L’artificialisation, une addiction bayonnaise

L’enquête publique pour la poursuite de l’urbanisation du Sequé s’est achevée le 12 décembre sans le moindre débat organisé sur place. C’est la 4e vague d’artificialisation dans cet ancien secteur agricole, décrété urbanisable dans le PLU de 2007. A chaque fois, promesse est faite d’en faire un véritable quartier. Il n’en résulte qu’une cité dortoir, périphérique et mal reliée aux autres quartiers.

Artificialisation

L’enquête « Sequé IV » est symptomatique d’une fuite en avant dans l’artificialisation. D’autres enquêtes ou concertations préalables, récentes, en cours ou prochaines, manifestent la volonté municipale de poursuivre sans frémir cette politique issue de l’ancien temps, inscrite dans des documents d’urbanisme (PADD, PLU) adoptés en 2007, et donc conçus bien avant. Ils doivent être revus en 2024-25. L’artificialisation s’accélère, avant que la CAPB ne soit contrainte d’y mettre un frein.

En 2021, cela a concerné le transfert du centre d’Oncologie du centre ville vers l’avenue du 14 avril 1804, avec un agrandissement dès l’année suivante pour faire un « pôle d’oncologie » pour lequel l’enquête publique vient aussi de se terminer cet automne.

En 2022, ce fut la création d’une « aire de grand passage » près de l’autoroute à Bayonne Nord (sans doute la seule artificialisation vraiment justifiée par l’intérêt général).

En 2023, en septembre-octobre, ce fut la concertation préalable (enquête publique à venir) pour la création d’un Institut du sport et du vieillissement (à côté de la clinique Belharra) ; et celle pour l’extension de la clinique Amade près de la Citadelle dans le quartier Laharie, qui vient de s’achever (voit le billet précédent sur ce blog). Le 8 janvier, à l’initiative de l’armée, va s’ouvrir une concertation préalable pour le déboisement de 2 ha dans la citadelle Vauban.

PLU et urbanisation future

La ville de Bayonne a constitué de longue date des réserves foncières. C’est le cas du Sequé notamment. Pour se préserver de la spéculation. Pour anticiper d’éventuelles constructions à une époque où on n’avait pas conscience des effets catastrophiques de l’artificialisation. Sauf que, souvent, tout en gardant une maîtrise publique de l’aménagement global d’un secteur, une partie du foncier est revendu à des promoteurs privés pour « équilibrer financièrement » l’opération d’aménagement, disent-ils. Ce fut le cas pour la ZAC du Sequé, voir les déclarations de Jean Grenet en 2011 ci-après. C’est le cas pour l’opération « Prissé » en cours, au profit d’Alday. Les logements sociaux (locatifs et en accession) voient leur part réduite.

De la politique sous la technique

Ce front d’urbanisation se déploie en général sur des zones identifiées comme 1AU ou 2AU dans le règlement du PLU, à urbaniser mais pas encore constructibles. 1AU : à urbaniser à court terme, après viabilisation des terrains. 2AU : à urbaniser à plus long terme, si besoin après défrichage. Mais les élus considèrent souvent le « à urbaniser » comme étant déjà irréversiblement une urbanisation , au contraire des zones définies comme N (naturelles) ou A (agricoles).

Comme l’avait déjà affirmé Etchegaray dans Sud Ouest (06/03/2020), à l’occasion de la requalification de Sequé III au PLU « Ces surfaces sont déjà constructibles ». Et bien non, ce ne sont que des catégories administratives du PLU, sur le papier, et que cela ne dit rien sur la nature des sols. Administrativement constructible ou urbanisable n’est en rien contradictoire avec artificialisation des sols.

Les 3,4 ha du Sequé III étaient en zone 2AU, et les 5,5 ha de Sequé IV en zone 1AU avant les enquêtes publiques.

Sequé I, II, III, IV, … Pinède ?

Le quartier du Sequé, ce sont essentiellement des bois et trois anciennes fermes maraîchères, dont l’une (Loustaouanou) était encore en activité en 2007. Sur les parcelles des autres fermes, Vignolle et La Humère, ont existé notamment un camping chemin de Cazenave (Airotel La Chêneraie) et un motocross. Le mini-lac artificiel, un temps voisin du camping, est resté et est devenu un lieu de promenade apprécié.

Sequé I et II – La ZAC dite écoquartier

Une ZAC a été créée dès 2006, les plans d’aménagement (dossier de réalisation) adoptés en 2009 et le début des constructions dans la foulée. Autour de 600 logements étaient prévus, dont un EHPAD. Les premières constructions étaient sur le secteur Sequé I. Les premiers logements ont été livrés en 2011, l’EHPAD (98 lits) en 2013, les 62 locatifs sociaux de HSA fin 2014. A noter que, selon certains articles de presse, il n’y avait que 20 % de logements locatifs sociaux.

La maison de quartier (dans un ancien bâtiment de ferme réaménagé) a été livrée en février 2020 seulement.

Des jardins familiaux ont été installés derrière la maison de quartier, en limite du futur Sequé III.

Le secteur Sequé II a pris la suite, avec un habitat participatif de 46 logements, en accession à la propriété (en PSLA, les BRS n’existant pas encore), piloté par le COL en 2016 ; et 174 logements de Bouygues dont la livraison s’est achevée seulement en 2021.

Ces deux secteurs sont censés être un écoquartier, argument de vente plus que réalité tangible. La labellisation officielle, obtenue en 2009, a été perdue en 2019.

Sequé III et IV – Des activités économiques vers le logement

Les deux autres secteurs étaient classés « à urbaniser », pour des activités économiques.

Une enquête publique a fait passer Sequé III principalement en habitat (190 logements) en 2017. Mais à ce jour, les constructions n’ont pas commencé. L’enquête publique qui vient de s’achever a aussi pour objectif « réglementaire » de faire évoluer la classification de Sequé IV d’« activités » vers « habitat » (360 logements selon le maire dans Mediabask le 22 décembre).

Sequé III en mars 2023

Le besoin de logements à Bayonne est de plus en plus criant. Mais la question d’articuler habitat et activités économiques (incluant commerces et services) reste entière, et n’est pas sérieusement traitée dans les évolutions de Sequé III et IV. L’ensemble des 4 secteurs du Sequé fait 22,5 ha, avec plus de 1200 logements. Et ressemble davantage à une cité dortoir qu’à un morceau de ville ou un village.

Pinède, dans la continuité du Sequé

On pouvait lire dans Sud Ouest du 12.9.11 un reportage sur les premières livraisons dans la ZAC du Sequé, dont une partie était titrée « Pinède après le Sequé ». Le chemin de Pinède relie le Sequé au quartier Arrousets vers le sud. C’est un secteur en grande partie boisé, avec quelques zones « à urbaniser » au PLU. L’implantation d’une école commune, à mi-chemin des deux quartiers revient encore régulièrement sur la table.

L’article de Sud Ouest expose les projets de création d’un quartier Pinède, mais aussi explicite l’acquisition publique du foncier, pour le revendre ensuite à des prix d’amis au secteur privé. Cela date de Jean Grenet, prédécesseur de Jean-René Etchegaray (qui en était alors adjoint à l’urbanisme), mais c’est toujours la politique en cours avec la charte de mixité sociale de Bayonne.

« La main du public permet ces prix compétitifs pour la région. La Ville de Bayonne a acheté le foncier à des prix inférieurs à ceux du marché et les revend aux privés sans réaliser de plus value, sous conditions. Dont le plafonnement des prix de vente. « C’est le principe de la ZAC publique », appuie Jean Grenet, le premier magistrat.

Le même montage guidera un futur projet sur la rive droite de Bayonne : celui du quartier Pinède. À la différence du Sequé, c’est l’Agglomération Côte basque Adour qui achètera les terrains. Le futur quartier Pinède, lui aussi soucieux des normes environnementales, sera notamment équipé d’une crèche halte-garderie. « Un emplacement est déjà bloqué sur ce principe. Les acquisitions vont commencer ». Il n’y a pour l’instant pas de suite visible. C’est un projet « dormant ».

L’enquête publique pour Sequé III et les mobilisations de 2019-2020

La décision de modifier le PLU pour ouvrir le Sequé III à l’urbanisation est prise dès 2017, l’enquête publique se déroule en juillet 2019, après une phase de concertation. Il est annoncé 190 logements, plus des services, des commerces, des espaces publics, des jardins partagés… On ne peut encore préjuger des réalisations effectives, puisque les constructions n’ont pas commencé. Mais ce qui a été réalisé pour les secteurs I et II n’est pas à la hauteur des annonces qui l’avaient précédé.

Boutiques de Sequé I

Un collectif d’habitants, Stop béton, se forme en 2019 au moment de l’enquête publique, alors que des défrichements sont en cours et que s’engage le chantier des 174 logements de Bouygues, pour s’opposer à l’urbanisation massive.

L’opération de Bouygues a d’autant plus choqué qu’elle se présentait comme écologiquement exemplaire (avec notamment des bâtiments à énergie positive, des matériaux biosourcés). Le collectif dénonçait un greenwashing caractérisé, dans un quartier qui venait de perdre son label d’écoquartier. Le collectif dénonçait le surnombre de parkings dans le projet Bouygues, au regard des normes supposées d’un écoquartier.

Sequé II : Bouygues avec Hébrard, architecte favori de la municipalité et influent

Les deux premières tranches avaient donné naissance à une cité dortoir classique, avec services et commerces à la traîne, et une maison de quartier pas encore construite. Un quartier basé sur la voiture, où les déplacements en bus ou vélo ne sont pas très praticables.

Lors de l’enquête publique, le collectif a proposé que la réponse aux besoins criants de logements à Bayonne soit localisée prioritairement là où il y a déjà des services, sur les terrains déjà artificialisés et en densifiant certains secteurs. Donc, sans artificialisation supplémentaire.

La mobilisation du collectif s’est traduite sur le registre de l’enquête publique : il y a eu 152 avis, dont 116 défavorables. Des alternatives ont été proposées : faire du maraîchage bio pour nourrir le quartier ; ouvrir la possibilité de « tiny houses », une approche non artificialisante du logement, etc. Sans surprise, il n’a été tenu compte ni du caractère massif des avis défavorables, ni des propositions novatrices.

En réponse au collectif, le 30.9.2020, interrogé par Sud Ouest, il annonce : « Il n’y a pas de projet à ce jour sur ce terrain. Ni de 10, ni de 50 et encore moins de 190 logements ». Surfaces par ailleurs déjà constructibles insiste-t-il : « Nous faisons juste évoluer la nature de ce qu’on peut construire. On l’ouvre à du logement. Et on évite que le Sequé soit enserré par de l’activité économique ». Et il conclut : « Ces terrains appartiennent à la Ville de Bayonne, c’est elle qui décidera du projet qui s’y installera » ; Fin 2023, dans la liste des réalisations à venir pour la seconde partie de son mandat, le maire confirme bien entendu le chiffre de 190 logements pour Sequé III et en anticipe (avant le résultat de l’enquête publique) 360 pour Sequé IV. C’est la gouvernance du maire de Bayonne : mensonges et mépris des habitants.

Avec le Sequé IV, on va être dans le « bis repetita » : billet à suivre.

Patrick Petitjean, 6 janvier 2024

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