
Le Prissé, un projet exemplaire ?
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Le projet Prissé a été présenté à la presse fin janvier par le bailleur social HSA associé au promoteur Alday (Sud Ouest 25.1.23). Avec 350 logements, c’est le point le plus chaud des grosses opérations immobilières à Bayonne. La ville le tient pour exemplaire et a calibré la charte « mixité sociale » sur ce projet.
Un rappel de géographie est utile.
Ce quartier se situe entre l’Adour et la ville de Saint-Pierre d’Irube, au sud de Bayonne. Il est traversé par l’avenue Duvergier de Hauranne, qui part du fort de Mousserolles dans le Petit Bayonne, monte sur un plateau et passe successivement à côté d’un château d’eau (un point culminant de la ville), le long d’un hôpital psy et d’un ESAT, puis de la cité HLM Cam de Prats (de taille moyenne, assez ancienne) ; on longe deux anciens terrains de foot, en cours d’urbanisation/artificialisation avec les parcelles voisines : HSA y installe le nouveau quartier et 12 lots pour des maisons individuelles.
L’avenue se termine au rond point Jupiter. Là, on peut obliquer vers l’Est, vers le quartier autour de la clinique Belharra, on peut continuer tout droit et descendre vers la zone commerciale d’Ikea, ou obliquer vers Ouest pour entrer dans Saint-Pierre d’Irube.
Du côté Est de l’avenue, entre le lotissement et Jupiter, il y a un secteur très en pente vers l’Adour, donc peu construit (des pavillons) et qui reste très boisé. L’école du Prissé se situe de ce côté de l’avenue et va être reconstruite.
Le quartier Belharra
Il faut s’arrêter un moment sur le quartier Belharra, où la clinique principale qui porte ce nom a été inaugurée il y a une petite dizaine d’années. Elle regroupe trois anciennes cliniques du centre de Bayonne ou proche de Saint Esprit (clinique Saint Etienne), laissant du foncier pour de fructueuses opérations immobilières. Autour de la clinique, se sont installés différents centres médicaux et surtout 600 logements : 350 pour Kaufmann-Broad et Alday, 250 pour Sobrim et Pichet. Ces promoteurs privés affichaient 30 % de « logements sociaux » (source : Sud Ouest du 12 juin 2013), probablement de l’accession « maîtrisée » hors quota SRU.
Toute une zone boisée a été défrichée pour ce quartier, dont la construction a accompagné celle du centre commercial Ametzondo (Ikéa, Carrefour, etc). La destruction se poursuit d’ailleurs avec la construction en cours par Sobrim de l’« Orée de la Source », 84 logements (conçus par Hébrard, un architecte multiprésent dans les opérations immobilières à Bayonne) qui finissent de dévaster le parc boisé de Cantegrit, lieu traditionnel de promenade. Pas vraiment du social.

L’article cité de Sud Ouest pointait le fait que la ville disposait encore d’importantes « réserves foncières » à proximité : avec le nouveau quartier du Prissé, on y est. A noter que ce projet en attire déjà d’autres : Pichet vient d’annoncer dans une pub de Sud Ouest le lancement d’une opération dans ce secteur, appelée « Bel Horizon ».
Le nouveau Prissé
350 logements sont annoncés pour ce nouveau quartier, construit sur plus de 4 ha, actuellement non urbanisés pour la plus grande partie. L’artificialisation des sols va bon train.
Selon le projet, 45 % des logements seront en « logement social », soit 158, tous sortis de la spéculation. C’est au-delà donc du quota SRU (25%), mais c’est le minimum pour compenser l’absence de logements sociaux ailleurs, dans le diffus et le centre ville. Parmi eux, 70 seront en « locatif » et 88 en « accession sociale » (BRS). Il faut rappeler que le PLH pour Bayonne prévoit annuellement 111 LLS et 74 BRS pendant 5 ans (voir billet précédent). Bien sûr, il faut moyenner sur la durée du PLH, et tenir compte de ce qui se fait dans les autres quartiers. Mais le moins que l’on puisse dire est que ce projet va accentuer le déséquilibre en défaveur des LLS.
Le projet comporte de nouvelles rues internes au quartier, et s’accompagne d’une piste cyclable vers le centre de Bayonne et d’une nouvelle école non loin du nouveau quartier.
Il y aura 6 blocs d’immeubles. 3 sous la responsabilité de HSA, respectivement de 90, 38 et 30 logements. Pour l’immeuble de 30 logements, ce sera de l’habitat participatif en BRS : un groupe d’habitants « candidats » a été constitué à l’automne dernier et a tenu plusieurs réunions.
Les 3 autres blocs, soit 192 appartements, vont être confiés à … Alday, promoteur et spéculateur immobilier phare de Bayonne. Selon Sud Ouest, une partie, 53, seront à prix « maîtrisés » (4 000 euros le m², pas donné quand même) ; les futurs acheteurs, à ce titre, s’engagent à faire de leur appartement leur résidence principale, et à ne pas le revendre avant 10 ans. Pour les autres, 139 logements, ce sera 4 500 euros le m². A ces prix, s’ajoutent les garages.
A plusieurs reprises ce mois-ci, Alday s’est offert de pleines pages de pub avec les slogans « vous ne rêvez pas » et « la propriété pour tous », ce dernier faisant écho au thème de la manifestation Herrian Bizi du 1er avril « un logement pour tous ». Le cynisme d’Alday est sans limite.

Mixité sociale factice
Ce projet est, en grande part, une préfiguration de la future charte « mixité sociale »dont les grandes lignes ont été dévoilées ce matin (30 mars) dans Sud Ouest avant le vote du conseil municipal du 5 avril. Elle résulterait de la coopération entre les élus, les bailleurs et les promoteurs. Mais on peut aussi la lire comme la Ville venant au secours des promoteurs à un moment où le marché de l’immobilier va mal.
Le maire insiste aussi sur la maîtrise foncière publique, via HSA, de l’opération. Mais alors pourquoi en sous-traiter une grande partie à Alday. Exemplaire vous avez dit !
Pour HSA, la contrainte dans le PLH de deux LLS pour un BRS n’est pas respectée. HSA faitde la pub pour vendre ses BRS au Prissé, à l’identique des opérateurs privés. Pour les futurs propriétaires « maîtrisés », il y a l’interdiction de revente avant 10 ans (ce n’est pas très long pour le marché immobilier) et un plafond de ressources (celui du PLS +11%).

Au final, 70 LLS sur 350 logements, cela fait 20 % du quartier pour toutes celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent devenir propriétaires : familles monoparentales, précaires, décohabitants, ceux qui bougent de villes, ceux qui n’ont pas accès à l’emprunt, personnes isolées, familles à faible revenu incompatible avec les loyers dans le privé, etc. Les cas de figures sont nombreux de celles et ceux dont le droit au logement passe par les locations publiques,cela nourrit les files d’attente pour des HLM. L’imaginaire « devenir propriétaire » de la qusi totalité des élus est incompatible avec leur droit au logement, mais il l’est avec les intérêts des promoteurs.
Patrick Petitjean, 30 mars 2023, révisé le 28 mai
HSA : Habitat Sud Atlantique (bailleur social de l’agglo)
LLS : Logement Locatif Social
PLS : Prêt Locatif Social (HLM de catégorie supérieure, pour couches moyennes)
BRS : Bail Réel Solidaire (accession aidée)
SRU : loi Solidarité et Renouvellement Urbain
PLH : Programme Local de l’Habitat