
Le 1er juin, des restrictions de circulation vont être mises en place sur la bande littorale basque, suite à l’instauration d’uns Zone à Faibles Emissions (ZFE) par la CAPB. L’objectif affiché est de diminuer la pollution atmosphérique générée par la circulation automobile. Son efficacité est controversée. Mais son injustice sociale reconnue. Ses supposées vertus « écologiques » sont plus que largement effacées par le rejet de l’écologie qu’elle provoque. Pour des écologistes, c’est donc non.
Ces ZFE viennent d’une politique commune des différents états européens. Un double effet bénéfique est escompté, pour les habitants avec une meilleure qualité de l’air, et pour le climat avec une incitation à l’électrification du parc automobile. Il en existe déjà dans plusieurs agglomérations en France, ainsi que chez nos voisins basques du sud.
Une concertation publique – obligatoire – avait eu lieu à l’automne dernier. La plupart des avis avaient été négatifs, que ce soit lors de réunions d’informations ou sur le registre dématérialisé. J’en avais rendu compte dans un premier billet, qui concluait sur la nécessité d’un moratoire : https://lepimentbayonnais.fr/2024/12/01/bayonne-pour-un-moratoire-sur-la-zfe/
Le bilan de la concertation et la décision effective de la créer sont venus à l’ordre du jour du conseil communautaire du 15 février. La décision a été prise de reculer la mise en œuvre de la ZFE du 1er avril au 1er juin, une concession a-t-il été dit. Sa durée sera de 5 ans.

De belles envolées ont été entendues, souvent hypocrites, où, parfois, le discours pro-voitures se cachait mal derrière une dénonciation de l’injustice sociale. Mais, globalement, les critiques ont été les mêmes que celles recueillies lors de la consultation. La ZFE est passée de justesse : 96 votes favorables, 47 opposés avec 64 abstentions. Les différentes appartenances politiques se sont éclatées lors des votes.

La discussion se trouve sur la chaîne youtube de la CAPB. Il dure une heure, entre la 46′ et 1h53′ :
Un nouveau conseil communautaire est à venir le 29 mars pour définir les modalités spécifiques de la ZFE dans la CAPB : aides financières pour l’achat d’un véhicule, exemptions possibles, aide « personnalisée » pour en bénéficier…
C’est quoi la ZFE
En fonction de leur ancienneté et du carburant utilisé, les véhicules se voient attribuer une vignette nommée Crit’Air, avec un numéro de 1 à 5, du moins au plus polluant. Certaines agglos excluent dès le n°4 voire 3.
L’interdiction de circulation dans notre ZEF touchera les véhicules Crit’Air 5 et non classés. Elle s’étend sur pas moins de 11 communes littorales : Tarnos, Boucau, Bayonne, Biarritz , Anglet, Bidart, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Ciboure, Urrugne, Hendaye.

Premier bug, relevé par tout le monde : l’exclusion de l’autoroute A63 de la ZFE, ce qui favorise le transit de 12 000 camions en moyenne par jour. Il paraît que c’est l’Etat qui le veut.
Quels objectifs anti pollution ?
Les ZFE visent à améliorer la qualité de l’air en réduisant les émissions de microparticules et des oxydes d’azote (NOX) afin de préserver la santé des habitants. Pour ce faire, elles interdisent la circulation des véhicules jugés les plus polluants.
Deuxième bug : Ces critères sont peu efficaces pour diminuer les émissions de particules car ils ne prennent pas en compte le poids du véhicule, les particules dues au frôtement des pneus.
Troisième bug : Les mêmes polluants atmosphériques, mais provenant d’autres sources locales, ne sont pas pris en compte : l’aéroport de Biarritz, le Port de Bayonne (avec ses accès en trains au diesel),… De plus les émissions C02 ne sont pas prises en compte comme pollution atmosphérique !
Quels véhicules sont concernés, et combien sont-ils ?
Cette mesure touche officiellement 13 234 véhicules recensés sur le territoire de l’Agglomération Pays basque, soit 5 % du parc automobile global. Pour les 2/3, ce sont des voitures, le reste étant constitué de véhicules utilitaires légers et de camions, des 2 roues motorisés. 5 505 véhicules seulement se trouvent sur le périmètre de la ZFE (Tarnos inclus donc).

Cela concerne les voitures et camionnettes essences immatriculées avant le 1er janvier 1997, les voitures et véhicules utilitaires diesel immatriculés avant le 1er janvier 2001, les poids lourds immatriculés avant le 1er octobre 2006 et les deux roues motorisés immatriculés avant le 1er juin 2000. Le nombre de véhicules concernés semble faible, ce qui est utilisé par la CAPB pour « vendre » sa ZFE.
L’arrêté voté par le conseil communautaire pour mettre en place la ZFE comporte de nombreuses exemptions. Il rappelle les exemptions obligatoires nationales et les complète pour tenir compte des spécificités locales.
Nationalement, cela concerne les véhicules « régaliens » (armée, police, etc.), les véhicules de secours, et, sous certaines conditions, les personnes en situation de handicap ou les transports en commun.
Comme pour toutes les ZFE, la CAPB était autorisée à permettre des exceptions supplémentaires, pour l’adapter localement.
Exemptions locales
La ZFE est supposée ne pas dresser d’obstacles à certaines activités économiques, et de facilité l’accès au travail. Une des avancées les plus significatives depuis la consultation est d’avoir limiter la plage horaire des interdictions entre 6h et 20h, et non pas 24h sur 24h. Et cela favorise aussi les sorties en soirée…De même, les véhicules et engins agricoles sont exemptés.
Mais la liste locale concerne aussi notamment les services d’aide à domicile ou d’accompagnement aux personnes handicapées, les commerçants non sédentaires, les livreurs de denrées périssables, etc. La liste complète est publiée sur le site de la CAPB.
Ensuite, a été introduite la notion de « petits rouleurs », effectuant moins de 8 000 km par an. Comme demandé lors de la consultation, ils et elles seront exempté.es. Par contre, la demande d’exemption les week-ends n’a pas été retenue.
Enfin, un pass ZFE de 24h, pouvant être délivré jusqu’à 24 jours dans l’année a été instauré, la concertation ayant permis d’allonger un peu le nombre de jours.
Une injustice sociale reconnue, mais une mobilisation en demi-teinte
En 2019, au niveau de l’hexagone, 38% des ménages les plus pauvres avaient un véhicule classé Crit’Air 4 ou 5, contre 10% des ménages les plus riches.
Dans la CAPB, ce sont des milliers de travailleurs qui effectuent la navette entre la côte et les communes du Pays Basque périurbain et rural ou des Landes pour se rendre sur leur lieu de travail. Pour la grande majorité des habitants, prendre la voiture est une nécessité. En l’absence d’alternative adaptée par les transports collectifs, la voiture représente bien souvent le dernier moyen pour se rendre au travail et accéder à des services essentiels.
Si le rejet des ZFE semble important dans plusieurs agglos, la mobilisation semble rester modeste au Pays basque. Lors de la concertation préalable, on avait surtout remarqué le lobby des collectionneurs de voitures (dont une partie relève des « non classés ».
Lors du conseil communautaire du 15 février, deux ou trois dizaines de manifestants sont venus interpeller les élu.es, en majorité des « motards en colère », dont on connaît la détestation d’être assimilés aux voitures pour les contrôles.
Enfin une pétition a été lancée par la France insoumise pour dire non à la Zone de Forte Exclusion. Elle avait recueilli 407 signatures le 21 février, au bout de 6 semaines. On peut toujours la signer ici : https://www.change.org/p/non-%C3%A0-la-zone-%C3%A0-forte-exclusion-dans-la-communaut%C3%A9-pays-basque-1d789d14-0cec-4e75-a9c6-fbfdff7aef73
Il faut signaler aussi des (tout) petits rassemblement hebdomadaires devant la mairie de Bayonne le samedi.
Les aides financières
Au niveau national, il s’agit de doper le marché de la voiture électrique, avec des aides à l’achat : une prime à la conversion, une surprime pour les habitants dans une ZFE, un bonus écologique, une aide à l’installation de bornes électriques de recharge, et une possibilité de prêt à taux zéron dans les ZFE. Et ce, même si le bilan écologique des véhicules électriques est plus que discutable. Quelques mauvaises langues, un peu complotistes, disent que les ZFE sont faites pour les constructeurs de voitures électriques, pas pour des questions de santé publique.
Ces aides sont cumulables avec celles que la CAPB a décidé d’ajouter au niveau local, sans doute pour tenir compte de l’injustice sociale. Elles seront précisées, ainsi que leurs modalités d’attribution, lors du prochain conseil communautaire le 29 mars.
Cette aide concernera les ménages aux revenus les plus modestes (il y aura des conditions de revenu) et les plus petites entreprises. Elle sera conditionnée à la vente ou à la mise au rebut (au contraire des aides nationales qui ne concernent que l’achat) d’un véhicule concerné par les restrictions de circulation sur la ZFE.
Pour les particuliers, l’aide de la CAPB portera sur l’acquisition ou le rétrofit (on garde la carcasse de la voiture et on remplace le moteur « old style » par un moteur électrique) d’une voiture, d’un utilitaire ou d’un deux-roues motorisé, Crit’Air 0, 1, 2 ou 3, neuf ou d’occasion (pas uniquement électrique). L’acquisition d’un vélo à assistance électrique ouvre aussi le droit à une aide spécifique.
Il y aura aussi des conditions de résidence, et une seule aide possible par foyer fiscal.

Martine Bisauta, Vice-Présidente en charge de la transition écologiques à la CAPB, s’y était engagée lors de la concertation : il y aura bien un accompagnement personnalisé pour toutes les demandes d’aide, les exemptions, le pass, et, plus largement pour des conseils au changement de modes de déplacement pour les automobilistes soumis aux restructions, avec un entretien « mobilité » en présentiel. La participation à un tel entretien conditionnerait d’ailleurs l’octroi des aides.
Les transports collectifs comme alternative aux voitures les plus polluantes.
C’est le refrain martelé par la CAPB depuis la concertation. Chaque fois qu’un habitant concerné par les restrictions expliquait ses difficultés, il lui était opposé l’amélioration du service de TxikTxak à venir et advenue en janvier. Les pistes cyclables et le vélo électrique sont également appelés à la rescousse. Même si des efforts de rattrapage ont été fait, la CAPB est encore très à la traîne pour les transports collectifs, les T1 et T2 étant très utiles, mais servant beaucoup des vitrines.
Les solutions alternatives sont aujourd’hui insuffisamment développées pour assurer les déplacements du quotidien. Le multimodal reste difficile, peu commode. Les temps de trajets parfois rédhibitoires. De ce point de vue, la conception élargie à la mobilité de l’entretien mis en place par la CAPB sera utile.
Tout cela pour ça ?
Le dossier ZFE est sans conteste un dossier délicat pour des écologistes. Peut-on s’opposer à un mesure de diminution, même minime de la pollution, dont les effets sur la santé de chacun sont connus ? Comment s’y opposer sans conforter les populistes et les inconditionnels de la voiture ?

La CAPB a fait des efforts pour des compensations sociales, on ne peut le nier. Compenser, c’est bien, mais les milieux populaires restent les principales cibles d’une ZFE dans le monde réel, pas dans celui de l’administration. Un gros SUV électrique pollue-t-il vraiment moins qu’une voiture à essence, âgée de plus de 20 ans, qui a passé tous ses contrôles techniques ?
Mais pourquoi s’obstiner à la mettre en place et se plier aux injonctions de l’Etat ? Une ville comme Montpellier a repoussé sine die sa ZFE.
Cette ZFE est non seulement injuste, elle est aussi absurde, pour toutes les sources de pollution, automobile ou autre, qui ne sont pas prises en compte. Elle l’est encore par le fait d’édicter des règles, et de multiplier les cas d’exemptions qui les contredisent.
Avec un paradoxe final : avec toutes ces exemptions, qui doivent faciliter l’acceptabilité de la ZFE, quel sera l’effet résiduel en matière de réduction de la pollution atmosphérique, et l’effet sur la santé ? Déjà que les niveaux de pollution avaient tendance à baisser spontanément, même si (en sens contraire), l’OMS va demander des normes plus contraignantes. Tout cela pour ça ?
Sans doute, les aides sociales et la multiplication des exemptions ont pu contribuer à limiter les mobilisations locales. Mais cette ZFE ne se justifie pas, même si la CAPB la fait de manière douce.
Patrick Petitjean, 23 mars 2025