
« Le marché a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique » peut-on lire dans un arrêté du maire de Bayonne le 4 juillet 2024, ayant pour but l’achat de taureaux par la ville pour la temporada 2024.
Ce marché est passé sans publicité préalable, ni mise en concurrence, en vertu, est-il écrit, de l’article R2122-3 du code de la commande publique, qui en exempte les marchés concernant « la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ».
La mairie fait jouer cette exemption, alors qu’il s’agit, in fine dans une corrida, de détruire l’oeuvre d’art achetée, ou, mieux, de mettre à mort l’artiste unique.
Difficile de ne pas y voir un humour (inconscient sans doute) sanglant. Ou pour le moins une interprétation extensive plus que douteuse de l’exemption donnée par le code de la commande publique.

La délibération l’affirme : chaque taureau est « unique », ce qui justifierait l’interprétation. Même si ce sont 6 élevages qui sont concernés par les 5 corridas, 2 pendant les Fêtes de Bayonne et 3 autres fin août. Car derrière un euphémisme « temporada », ce sont bien des corridas dont il est question.
L’intermédiaire, mandaté pour ce marché, est aussi unique. Et les négociations « se déroulent traditionnellement de manière orale et non écrite ». La rémunération de ce mandataire, dont le nom est précisé, n’est pas indiquée dans la délibération, et doit correspondre à la différence entre le marché (174 500 euros HT) et la somme payée aux élevages (110 000 euros). Une tradition orale à la bayonnaise ?
Par ailleurs, il faut se rappeler que c’est la ville en tant que telle qui est l’employeur des toreros à pour ces corridas. Il faudrait aussi prendre en compte le déferlement concomitant de la publicité sur les panneaux municipaux, les oriflammes sur la voie publique, le journal municipal, le site de la ville… Cette facture multiple des corridas est à la charge des habitants de la ville, qui, pour une grande partie, sont hostiles à cette maltraitance animale, archaïque, et de plus en plus bannie dans d’autres villes ou Etats.
On peut être pour l’interdiction des corridas (c’est mon cas), on peut être pour leur défense, mais le minimum serait de les sortir d’une politique publique et de son budget municipal.

Patrick Petitjean, 17 août 2024
2 commentaires sur “A Bayonne, on a l’humour tauromachique sanglant”