Bayonne. Clinique Amade : extension (S?)

capture d’écran du document de présentation

Le projet d’extension de la clinique Amade fait l’objet d’une concertation préalable destinée à préparer une enquête publique pour la « mise en conformité » du PLU. Comme souvent, l’invocation de l’intérêt général n’est guère argumenté. La création d’une vaste zone constructible semble de plus surdimensionnée au regard de la simple reconstruction proposée pour un bâtiment.

La consultation se termine le jeudi 4 janvier. Le dossier est consultable ici : https://www.registre-dematerialise.fr/5025/

On peut y contribuer jusqu’à 18h via ce registre dématérialisé. La CAPB n’a pas organisé de réunion publique. Le dossier restera consultable sur le site de la CAPB.

Située sur les hauteurs du quartier Saint Bernard, accessible par le chemin d’Amade depuis le chemin de Laharie, la clinique Amade est un établissement dédié à la santé mentale.

Elle est implantée sur un terrain de 3,2 ha, en très grande partie arboré, avec 3 bâtiments et des parkings. Ce terrain est entièrement en zone naturelle (N), malgré les bâtiments. Une partie est indiquée au PLU comme Espace Boisé Classé (EBC).

capture d’écran de la présentation. Le site de la clinique est dans le cadre violet

Une extension peut en cacher de futures autres

La modification proposées du PLU consiste à délimiter une zone constructible sur une partie de ce qui était une zone naturelle. Le projet est intitulé « extension de la clinique Amade ». Qu’en est-il réellement ?

Le bâtiment A est une extension de l’ancien château d’Amade. Le projet proposé ne prévoit d’intervenir ni sur le bâtiment A, ni sur le bâtiment C, il y a seulement une opération de démolition/reconstruction pour le bâtiment B.

La création d’une zone constructible (UE) sur une partie de la zone N permet de tenir compte de l’existant (les parkings et des 3 bâtiments), qui étaient resté inclus dans la zone N. Elle permet aussi de prendre en compte l’extension du nouveau bâtiment B, je cite : « Le projet prévoit une augmentation totale de l’emprise au sol d’environ 150 m² et de 380 m² de surfaces imperméabilisées. » C’est heureusement très peu. Et s’agissant d’une reconstruction, cela semble convaincant.

Mais la zone UE proposée fait en réalité 1,3 ha, soit près de 40 % de la zone N actuelle. Il est indiqué dans la présentation que cette zone constructible a été dessinée « au plus près des bâtiments existants ». 1,3 ha, c’est beaucoup et ce n’est pas « au plus près ». Si l’on regarde la carte p.33 du rapport de présentation du projet, la zone UE semble tout-à-fait surdimensionnée, pour une simple reconstruction du bâtiment B.

capture d’écran. La future zone UE

S’agit-il alors de rendre constructible une zone plus étendue pour d’éventuels nouveaux bâtiments ?

En contrepartie de l’amputation de la zone N, il est aussi proposé d’étendre la superficie des EBC. Cela n’a aucune conséquence pratique, du moins immédiate. Simple affichage ? Ou précaution vis-à-vis de futures extensions ?

Tout est en place pour de futures extensions

La partie proprement environnementale du dossier (pp. 16-18 et 27-30 du rapport de présentation) porte sur une zone UE de cette taille, en bonne cohérence, bien sûr, avec le zonage proposé. Elle prépare de nouvelles constructions dans la zone UE ainsi dimensionnée.

Deux autres développements du dossier vont dans le même sens : l’accent mis sur le dynamisme de la clinique, et l’appui sur les orientations d’un PADD obsolète

Voilà ce que dit le rapport de présentation du développement de la clinique :

« L’établissement connaît un fort développement depuis les années 2017-2018, aussi bien en termes de ressources que d’activité. L’établissement est passé de 45 à près d’une soixantaine de collaborateurs : des compétences spécifiques ont été recrutées (psychiatres, psychologues, neuropsychologues, collaborateurs paramédicaux), les effectifs soignants ont été augmentés (infirmiers & aides-soignants).

Ce dynamisme se traduit désormais par une saturation des capacités en hospitalisation complète et également de la structure d’hospitalisation à temps partiel (accueil de près de 50 patients quotidiennement sur l’hôpital de jour Hegaldia Bayonne, en accroissement constant).

Pour garantir la réactivité de la structure, la pertinence et la qualité de ses prises en soins, il est nécessaire de pouvoir accueillir l’ensemble des usagers (patients, familles & aidants, partenaires, collaborateurs…) dans les meilleures conditions possibles et d’étendre les locaux existants. »

L’extension présentée est une réponse à des « besoins urgents » : dédoublement de chambres doubles pour un meilleur accueil ; des chambres pour un médecin et un aide-soignant ; des places de stationnement supplémentaires ; nouvelles salles de réunions, de sport, thérapeutiques ; bureau administratifs. La reconstruction proposée du bâtiment B, et la surélévation du passage entre les bâtiments A et B suffisent à satisfaire ces besoins urgents.

Une dynamique ne doit pas s’arrêter: « Du fait de la conjoncture actuelle (hausse et vieillissement de la population locale, augmentation et déstigmatisation des troubles de la santé mentale), et du dynamisme de la clinique d’Amade, cette clinique connaît un fort développement depuis plusieurs années. (…) Dans un contexte d’augmentation et de vieillissement de la population au niveau national comme local, le développement de l’offre de soins apparaît comme indispensable et présente un caractère d’intérêt général ».

Un Plan d’Aménagement et de Développement Durables obsolète mis en avant

L’argumentaire s’appuie sur le PADD « opposable », à savoir celui de 2007. Il est complètement obsolète et avait fait l’objet d’une réécriture en 2016. A cette occasion, il avait déjà été reconnu comme dépassé par le maire lors du débat de novembre 2016 au Conseil municipal.

Le processus de refonte du PLU en PLUi (i pour intercommunal) avait été suspendu, et une nouvelle version du PADD est attendue pour ce printemps 2024.

En jeu notamment, dans cette réécriture, les contraintes de non-artificialisation et les perspectives stratégiques, à savoir le rééquilibrage du Pays basque vers l’intérieur (emploi, logement, mobilités) à rebours du laisser faire, qui déboucherait sur une centralité accrue de Bayonne et du BAB. Une métropolisation que remet en cause le Conseil de Développement du Pays basque.

La référence au PADD dans le dossier fait sienne ces orientations « à l’ancienne » et s’accroche à une dynamique de métropolisation : « Le Projet d’Aménagement et de Développement Durables (PADD) du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la commune de Bayonne actuellement opposable intègre, dans son axe 1, l’objectif d’affirmer une politique active en matière de grands équipements, notamment l’accueil d’équipements majeurs de santé ». Avec citation de cet extrait du PADD : « le positionnement et la fonction indéniable de centralité d’agglomération de Bayonne lui confèrent un rôle de premier plan pour l’accueil à long terme d’équipements structurants d’agglomération ».

Intérêt général ?

Deux autres points auraient mérité d’être développés dans le dossier puisqu’il est question de son intérêt général.

1- La question de la santé mentale au Pays basque. Le dossier fait référence à plusieurs partenariats de la clinique. Il évoque au passage le plan santé sud-aquitain 2018-2028. Quelle place spécifique pour la clinique Amade au milieu des cliniques pour la santé mentale dans ce plan ? A court, moyen et long terme ? Les besoins de la population locale sont invoqués, sans plus de précision, justifiant le développement d’une offre de soins spécialisée.

La clinique Amade se dit bien placée : « l’établissement a reçu une labellisation « psychiatrie du sujet âgé » par l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine. Devant une demande toujours plus forte, l’extension de la clinique permettrait d’accueillir davantage de personnes âgées, et dans de meilleures conditions et ainsi limiter les situations complexes dues à l’isolement, la dépendance, etc ».

2- La clinique Amade se présente comme un établissement familial, avec trois générations de gestionnaires. Une clinique privée donc. Quel est son modèle économique, sa rentabilité ? Quelle place du financement public, puisqu’il est indiqué que la Ville de Bayonne et la CAPB accompagnent le projet ?

On ne peut que souhaiter que le dossier soit complété quand viendra l’enquête publique dans quelques mois. Et qu’une réunion publique soit, cette fois, organisée. Cela serait de plus l’occasion d’entendre le point de vue du personnel de la clinique et des patients.

Patrick Petitjean, 3 janvier 2024

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