
Le PLH de la CAPB
PLH : Plan Local pour l’Habitat
CAPB : Communauté d’Agglomération du PaysBasque
Les difficultés nationales n’expliquent pas tout. Les bailleurs et les élus ont de nombreux moyens d’action.
Pourtant, on a pu voir un titre choc dans Sud-Ouest le 8 février : « les bailleurs sociaux contraints de construire moins » en faisant le compte rendu de la cérémonie de voeux de l’Office 64 (bailleur départemental) : les effets de l’inflation des coûts des matériaux de construction et de l’augmentation des prix du foncier s’ajoutent aux conséquences de la politique gouvernementale compensation de la suppression des APL et augmentation du taux du livret A) pour obliger les bailleurs sociaux à consacrer des fonds propres trop considérables s’ils voulaient maintenir le niveau de construction, et aux collectivités locales d’augmenter leurs subventions.
S’exprimant en tant que président de l’Office 64, Claude Olive, maire d’Anglet, annonçait une diminution de 400 en 2022 à 250 en 2023 de la livraison de logements sociaux, d’où le titre de l’article sans doute..
S’il y a du vrai dans cette argumentation, il faut regarder de plus près avant de parler de « contrainte » nouvelle. Les logements livrés en 2023 ont été engagés depuis plusieurs années (notamment pour l’achat du foncier). Et la baisse de construction des logements sociaux au Pays basque a commencé dès 2016, où le nombre de logements locatifs agréés avait atteint 1096 : voir le billet n°3 précédent.
Lors de cette cérémonie, Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la CAPB n’a pas craint d’affirmer, selon le journaliste, que 1200 logements sociaux avaient été construits en 2022 au Pays basque, 800 en locatif et 400 en accession sociale. Ce ne sont que les objectifs affichés du PLH pour l’agglo, mais la réalité est tout autre, avec seulement 571 logements en locatif, contre 740 en accession. Moins de locatif, et beaucoup plus d’accession. Et pourtant, 11 000 demandes de locations sociales sont en attente au Pays basque
C’est là une question très politique, et très locale, qui concerne autant les collectivités que les bailleurs : on construit quoi, et pour qui ? Le déséquilibre apparu en 2022, où l’accession remplace la location, n’est pas une fatalité, mais un choix : loger en priorité les couches moyennes, ce qui, dans le contexte décrit plus haut, revient à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Un tel choix est hautement revendiqué par plusieurs maires de la Côte basque, proposant même d’augmenter le plafond de ressources pour l’accession sociale, pour permettre à des couches « moyennes supérieures » d’en bénéficier.

Et si l’argument du « c’est la faute à la politique nationale » ne suffisait pas, les mêmes maires avancent une autre cause : les riverains multiplieraient les recours contre les projets avec logements sociaux… Les recours contre de nouvelles constructions sont effectivement fréquents. Mais contre quoi ? Contre la densification ? Contre une densification mal faite ? Pas certain que l’égoïsme social, évidemment aussi présent, surtout dans des ville « riches », soit la cause principale de ce refus.
Une telle argumentation contribue à légitimer une sorte de « NIMBY » social, en stigmatisant le logement public, à l’image de la citation de Jean Grenet pour Bayonne que j’avais rapporté dans le billet précédent « il n’y a pas de raison pour qu’une seule ville soit le réceptacle de toute la misère du monde et que les autres s’exonèrent de cette mission ». Du NIMBY et du mépris social à l’échelon d’une commune.
Pour contrer l’effondrement du nombre de logements locatifs sociaux, le collectif Herrian Bizi avance dans sa plate forme pour la manifestation du 1er avril, des propositions « offensives », passant par une mise à niveau des PLU (Plan Local d’Urbanisme), en portant à 70 % le pourcentage de logements sociaux obligatoires dans toute opération immobilière, à partir de 3 ou 4 logements pour limiter les effets de seuil. Et dans ces 70 %, au moins 45 % de locatif, et au plus 25 % d’accession. Et parmi les locatifs, au moins 30 % de « très sociaux » (PLAI).
C’est en même temps accélérer le rattrapage du quota SRU (25 % de logements sociaux sur une ville) et ne pas le considérer comme un maximum.
En savoir plus : http://www.herrianbizi.com/doc/logementsocial.pdf
Patrick Petitjean, 26 mars 2023