
La loi SRU a bien changé
Depuis 2000 (Jospin), la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) impose, selon certains critères, à des villes d’avoir un minimum de 25 % de logements sociaux, sous peine de sanctions financières, de se doter d’un programme triennal de rattrapage. Les retardataires risquent une mise sous tutelle par l’État de leur politique de logement.
Mais la loi SRU 2023 n’est plus celle de 2000. Au fil des alternances politiques, elle a bougé dans un sens plus social,ou inversement. Si la droite n’a pas réussi à la supprimer, elle en a changé la nature.
Cette loi date du Gouvernement Jospin : elle est publiée le 30/12/2000 . Elle instaure l’obligation de 20 % de logements sociaux, locatifs à l’époque. Elle ne concerne que des communes d’une certaine taille, dans des zones dites « tendues » du point de vue des logements. Elle prévoit différentes formes de sanctions pour les communes en dessous du seuil, et dont les efforts de rattrapage seraient lents ou insuffisants.
Elle concerne principalement la location sociale. A côté, existait déjà depuis 1984 un dispositif dit PSLA (Prêt Social Location Accession), qui permet à un locataire d’acheter son appartement, sous certaines conditions, après quelques années à un prix résiduel. Parmi les conditions, un minimum antispéculatif, le remboursement du différentiel de TVA à l’achat si la revente intervient 10 ans après l’achat. Mais les PSLA ne rentrent pas en compte dans les quota SRU.
Les efforts des élus de droite (nationaux ou locaux) pour revenir sur cette loi ont été immédiats. Sous Sarkozy, c’est la loi Boutin, promulguée en 2009 qui élargit les délais de rattrapage, mais surtout ouvre le droit de compter parmi les logements sociaux l’accession sociale (les PSLA) en plus du locatif. C’est l’époque du mythe du « devenez propriétaire de votre maison avec 15 euros par jour ». On parle d’« accession populaire » au-delà même de l’accession sociale.
Cette accession sociale restait très minoritaire par rapport aux locations traditionnelles. Un PSLA reste comptabilisé comme logement social 5 ans après l’achat. Mais les effets dévastateurs d’une telle inclusion se font sentir à plein aujourd’hui.
Sous Hollande, la loi ALUR, due à Cécile Duflot et promulguée en janvier 2013, relève le seuil de 20 % à 25 % pour l’obligation de construction de logements sociaux, entre autres améliorations. Cette loi comporte une nouveauté essentielle pour faire face à la spéculation foncière : la possibilité de dissocier la propriété du foncier de celle des murs du logement. Le foncier reste propriété publique à travers un « office foncier solidaire » (OFS), avec lequel le propriétaire des murs conclut un « Bail Réel Solidaire » (BRS) donnant lieu à une redevance mensuelle. J’y reviendrai dans le billet suivant consacré à la folie BRS.
Tout change avec Macron et la loi ELAN du 23/11/18 qui inclut les BRS dans l’accession sociale prise en compte dans le seuil de 25 % de logements sociaux. Les OFS / BRS ne sont plus seulement un outil « robuste » contre la spéculation ils deviennent en quelques années un moyen de loger prioritairement les classes moyennes : elles aussi victimes de l’envolée des prix, elles ont du mal à se loger dans le « libre » (location ou achat), sans avoir accès au locatif public. Les PSLA (moins « robustes » contre la spéculation) et plus contraignants, ont quasiment disparus au profit des BRS.
Autre scandale : le pourcentage de logements sociaux dans la loi SRU est calculé sur le nombre de résidences principales, sans prendre en compte les résidences secondaires. Aucune réforme depuis 2000 n’a remis en cause ce mode de calcul. Dans les zones touristiques, le pourcentage des résidences secondaires voisines parfois les 50 %. Cela donne donc en réalité une vision très faussée de la réalité du logement social au regard de l’ensemble des logements.
Si ce pourcentage était calculé sur le nombre total de logements, résidences secondaires incluses, le déficit en logements sociaux serait encore plus catastrophique dans des villes comme Biarritz. A Bayonne, où le taux officiel a toujours varié autour de 26-27 %, il descendrait seulement à 24 %, compte tenu d’un taux de résidences secondaires au-dessous de 5 %.

Autant dire que l’inclusion des résidences secondaires (et des logements vacants), qui nécessite une modification législative, est reprise par les associations de la plate forme Herrian Bizi et relayée par Inaki Echaniz, le député PS-NUPES de la 64-04, comme certains parlementaires de droite (pas tous).
16 communes du Pays basque sont assujetties à la loi SRU. Une seule, Bayonne (26%, et cela remonte à 30 ou 40 ans, j’y reviendrai dans un autre billet) est dans les clous. Les plus éloignées sont Hasparren (7%), Saint Pée sur Nivelle (8%), Cambo et Mouguerre (9%). Si l’on prend en compte les résidences secondaires, Biarrtiz, Cambo, Ciboure et Hasparren sont à 6 %, Saint-Pée sur Nivelle à 7 %, Ascain à 8 %, Urrugne et Mouguerre à 9 %.
Au final, aujourd’hui, plus personne ne remet en cause l’accession comme composante du logement social dans la loi SRU à côté du locatif. Dans les documents sur le logement, on distingue deux blocs : le « social social », à savoir la location standard (dite PLUS) et la location très aidée (dite PLAI), et le « social intermédiaire »avec les BRS, les PSLA, le locatif intermédiaire (dit PLS et PLI). Ce dernier bloc garde son caractère social d’un plafond de ressources (le même pour toute les catégories) pour y accéder.
Patrick Petitjean 22/03/23