Bayonne, quai de Lesseps. Vers la ré-ouverture frileuse de 3 immeubles début 2026

Le projet « Rive Droite de l’Adour » est en cours de réactivation. L’agence Güller, avait présenté deux versions d’un « plan guide » à finaliser. Il aurait du être discuté au conseil communautaire l’automne dernier. Depuis, c’est le silence. Il n’y a pas urgence, c’est un projet de long terme, nous dit-on. Mais cela bouge du côté du quai de Lesseps. Des travaux ont été lancés dans 3 immeubles il y a quelques semaines. L’« urbanisme transitoire » montre enfin son nez à l’horizon 20226. Faisons le point, même si la mairie reste silencieuse à ce propos.

Qui possède encore le foncier dans le périmètre du grand projet Rive Droite de l’Adour

Tout d’abord, l’agglo reprend la main sur le quai de Lesseps, dont l’EPFL était propriétaire.

Son Conseil d’Administration, le 24.10.24, a décidé de la rétrocession à la CAPB de l’ensemble des immeubles du quai de Lesseps, acquis au fil des années, depuis 2009 pour le compte de Bayonne ou de l’agglo. Ce portage foncier était en principe limité à 15 ans. Cette rétrocession était nécessaire, le délai étant écoulé. Elle permet aussi à l’agglo de prendre complètement la main.

Les services des domaines ont évalué la valeur des immeubles. Compte tenu des frais de portage déjà payés, et de tout ce qui se rapporte à la gestion par l’EPFL, il restera 242 000 euros à rembourser par la CAPB. Dans cette opération, la CAPB prendra à sa charge les diagnostics techniques et les audits énergétiques.

La CAPB récupère donc, entre autres, la pleine propriété des 9-10 quai de Lesseps (acquis en 2009), du 10 bis (acquis en 2010) et du 14 (acquis en 2011). Les opérations d’urbanisme transitoires vont se faire dans ces trois immeubles. S’ils sont identifiables avec les photos, leur numérotation administrative reste fluctuante. Le 14 est parfois indiqué comme le 11 bis. Le 10 bis est l’immeuble parfois appelé « flamand ». Le 9-10 est l’immeuble qui fut occupé par Maurizia, numéroté 9 bis, qui traverse jusqu’au 16 rue Sainte Ursule.

Le droit d’accès aux documents administratifs

Les marchés signés par le président de l’agglo font partie des documents communicables. A chaque conseil communautaire, il doit légalement communiquer la liste de ces marchés. Un travail de veille permet de repérer ceux qui concernent le projet « Rive Droite de l’Adour ». Les rapports produits sont aussi communicables s’ils ont donné lieu à des décisions.

Les services de l’agglo sont « nickel » pour appliquer la loi et communiquer les documents demandés, ce qui n’est pas, par ailleurs, le cas du service d’urbanisme de la ville de Bayonne (voir mon billet « petites cachotteries » du 28.1.25).

Les marchés pour ce projet concernent aussi l’urbanisme (agence Güller) ou différentes opérations de concertation / communication. Ce billet est basé sur les marchés sur l’urbanisme transitoire quai de Lesseps.

La CAPB a choisi l’agence Plateau urbain, spécialiste de l’urbanisme transitoire et connue pour l’opération « Grands Voisins » à Paris 14e, pour étudier la faisabilité d’une telle opération quai de Lesseps. J’avais publié un billet sur Plateau urbain le 25.6.23 ; on peut le retrouver sur le site du piment.fr

Le 1er marché, sur bon de commande, signé le 9.5.22 portait sur la « définition d’un projet d’occupation temporaire sur le site de Rive Droite de l’Adour », pour 26 580 euros TTC.

Le 2e marché, toujours sur bon de commande, signé le 16.5.23, s’intitulait « étude de faisabilité de l’occupation transitoire quai de Lesseps », pour 25 740 euros TTC. Il comportait deux volets : la faisabilité de 3 immeubles de logements et celle d’une occupation de l’ancienne biscuiterie, au 17 quai de Lesseps.

En même temps que le cahier des charges de ce 2e marché, j’avais demandé communication des résultats de la 1ère étude, achevée puisque la CAPB en commandait une 2e. Ce fut refusé, au prétexte que les décisions consécutives à ce premier travail n’étaient pas prises. Ce qui est effectivement un motif accepté par la CADA (commission nationale d’accès aux documents administratifs).

En octobre 2023, les choses se précisent. Une consultation est lancée sur l’état des lieux et les plans intérieurs pour 5 bâtiments : les 17, 14, 10b, 9b et 16 (Sainte Ursule) : « Afin d’amorcer la transformation du secteur et apporter de nouveaux services aux Bayonnais, la CAPB souhaite rouvrir certains bâtiments du quai de Lesseps pour y accueillir des occupants, de manière provisoire, le temps de la mise en oeuvre du projet. Afin d’étudier les conditions de faisabilités de ces occupations provisoires, la CAPB doit faire établir les plans d’intérieurs des 5 bâtimentsd’ores et déjà identifiés pour ce projet », pouvait-on y lire. L’entreprise ECR a été choisie après appel d’offres pour ce marché.

Cette consultation avait fait l’objet d’un billet de blog le 3.11.24 : « rendez-nous Maurizia ».

Enfin, trois marchés de maîtrise d’oeuvre sont conclus avec Soliha, le 25.10.24, un pour chacun des bâtiments (le 11b, le 14 et le 9b/16), pour un total de 85 639 euros TTC. Le 17, la biscuiterie, n’est pas retenue.

Arguant de ce nouveau marché, j’ai redemandé communication du 1er travail de Plateau urbain, puisque décision avait été prise : il m’a, cette fois, été communiqué. Le 2e rapport, dont Soliha est chargé de la mise en application, figure, en partie, dans le cahier des charges de ce marché. Manquent quelques pages de conclusion, et une éventuelle justification plus précise de la mise à l’écart de la biscuiterie.

Le premier rapport de Plateau urbain (29.11.22)

Il s’intitule « rapport d’interpellation stratégique », ce qui traduit bien son ambition. Il fait 104 pages. De fait, il embrasse plusieurs lieux qui seront inclus dans le futur aménagement : les bâtiments existants quai de Lesseps, les berges de l’Adour, la friche Duprat, la Pièce noyée. L’idée aussi d’un pôle culturel vers le pont Saint-Esprit.

Plateau urbain a travaillé pour un urbanisme transitoire à l’échelon d’un quartier de ville, même si, au final, on le verra, la ville a réduit cette ambition à peu de chose.

Plateau urbain présente ainsi sa démarche :

1. Des occupations/interventions de préfiguration et d’expérimentation

> S’éloigner de la logique “occuper pour occuper”

> Tester des programmes/projets/activités qui pourront nourrir le projet pérenne

> Préfigurer la vocation future du quartier et ses usages

2. Des occupations au service du projet pérenne

> Possibilité de penser des occupations/interventions qui n’ont pas vocation à tester une occupation pérenne mais qui servent directement le projet (type Maison du Projet)

Les proposisions sont présentées à partir de diagnostics d’acteurs, détaillés, avec une synthèse p.18. Plateau urbain dit avoir rencontré tous types d’acteurs, même si leurs noms ne sont pas donnés ; juste : comité de pilotage, occupants actuels, contributeurs et possibles futurs occupants, opérateurs, associations locales.

Plateau urbain rappelle les multiples raisons pour ce type d’urbanisme, et la nécessité d’avoir une stratégie transitoire.

4 axes sont proposés

Axe 1. Un quartier ouvert sur l’Adour par la reconquête de la rive Nord de l’Adour

Axe 2. Un quartier créatif impulsé par une centralité culturelle en tête du pont Saint-Esprit

Axe 3. Un quartier solidaire en élargissant le champs des actions proposées

Axe 4. Un centre ville élargi grâce à l’activation des lieux autour du Pont Grenet. une occupation temporaire de Duprat

L’axe 3 est un projet phare : amplifier la vocation solidaire du quartier en élargissant les publics cibles (étudiants, saisonniers, familles), avec comme exemple ce qui avait été fait aux Grands Voisins.

En conclusion du rapport, Plateau urbain présente un projet en 3 temps :

Ce 1er rapport débouchait donc sur un projet global, qui ne se limitait pas au quai de Lesseps, et se situait dans la perspective d’une transition longue, à la mesure des incertitudes persistantes sur le foncier et de son horizon à 15 ou 20 ans. Pour Plateau urbain, le provisoire et la transition sont deux perspectives distinctes, voire opposées. La ville ne semble pas saisir cette différence.

Autant dire que ce rapport n’avait pas de débouché opérationnel immédiat. Il a permis à la ville de faire ses choix, très restrictifs, et de commander, sur cette base, à Plateau urbain un 2e rapport, tourné vers l’opérationnel.

La commande faite à Soliha

Le 2e rapport de Plateau urbain a été remis le 20/12/23. Il comporte une première partie générale, commune aux 3 immeubles étudiés, puis une partie pour chacun d’entre eux.

La partie générale du 2e rapport de Plateau Urbain

17 quai Lesseps. La biscuiterie, dite aussi la Manutention, écartée d’une occupation provisoire

C’est dans cette partie, p.8, que l’on apprend que la biscuiterie (le 17) est écartée, s’agissant d’un « local non occupable dans la configuration actuelle », sans plus de raison.

On peut y lire aussi, sur cette même page (colonne de droite), une référence à Maurizia comme un potentiel gestionnaire d’un des trois espaces publics envisagés dans les espaces étudiés. Référence qui peut paraître surprenante, car il s’agit de l’association qui avait occupé durant quelques jours le bâtiment 9b/16, avant d’être expulsée par l’EPFL au nom de la ville. Cette occupation avait donné lieu à des billets sur ce blog le 30.5.23 et le 3.6.23.

Se référer à Maurizia est, de fait, cohérent avec l’esprit initial de Plateau urbain aux Grands voisins, et avec le projet de Maurizia pour une transition, mais n’a pas du être du goût de la ville.

occupation du 16 rue Sainte Ursule par le collectif Maurizia

5 ans maxi, après livraison début 2026

Pour les trois bâtiments, une même philosophie générale est affirmée dans les cahiers de charge pour Soliha :

« Dans le cas présent, on entend par « transitoire », l’occupation d’un espace vacant qui se fait, dans un temps limité, en amont de la mise en oeuvre d’un projet d’aménagement ou immobilier programmé, sans avoir d’impact durable sur le lieu et son nouvel usage.

Les travaux qui seront menés sont donc les travaux de réhabilitation minimaux permettant l’utilisation des locaux dans le respect des normes en vigueur et dans un niveau de confort minimum selon l’usage donné.

A l’échelle du projet, cette occupation transitoire est envisagée pour une durée de 5 ans environ ».

Puis, des études très techniques sur l’organisation interne pour chacun des bâtiments

Le 10 bis. proposition Plateau urbain et commande faite à Soliha

Le 10 bis
La plaque du 10 bis

« Il s’agit d’un projet d’aménagement transitoire d’un bâtiment situé au 10 bis, quai de Lesseps (aussi appelé « Briques et pierres ») à Bayonne (64).

Le but de cette opération est d’aménager le rez-de-chaussée et les étages de ce bâtiment afin de permettre l’accueil transitoire des entités suivantes :

= un lieu ouvert au public de 350 m2 environ (dont 250 m2 de cour) au rez-de-chaussée de ce bâtiment.

= des espaces de travail (individuels et collectifs) à destination de la Scène Nationale Sud-Aquitain dans les étages, pour une surface de plancher de 250 m2 environ ».

Le 14 (ou 11bis) proposition Plateau urbain et commande faite à Soliha

Le 11 bis ou 14

« Il s’agit d’un projet d’aménagement transitoire d’un bâtiment situé au 11 et 11 bis quai de Lesseps à Bayonne (64).

Le but de cette opération est d’aménager le rez-de-chaussée et les étages de ce bâtiment afin de permettre l’accueil transitoire des entités suivantes :

= un local destiné à l’accueil du public de 110 m2 de surface plancher environ se développant au rez-de-chaussée.

= 3 logements partagés à destination d’étudiants, comprenant pour chaque logement des chambres étudiantes privatives et des espaces communs (cuisine, WC et salle de bain) pour une surface de plancher de 281 m2 environ ».

Le 9b/16. proposition Plateau urbain et commande faite à Soliha

Le 9 bis

« Il s’agit d’un projet d’aménagement transitoire d’un lot de 2 bâtiments situés au 9 bis quai de Lesseps et 16 rue Sainte-Ursule à Bayonne (64).

Le but de cette opération est d’aménager le rez-de-chaussée et les étages de ces deux bâtiments afin de permettre l’accueil transitoire des entités suivantes :

= un local dédié à une activité de réemploi de matériaux ou d’équipements (en lien avec l’économie circulaire) de 420 m2 de surface plancher environ se développant au rez-de-chaussée des 2 bâtiments

= 6 logements partagés à destination d’étudiants, comprenant pour chaque logement des chambres étudiantes privatives et des espaces communs (cuisine, WC et salle de bain) pour une surface de plancher de 580 m2 environ ».

Au final, tout ça pour ça

L’utilisation des 3 bâtiments consistera donc principalement en des logements étudiants, en conformité avec une orientation générale du projet, mais avec confort minimum, donc vraiment dans le provisoire. On y trouvera aussi des locaux pour la Scène nationale du Sud Aquitain,. En rez-de-chaussée, il y aura un lieu pour une association de réemploi de matériaux (le genre de local promis à Patxa’Ma depuis longtemps), un grand espace ouvert au public et un local modeste destiné à l’accueil du public.

Faut-il espérer une bonne surprise dans l’animation de ce grand espace ? Avec un appel à projets ? Et pas seulement une attribution « de gré gré » comme trop souvent sur cette ville.

Ouvre l’ambition générale devenue très modeste, ce qui manque le plus dans ce projet d’occupation provisoire, c’est la vocation sociale, souvent revendquée par les habitants dans les ateliers de concertation, et proposée dans le rapport initial de Plateau urbain. La mixité des lieux, avec un accueil de publics spécifiques a disparu. Pas d’hébergements, sauf pour les étudiants. Cette mixité était pourtant portée fortement dans les Grands voisins, première réalisation de Plateau urbain.

Ici, la ville n’a pas suivi. Faute d’ambition, d’imagination, de créativité, ou de moyens financiers à y consacrer, elle a joué petit bras. Elle a choisi le provisoire plutôt que le transitoire.

Des bâtiments, restés vides depuis près de 15 ans en pleine crise du logement, vont enfin être occupés par des étudiants. Supr. Mais il n’y a pas de quoi se vanter.

Patrick Petitjean, 20 avril 2025

3 commentaires sur “Bayonne, quai de Lesseps. Vers la ré-ouverture frileuse de 3 immeubles début 2026

Laisser un commentaire