
(la salle de concertation)
Enquête, réunion publique, et ensuite ?
Annoncé lors d’une conférence presse le 25 avril dernier par Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la CAPB, le grand projet « Rive Droite de l’Adour » (RDA) semble à la peine, du moins dans sa partie publique. Les annonces (« un vaste processus de démocratie participative », « plusieurs ateliers participatifs d’ici l’été ») sont restées au stade de la communication.
En premier lieu, on a eu droit à une enquête pleine de couacs sur les « attentes » des habitants ; puis une réunion publique, à vocation confuse le 25 mai. Sans oublier, en simultané, l’occupation du 16 rue Saint Ursule (un immeuble vide situé au coeur du périmètre du projet) par le groupe Maurizia qui a mis le président-maire devant ses contradictions (il voulait de l’urbanisme transitoire, en voilà). Dur…

(périmètre du projet RDA)
Le projet RDA était né il y a 15 ans pour aménager le quartier en vue de la future gare TGV, puis mis en sommeil (faute de perspectives pour la LGV), avec toutefois la poursuite des acquisitions foncières par l’EPFL. Mais il n’a pas été abandonné. Son retour public le 25 avril a été précédé par la passation de marchés, notamment avec une agence d’urbanisme, Güller & Güller, il y a plus d’un an. Les 4 groupes, bénéficiaires des marchés, ont commencé à travailler il y a plus de 6 mois. Mais « la page est blanche » a fanfaronné le président-maire le 25 avril.
L’enquête « attentes » initiale
Elle a été victime, au démarrage, de nombreux couacs ou bugs, c’est selon : annoncée pour 2 jours, les 26 et 27 avril, sur le site, elle a été étendue jusqu’au 11 mai, a inclus la possibilité d’une réponse papier, et a fait l’objet d’une communication par affichette dans le quartier Saint-Esprit les derniers jours.
Plus bizarre : dans la version initiale, elle portait sur les usages du lieu, sa fréquentation (combien de fois, quels jours, avec qui, pour quoi faire, etc) et sur la perception du site (quels aspects sont appréciés). Avec, à la fin, une seule question ouverte « quels éléments aimeriez-vous qu’ils soient mis en valeur dans le projet ? » Quelques jours plus tard, deux nouvelles questions ouvertes ont été ajoutées : « Que souhaiteriez vous voir évoluer sur le site dans les prochaines années ? et « Qu’est-ce que ce quartier pourrait apporter de plus à l’Agglomération ? ». Mais ce n’était qu’un sondage sous prétention à une certaine rigueur scientifique.
Il y aurait eu 700 réponses, rapidement présentées oralement le 25 mai. Un livret les a réparties sur différents thème et est depuis peu disponible sur le site de la CAPB

(vue générale avec élu-e-s et président-maire)
Le premier « atelier participatif » du 25 mai.
Cet atelier est une sorte d’objet peu identifié. Sur le site de la CAPB, son objet et la liste de ses intervenants, ont ainsi fluctué. Il a été annoncé un rendu du sondage (fait), la présentation du projet par Güller (pas vraiment convaincant), avec aussi la participation de Plateau urbain (qui n’a pas été présenté ni n’est intervenu).
Plus d’une centaine de personnes était présente. Au final, la première partie de l’atelier a été informationnelle, avec quelques questions, rien de participatif. La seconde a été la reproduction sur place du sondage, les participants étaient répartis par table de 8, et invités à formuler leurs attentes sur des fiches autour de 6 thèmes (totalement cadré donc), puis les mettre sur les murs de la salle. Une simple technique pour faciliter la prise de parole, très répandue depuis quelques années, mais la participation citoyenne ne saurait s’y réduire. On attend le retour de cette séance, même sir les « attentes » recueillies ne semblent pas très différentes de celles du sondage antérieur.

(participants à table)
Reste une question importante : quel était le statut de cette réunion ? Dans le cadre d’un projet d’aménagement, une « concertation » répond à des contraintes réglementaires précises, même sans doute dès le stade de la « pré-programmation » qui est officiellement la phase actuelle. L’atelier du 25 ne semble pas rentrer dans un tel cadre. On comprend alors ce que le maire de Bayonne a voulu dire lors du Conseil municipal du 5 juin, en qualifiant cette réunion « d’avant-concertation ». Ni concertation, ni participation ce sera pour plus tard, du moins il faut l’espérer.
Lors de cette réunion, il a quand même été révélé que Güller travaillait depuis 6 mois, et avait fait un diagnostic du site. Le rendu n’a pas été très concluant, presque tout avait été dit il y a 15 ans déjà : la piétonisation du quai de Lesseps et le report de la circulation vers la voie ferrée, la nécessité de conserver les perspectives entre la citadelle militaire et la rive gauche de l’Adour, la végétalisation, etc. Il a aussi été réaffirmé les invariants du projet : logement (mais lesquels), campus universitaire (en repli d’Arkinova refusé à Anglet?), activités, espaces verts, etc.
Autant les « contenus » potentiels pourront être choisis par les opérateurs selon leurs désirs parmi les attentes exprimées à la réunion, autant les « contenants » eux-mêmes ne sont pas (encore?) soumis à discussion.

(Président-maire – photo Sud Ouest, Nicolas Mollo)
Perplexité
On ne comprend toujours pas ce re-démarrage sur les chapeaux de roue. Quelle est l’urgence ? Les questions foncières ne semblent pas résolues, et même au point mort depuis que le sujet « Lesseps » avait été abordé lors du projet de quartier Saint Esprit il y a 5 ou 6 ans. A 3 reprises, depuis le 25 avril, le président-maire a annoncé un RV avec la SNCF dans les jours qui suivent : 3 ha à récupérer si SNCF veut, mais il est envisagé de faire sans. Quand à Pausa (l’armée), Duprat (en partie à l’État) et à la Pièce noyée (Port de Bayonne ?), ce n’est pas clair.
Et pourquoi maintenant ? Faire pression dans les négociations foncières pendantes ? Engager un dernier grand projet d’urbanisme dans l’optique des élections de 2026, le Prissé et le Séqué étant bien sur les rails ? Ou même imposer sa marque dans l’histoire avant (peut-être) de basculer de président-maire à sénateur en septembre prochain.
Et maintenant
Le calendrier de la suite de ce « vaste processus de démocratie participative » figurant sur le site de la CAPB oscille entre le vide et le flou : quelles étapes jusqu’au rendu de Güller au début 2024 ? A ce jour, 8 juin, rien.
On attend un vrai rendu écrit du diagnostic de Güller. Lors de la réunion du 25 mai, il a même été proposé de faire un diagnostic participatif, en marchant, partagé avec les habitants. On attend la réponse.
Il a aussi été proposé la création d’un comité de pilotage avec acteurs du quartier et habitants : on attend également la réponse.
Un mois après la demande, la CAPB a accepté de communiquer les cahiers des charges des 4 marchés signés pour le projet RDA (une telle communication est une obligation légale). On va pouvoir donc comprendre quelle est la commande politique à laquelle Güller et les autres sont censés répondre. Ce travail de décryptage fera l’objet d’un article dès que possible.
Sans attendre que le programme officiel se clarifie, pourquoi ne pas prendre au mot le président-maire : aider la CAPB à remplir la « page blanche » et à mettre en œuvre la « démocratie participative », pour « aider » les officiels.
Et constituer pour ce faire une « plateforme » citoyenne en s’inspirant de la démarche d’Herrian Bizi sur le logement ?
Patrick Petitjean, 8 juin 2023