoxication ?
Pour conclure, fataliste, le maire regrette ce que les enquêtes publiques seraient devenues aujourd’hui. Il annonce « on reviendra là-dessus, et on s’expliquera ». Et les services de la CAPB ont réfléchi au moyen de poursuivre l’opération.
Caricaturer le rapport de la commissaire enquêtrice, s’en prendre aux habitants qui ont fait œuvre de citoyenneté en donnant leur avis, regretter même l’existence des enquêtes publiques, le maire semble loin d’accepter le débat démocratique sur ses projets.
Patrick Petitjean, 11 février 2024
