
Le Tram-bus, support d’une politique de peuplement
Les grands moyens de transport ont un rôle structurant dans l’aménagement d’une ville. D’un point de vue écolo, c’est une bonne approche de l’aménagement que de placer les moyens de transports publics et de construire / reconstruire à proximité. C’est un moyen important pour réduire la place des voitures.
Mais, comme on le voit en Région parisienne avec les métros du Grand Paris, cela attire les promoteurs, fait monter les prix du foncier, et si on est dans le « laisser faire », les couches moyennes affluent et repoussent plus loin les habitants plus modestes. C’est le cas pour le Grand Paris… et Bayonne.
On attend au contraire qu’une politique publique, de gauche et écolo, combine le droit au logement pour tous et la transition écologique. Inversement, on ne peut être surpris qu’une politique libérale, comme celle conduite par la municipalité bayonnaise débouche sur des changements de population le long de ces infrastructures de transport, en toute conscience.
A Bayonne il y a deux lignes de « bus à haut niveau de service », appelés tram-bus » pour les besoins de communication. Dans leur partie Nord, le T1 et le T2 desservent des centres commerciaux et des cités HLM anciennes (années 60 et 70), ce dont on ne peut que se réjouir Mais les nouvelles opérations immobilières qui accompagnent depuis quelques années la mise en service de ces lignes visent d’autres populations, avec des revenus plus conséquents, y compris résidences secondaires ou logements à vocation Rbnb : comme disent les publicités des promoteurs, nous sommes à quelques minutes du centre ville et de la gare.
Le T2, qui va de Marracq à Tarnos est un facteur important de spéculation depuis quelques années, surtout pour sa branche Nord, entre la gare et Tarnos, le long de la rue Maubec et de l’avenue Louis de Foix en passant par le carrefour Matras. La branche Sud est en cours d’ahèvement au-delà de Marracq.
La communauté d’agglo a défini, fin 2020, deux « périmètres de réflexion » de plusieurs hectares chacun, le long du T2, pour permettre l’intervention de l’EPFL (Etablissement Public Foncier Local, en charge du portage foncier à la place des communes ou de l’agglo). L’un, Montalibet, concerne la branche Sud, entre le stade Dauger et l’hôpital ; l’autre vers le Nord, Matras, se situe en face du cimetière israélite, sur le côté Ouest de l’Avenue Louis de Foix.
Dans les deux cas, il s’agit officiellement de rénovation urbaine pour une meilleure qualité d’insertion du T2, avec logements et activités, mixité sociale, etc. Tous les bons mots figurent dans les délibérations de l’agglo pour justifier préemptions, démolitions, constructions, etc.
Les promoteurs n’avaient pas attendu les décisions de l’agglo pour lancer des projets immobiliers. Ainsi, dans le secteur Montalibet, on rencontre déjà Alday, avec 17 logements rue Léon Moynac, et Zokato (avec Hébrard comme architecte) avec 14 logements rue Raymond de Martres. Une dizaine d’autres parcelles sont déjà dans le portefeuille de l’EPFL
Dans le secteur Matras, il y a eu trois parcelles achetées par l’EPFL, mais encore aucun permis de construire n’est encore déposé. C’est avant et après ce secteur que les opérations immobilières se multiplient.
Un travail de repérage (effectué en novembre dernier) des PC affichés à moins de 5 minutes à pied d’un arrêt du T2, comme dans le haut de la rue Maubec ou chemin de Hargous (une rue parallèle à Léon de Foix) a permis de faire l’inventaire des chantiers récents, en cours ou annoncés. On dénombre 11 chantiers, avec entre 12 et 87 logements chacun, soit un total de 392 logements.
Il faut peut-être y ajouter une résidence seniors (Nexity) avec 104 appartements, complétés par 26 logements en accession « à prix maîtrisés ». Peut être, car affiché cet automne, le PC semble avoir été annulé en janvier.
Les promoteurs sont ceux qu’on retrouve souvent, comme hier à Saint Etienne et Belharra : Pichet (pour 2 opérations, dont celle de 87 logements), Bouygues, Cogedim, Kaufmann & Broad, Aedifim, Eiffage et quelques autres. Parfois ces nouvelles constructions se font au prix de la démolition de maisons basques typiques, parfois en artificialisant des parcelles arborées et végétalisées, notamment dans le projet L’Hargousier de l’Aedifim (voir photos de villas à démolir pour l’Hargousier de l’AEDIFIM et pour Ahoya de Bouygues)


Dans toutes ces opérations, il n’y a pas de logements sociaux, au sens de la loi SRU (locations, PSLA, BRS), mais l’Hargousier affiche parfois de « l’accession sociale » dans sa communication. Tous ces projets affichent de l’accession « aidée » via le PTZ (Prêt Taux Zéro), ou « maîtrisée » (catégorie très floue). Quasiment tous sont accessibles au dispositif « Pinel », qui encourage l’achat pour location à l’année, avec des réductions fiscales.
Pour les prix, le Carré Haizean (16 logements au 44 chemin de Hargous) affiche une moyenne de 5 000 euros le m². Ailleurs, c’est rarement au-dessous de 4 000 euros le m².

Pour toutes ces opérations c’est le libre marché immobilier, le laisser faire, encouragé par un plan local d’urbanisme encore permissif, tant par le seuil élevé où se déclenche l’obligation de mixité sociale, que par l’assimilation de l’accession « aidée » ou « maîtrisée » à de l’accession sociale, sans que cela soit conforme à la loi SRU.
On peut donc parler d’une politique consciente de peuplement, d’une politique en vigueur pour attirer des couches moyennes aisées, au nom de la mixité sociale, et en s’appuyant sur la valorisation du passage du T2.
On peut d’autant plus parler de nouveau peuplement, que des logements locatifs sociaux existent depuis longtemps sur cette partie du trajet du T2. Il y a 3 cités, datant des années 1960 et 1970 : Porcelaine, avec 40 logements en face du secteur « Matras » ; Bedat, vers le milieu de la rue Maubec (côté Est), avec 146 logements, récemment rénovés.
Et surtout la Citadelle, entre le fort militaire et la rue Maubec (côté Ouest). Une opération démolition / reconstruction / rénovation / mixité sociale a été engagée récemment. Elle comporte tous les ingrédients des grosses opérations de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville. Sur 241 logements, la démolition de 153 d’entre eux vient de commencer (photo des blocs vidés, murés et en désamiantage). Leur reconstruction est à venir. 88 vont être rénovés. Et pour la mixité sociale, 79 appartements supplémentaires vont être construits, en accession sociale, ciblant les classes moyennes.

De la mixité sociale dans les cités ? Sans doute. Mais aussi en mettant des HLM dans les nouvelles constructions le long du T2. Et encore mieux, avec des HLM au centre ville et à Paulmy. L’enjeu principal pour le logement à Bayonne, c’est le locatif public, les HLM.

A suivre : un 5ème et dernier volet sur les choix de développement à moyen terme.
Patrick Petitjean, le 31 mars 2023, révisé le 28 mai